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lieux communs (et autres fadaises)
17 mai 2008

impact, impact

BEAUFORT
de Joseph Cedar

Celui-là, ça faisait un moment que je l'attendais. Pour de multiples raisons, certaines, cinématographiques et d'autres plus... personnelles, dirons-nous. J'en sors. Ravi.
Je n'aime pas les "films de guerre", j'ai plutôt un faible pour les "films de militaires" : amitié virile, ambiance de chambrée, intimité entre potes... clichés limite testostérone, mais sans pour cela tomber dans le porno gay (dont ce serait d'ailleurs un fantasme redondant, mais aussi stéréotypé que -quelle horreur!- les mecs y sont bodybuildés, stéroïdés, épilés, poncés, encaustiqués, pouah, mais ceci nous éloigne de notre sujet, revenons donc à nos bidasses...) des mecs normaux, donc, dans une situation (extra)ordinaire, entre la "sécurité" du dedans et le danger à l'extérieur. Quand les mecs en question sont des israéliens, en v.o qui est plus est, tout en accentuations rauques et chuintés doux (hmmm je trouve que -je crois l'avoir déjà dit- l'hébreu est une langue infiniment sexy), en gueules mal rasées et en  (hello Catherine...)  z'yeux de gazelles (j'aime leurs sourcils aussi, quasi de loup-garous), en je fume un pétos au lit et je me doucherai demain, l'intérêt monte encore d'un cran, et l'aiguiille-témoin aurait comme qui dirait tendance à s'affoler...
Où il est question des derniers jours d'occupation par l'armée israélienne (après y avoir passé 18 ans, tout de même) d'un poste avancé en territoire libanais (si j'ai bien compris) tout près de la frontière. On vit le quotidien de ces hommes, confrontés aux attaques imprévisibles -mais souvent mortelles- d'un ennemi qu'on ne verra jamais, entre les dédales souterrains de leurs abris, les écrans de contrôle, les postes d'observation, et le contact téléphonique avec des supérieurs invisibles eux aussi, au bon vouloir desquels ils doivent se plier.
Leur quotidien ? L'attente (on attend les ordres, on attend le feu vert, on attend la relève...), l'immobilité (il s'agit avant tout de surveiller, de subir l'assaut, en sentinelles impassibles, jamais de le donner), l'absurde (juste se dire qu'on est là), le dérisoire (se raccrocher à des signes qu'on est censé protéger : un drapeau, une plaque commémorative), et surtout, la peur, la peur, la peur  à chaque instant, à chaque déplacement, à chaque engin suspect, à chaque sortie, à chaque impact...
La (jeune) garnison cantonnée à Beaufort est placé sous les ordres de Liraz, un (jeune) gradé, personnage autour duquel le film va s'articuler, nous délivrant un bien beau portrait d'homme, jamais idéalisé, au contraire, cristallisant en lui toute cette trouille en des états divers (nul n'est infaillible, nul n'est à l'abri), avec le doute qui petit à petit s'insinue (il ne s'agit au début que d'obéir aux ordres, sans discuter, et progressivement les certitudes de bon petit soldat se lézardent, les questions, et l'incompréhension, viennent affleurer, s'enraciner, et miner les consciences de chacun et leur faire voir, enfin, peut-être, les choses sous un autre angle.)
Un compte à rebours, temporel, jusqu'au jour de l'explosion finale, de l'abandon de la position et du retour au pays, mais aussi  un décompte des hommes qu'on va perdre progressivement au fur et à mesure de cette anti-épopée (la guerre vue par le très petit bout de la lorgnette , mais à la plus grande échelle possible : le très grand écran dans le bôôô cinéma était comme rempli à ras-bord -et pour une fois, il semble que l'image était complète, alleluïa, alleluïa!) dans un genre de comptine funèbre éliminatoire à la 10 petits nègres : Dix petits soldats allèrent se promener, l'un deux voulut déminer un engin suspect, il n'en resta plus que neuf... / Neuf petits soldats montèrent la garde, l'un d'eux... and so on, où l'arbitraire est posé comme contrainte de l'éliminatoire : chaque fois qu'un soldat quitte la sécurité du labyrinthe souterrain et se risque au-dehors, sait qu'il s'expose, et  risque d'être le prochain.
Il s'agit d'un drame humain(s) bien plus  que d'une tragédie militaire semblent nous dire Joseh Cedar, le réalisateur, et son scénariste Ron Leshem (dont le film est l'adaptation du roman du même nom) . Une chronique, bien plus qu'un épopée. On est scotché devant l'écran pendant les deux heures du film, fasciné. Cette façon d'être très près des hommes, ce refus du spectaculaire, ce goût du détail, cette précision et cette rigueur de la mise en scène, font de Beaufort un énorme moment de cinéma. Quoi de neuf sur la guerre ? écrivait Robert Bobert, Quelle connerie la guerre...  chantait Prévert. Les deux titres auraient parfairement pu convenir à ce grand film-là.

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