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lieux communs (et autres fadaises)
26 juillet 2007

orchidées

SYNDROMES AND A CENTURY
de Apichatpong Weerasethakul

Dans cette bonne ville de B. où je vais au cinéma, ce film est sorti cette semaine, mais pour une unique et solitaire séance quotidienne (18h, tarif réduit), traitement dont bénéficie aussi son confrère I don't want to sleep alone, de Tsai Ming Liang (déjà chroniqué par ici). Pourquoi je vous dis ça ? Parce que, précisément, certaines fois, j'ai envie de courir revoir le film sur le champ, séance tenante (c'est le cas de le dire), et là c'était bien le cas, mais c'était donc malheureusement impossible
On a (j'ai) envie de revoir un film illico pour plusieurs raisons : soit par ce que c'est merveilleux et qu'on s'y est senti tellement bien qu'on veut absolument réitérer l'expérience, soit parce qu'on n'a pas tout compris,  qu'on a le sentiment que quelque chose vous échappe, qu'on aimerait avoir de plus amples explications sur certaines scènes, certains plans, certains détails...

Eh bien là, les deux raisons sont valables. De même qu'il y a deux parties dans le film, deux même il y a deux bonnes raisons (au moins) de retourner le voir! Comme pour les deux précédents films vus de ce cher Apitchounet, on a donc deux demi-histoires, qui réunies, en forment une troisième. Sauf qu'ici pas de changement radical entre les deux moitiés. C'est comme s'il nous racontait deux fois la même chose, une fois "normalement" et une fois "d'une autre façon".
Ainsi, la première partie débute par un entretien d'embauche aux questions un peu absurdes que fait passer une jeune médecin à un jeune médecin, et la seconde partie débutera par le même entretien d'embauche, avec les mêmes questions (la médecin / le médecin) mais pas au même endroit (et certains disent pas au même moment non plus...)

Pas question de tout disséquer, tout recenser, tout analyser, disons juste que cette première partie est plutôt centrée sur cette demoiselle (la jeune médecin), après qui en vain un soupirant soupire, mais qu'elle éconduira gracieusement, en lui racontant l'histoire de l'homme aux orchidées, un amour de jeunesse qui compte toujours pour elle, mais on suivra aussi en parallèle les émois sentimentaux d'un jeune dentiste, chanteur de variétoche thaï à ses heures, qui tombe amoureux d'un moinillon (d'un bonzinet ?) DJ contrarié... Et cette première partie est proprement miraculeuse. Parce qu'il y est toujours question d'amour, et pas forcément d'amour partagé, mais sans qu'y apparaissent ses habituels corollaires : souffrance, jalousie, déception, douleur, pathos... Il s'agirait juste de l'essence de l'amour ? Plutôt de la recherche, de l'approche  de cet élément mystérieux. C'est constamment d'une beauté à la fois  simple et fragile, ça coule, ça s'écoule, couleurs claires, frémissements, soleil, arbres qui bougent, avec  une fluidité touchante, une délicatesse incroyable... Si le pathos existe, il n'apparaît pas. Ou alors si imperceptiblement qu'il en devient translucide.

La seconde partie, qui rejoue quasiment dans ses grandes lignes la première, en intervertissant les lieux, les situations, en rajoutant des personnages, des scènes aussi, est à la fois (surtout vers la fin) un plus inquiétante et  déstabilisante. Mais on n'est toutefois pas perdu dans la jungle obscure de la seconde partie de Tropical malady. On est toujours alors dans le milieu médical, on reconnaît les personnages, mais les repères qu'on avait sont comme un peu détournés, on ne comprend pas toujours de quoi exactement il est question, ni ce que signifie vraiment ce qu'on nous montre. Elle ré-équilibre en quelque sorte le trop plein de légèreté dont le début nous avait oxygéné les neurones. L'hôpital, son personnel, ses couloirs, son décor immaculé, aseptisé, prennent soudain plus d'importance. La construction du récit est plus heurtée que dans la première moitié, qui était plutôt sans coutures apparentes. Oserais-je parler de patchwork? On a un peu le sentiment d'un jeu de (dé)construction, comme si le réalisateur avait volontairement omis dans ses phrases les conjonctions de coordination et les balises logiques du récit. Des espaces disjoints se juxtaposent, certains anxiogènes, d'autres joyeusement régressifs. Si la première partie était les Syndromes du titre, peut-être celle-ci est-elle alors les "and a century" ? (comme on dirait "le mal du siècle" ?)

Les films d'Apichatpong W. sont comme des caissons d'immersion sensorielle. Sa façon de filmer la nature, son goût des relations entre les êtres, son évidente maîtrise de la caméra, font de chacun d'eux une expérience unique, un puissant objet de fascination. Celui-ci, qui clôt une trilogie (avec Blissfully yours et Tropical Malady) est selon son auteur une évocation autobiographique, consacrée à ses parents (médecins). Je veux bien le croire, mais je l'ai  surtout reçu comme un sublime cadeau, en tout cas le présent idéal en cette fin d'après-midi ensoleillé.

"Et si tu aimes quelqu'un en secret, qu'est-ce que tu fais ?"

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(l'avis de  Zvezdo ici)

(après coup : en relisant, je me rends compte que j'ai parlé plutôt maladroitement de ce film, que je n'ai pas réussi à en retranscrire la magie... tant pis!)

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