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lieux communs (et autres fadaises)
20 novembre 2005

dominicalement votre

la musique d'un dimanche matin frisquet (mais "un froid sec est sain"...) :

1) MOMENTS IN LOVE (Art of Noise) 10'21
2) EXCUSE MOI (Zazie) 3'26
3) SPEED OF SOUND (Coldplay) 4'49
4) AZZURO (Régine) 4'09
5) RUN TO YOU (Bryan Adams) 3'52
6) LA GRANDE ZOA (Régine) 2'49
7) LITTLE STAR (Stina Nordenstam) 3'39
8) POURQUOI UN PYJAMA ? (Régine) 2'29
9) RENT (remix) (Pet Shop Boys) 7'07
10) OUI (Zazie) 4'25
11) SAME OLD SCENE (Roxy Music) 3'57
12) SINATRA (Alain Chamfort) 3'51
13) PERFECT SKIN (Lloyd Cole) 3'13
14) L'HÔTEL DES INSOMNIES (Alain Chamfort) 3'42
15) COLD SONG (Klaus Nomi) 4'04
16) TROIS NUITS PAR SEMAINE (Indochine) 4'49
17) O SUPERMAN (Laurie Anderson) 8'27

J'aime bien ce mélange, un peu nunuchon, un peu nostalgique, un peu calme, un peu répétitif, un peu minimaliste, un peu midinet... ça me ressemble assez.

l'extrait littéraire d'un dimanche midi :

" 256) J'ai eu une période où j'oeuvrais en dilettante dans l'existence. Désemparé, je formulais des pensées sans conviction. Je restais à la maison en attendant que quelque chose survienne. Je sentais le temps qui passait, jugeant de son inutilité absolue. Je tentais de me figurer les circonstances auxquelles tout devait idéalement se conformer. J'établissais des plans détaillés où je projetais puis mettais au point la possibilité de tomber à nouveau amoureux. Je me disais que, éventuellement, si je devançais les problèmes, j'en serais délesté le jour où ils apparaîtraient.
Rien ne survenait. rien dont j'étais l'inspirateur. puisque, en outre, je ne prenais l'initiative de rien.
De plus, je décidais d'intégrer cette masse de gens qui sont honteusement bien en dépit de leur âge canonique, alors même qu'ils devraient avoir rendu l'âme depuis des lustres. Je vais leur montrer, moi, songeais-je."

"300) Et au milieu de la nuit, je me suis réveillé.
Sidéré à l'idée que la seule personne dans ce monde qui va vivre ma vie, c'est moi."

(Erlend Loe / Autant en emporte la femme/ Gaïa Editions)

la compte-rendu cinématographique d'un dimanche après-midi

KEANE (de Lodge H. Kerrigan)

Troisième long-métrage d'un réalisateur plutôt "confidentiel" (après Clean, Shaven en 94 et Claire Dolan en 98) KEANE présente le portrait d'un d'un homme brisé par la douleur.
Si ce film a un point de départ quasi identique à celui d'Alice, de Marco Martins , (sorti à peu près au même moment) : un homme recherche sa petite fille disparue, les deux films sont très différents , à la fois dans le synopsis et dans le traitement cinématographique.
Le désespoir du père d'Alice était introverti, retenu, cotonneux, traité par petites touches narratives comme vues d'un peu loin, "à distance respectable", dans des plans extrêmement composés, où affleurent des gestes plus que des sentiments, du silence plus que des plaintes exprimées.
Celui de Keane est tout le contraire. Un flot de paroles hâchées, répétitives, obsessionnelles. Dès le premier plan dans la gare routière, et jusqu'au dernier, dans la même gare routière, Lodge Kerrigan filme son personnage d'une caméra à l'épaule très mobile et très présente,qui l'accompagne, le suit de près (de très près, même), le traque, sans répit (à l'instar de la Rosetta des frères Dardenne, Keane ne quittera pas l'écran de toute la durée du film).
Keane a perdu sa petite fille Sophie dans une gare routière, il pense qu'elle a été enlevée, et tente de retrouver sa trace. Dans l'hôtel où il loge, il fait connaissance d'une jeune femme qui vit là avec sa petite fille, Kyra...
Keane est incarné par Damian Lewis, qui offre ici une composition exceptionnelle, parce qu'intensément habitée, hallucinante, hantée pourrait-on dire, tellement elle vous reste en mémoire bien après le générique de fin. Le spectateur est partagé entre l'empathie et le rejet : d'une scène à l'autre, on en arrive à avoir peur de de cet homme, en même temps qu'on a peur pour lui. Keane passe de lieu en lieu (la gare routière, les toilettes, la chambre d'hôtel, le bar, le bowling...) , il se cogne contre les parois comme un insecte affolé et furieux, sans relâche, et sans que l'on sache jamais pourquoi, ni qu'on puisse deviner à l'avance d'un plan à l'autre ce qui va se passer ensuite.
Comme dans Alice, on s'interroge sur le cheminement de ces deux pères : comment peut-on réagir idéalement face à la perte d'un être aimé, quelle est la part du chagrin, et celle de la folie, quels rôles y jouent la mémoire, la violence, le refoulement ?
D'autant plus qu'au final, ces deux personnages ont plus en commun qu'il n'y paraît au premier regard. Le premier, pour "lutter contre l'oubli" répète chaque jour à l'identique de celui de la disparition de sa fille, petit Poucet balisant son chemin à travers Lisbonne des mêmes cailloux blancs  (photocopies, cassettes vidéo), comme des balises temporelles, dans un trajet temporel rectiligne, clos sur lui-même, sans ruptures. Circulaire.
L'autre, par contre, semble en apparence progresser en zigzags, anarchiquement, sur la ligne brisée que lui fragmentent des sentiments qu'on devine mêlés et contradictoires, alors que, finalement, il n'a pas bougé d'un centimètre,  prisonnier de cette gare routière, désespérément, de cet instant où sa petite fille a disparu, dans les chiffres rouges de l'horloge lumineuse... Le centre et la circonférence.
Keane est une oeuvre forte, inconfortable parfois parce que quasiment asphyxiante, mais un film à l'intensité rare, d'une beauté poignante.

Désespérant ? Pas tant que ça finalement, vous verrez...

keane

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