si votre ramage...
TRANSAMERICA
de Duncan Tucker
Tout d'abord, je voudrais publiquement ici remercier mon amie Emma. Je lui suis redevable de ce grand bonheur :
Si elle ne m'avait pas prêté DESPERATE HOUSEWIVES, > je n'aurais pas eu le plaisir de dévorer l'intégralité de la série pendant ces vacances, > je n'aurais donc pas connu, entre autres, la blonde Lynette Scavo et son interprète Felicity Huffman, > et je n'aurais donc pas eu la curiosité d'aller voir, sur son nom, le film de Duncan Tucker, qui jusque là ne m'intéressait pas plus que ça (je le confesse, les histoires de transexuel(le ? )s n'étant pas vraiment my cup of tea...) > cqfd
Bon, il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis, et donc, je le crie bien fort à tous ceux et celles qui veulent bien l'entendre (et aux autres aussi) : COUREZ VOIR CE FILM!
J'ai (sans doute) une âme de midinette, mais c'est vraiment le genre de film à la fin duquel je reste assis, sourire béat, comme sur un petit nuage, pendant que le générique se termine et que les lumières se sont rallumées, et le sourire continue de flotter, intérieurement du moins, pendant que je sors de la salle, que je marche dans la rue, ce genre de film qui redonne espoir, confiance, ce genre de film à la fin duquel j'aurais à nouveau foi en l'humanité.
Pourtant, à priori, rien de très... affriolant : un réalisateur inconnu au bataillon (ce serait pourtant son troisième film), un sujet "casse-gueule" (comme l'ont écrit la plupart des critiques), une réalisation plutôt... sage, une sortie plus que discrète (pas de plan-média tonitruant, ni promo jusqu'à l'écoeurement) because pas de giga star inside... J'ai même dû chercher dans mes tablettes pour vérifier la date de sortie : 26 avril (hier, donc!). J'y suis entré sceptique (tel St Thomas) et j'en suis sorti converti. Ce film est un miracle ! Miracle de justesse, d'équilibre, de tendresse, d'humour, de pudeur, (je pourrais en aligner encore, des qualificatifs, sur des lignes et des lignes...)
Au début du film, on apprend que Bree est une transexuelle qui doit bientôt se faire opérer (l'ultime opération) pour devenir enfin complètement la femme qu'elle se sait être au-dedans, et qu'elle tente de faire exister au-dehors (extraordinaire performance d'actrice pour Felicity Huffmann, qui aurait dû amplement lui valoir l'Oscar, à mon humble avis, pour cette composition en forme de oui-mais non-mais oui, à triple-fond en quelque sorte, mais les décideurs de Hollywood n'ont pas daigné m'écouter, les niais...)
Bree, donc, reçoit un appel téléphonique d'un jeune taulard, Toby, (le jeune Kevin Zegers -qui je trouve , a des airs de Joaquin Phoenix en plus jeune- assez sidérant lui aussi, dans son rôle de jeune tapineur drug-addict rêvant de devenir une star du porno gay) qui dit être à la recherche de son père (Bree, en l'occurrence, quand elle s'appelait encore Harvey, et que sa thérapiste va obliger à rencontrer et à prendre en charge le jeune homme en question (pour qu'elle puisse "régler tous les problèmes de son passé") sous peine de ne pas lui fournir la précieuse signature nécessaire pour l'intervention finale.) Elle va donc aller à New-York le sortir de taule contre 1$ de caution...
Et les voilà partis tous deux, dans une vieille américaine un peu déglinguée, pour une traversée en diagonale des Etats-Unis (et des apparences par la même occasion). Lui qui le/la prend pour un genre de bonne soeur en civil, un peu coincée, qui veut le remettre dans le droit chemin et l'aider à retrouver son père, quant à elle, elle se pose de plus en plus de questions, face à cet ado un peu destroy, dont elle se sent à la fois si proche et si lointaine, se demandant si elle aura le courage de lui dire la vérité ou pas. ( style "Je ne suis pas ta mère, je suis ton père, Honey...") Je ne vous dévoilerai pas plus le scénario (qui fut d'ailleurs primé), j'aurais trop peur que ça vous gâche le plaisir.
Sachez juste que le "cahier des charges" du road movie sera scrupuleusement respecté (et même au-delà) : les paysages, les rencontres, bien sûr, mais aussi les disputes, les réconciliations, les coups du sort, les vrais gentils, les faux méchants, les révélations, les rebondissements... vous en aurez pour votre argent (et même plus, je vous garantis! ) Tout ça a l'air tellement straight, tellement facile, tellement profil bas en apparence qu'on se dit que trans le film doit l'être un peu aussi à sa manière, pour avoir un charme aussi évident (sans être pour autant racoleur), un ton aussi juste (sans jamais être moralisateur). Oui, comme on devine encore Harvey sous le tailleur vieux-rose de Bree, on perçoit sous l'habillage du film simple-traditionnel-mais-de-bon-goût, presque old fashioned, un propos autrement moins consensuel, une énergie moins politically correct, employée pour dégommer tous azimuths les préjugés et les idées reçues. (Et plus on avance, et plus il y va fort, je trouve !)Avec, pour faire passer l'éventuelle amertume du discours, l'enrobage sucré et tendre de la comédie, voire du mélo. (J'ai ri autant que j'ai eu la larme à l'oeil, pas de jaloux comme ça!)
Merci encore à Duncan Tucker, à Felicity Huffman, à Kevin Zegers, et à toute l'équipe du film, d'ailleurs (oui, merci à la thérapeute, au hippie, à l'indien-cow-boy, à la famille plus-ricaine-que-ça-tu-meurs, et merci à tous les autres aussi...) pour ce délicious moment de bonheur. Merci de m'avoir un peu ouvert les yeux sur cet univers des trans, dont on ne connaît que les éléments les plus visiblement folkloriques, hélas.
La Fontaine avait écrit Le geai paré des plumes du paon, ici on serait plutôt dans Le paon déguisé en geai déguisé en paon. A moins que ce ne soit le geai déguisé en paon déguisé en geai ?
Ou le paon déguisé en paon déguisé en paon ??
A voir.
Je vais finir par y laisser des plumes!
(Felicity Huffman & Kevin Zegers)