LA MAISON JAUNE
d'Amor Hakkar
Un cinéaste régional (qui habite dans la ville à côté), un film fait avec très très peu de moyens (c'est le réalisateur lui-même qui nous l'a confié), un réalisateur qui est aussi scénariste, dialoguiste, acteur, producteur, monteur... on pourrait a priori être inquiet à propos du résultat... Eh bien pas du tout. Bon, c'est vrai, le début est un tout petit peu cahotant, il est vrai, au point de vue tant de l'intrigue que de l'interprétation (on vient annoncer, par courrier, à un père de famille que son fils militaire est mort dans un accident, dans une ville voisine, et qu'il doit aller reconnaître le corps). Comme s'il fallait aux différents acteurs le temps de se "caler"... Mais dès que Mouloud, le père en question (joué par Amor Hakkar lui-même) a mis en route le lambretta (genre de tricycle à moteur avec lequel il va d'habitude vendre ses patates au marché voisin) le film lui aussi démarre, et nous embarque, et ne nous lâchera plus d'ailleurs jusqu'à la fin.
Comme quoi, finalement, le budget ne fait pas le moine, et que certains, avec trois francs six sous et quelques bouts de ficelle, réussissent à créer un univers filmique authentique, cohérent et digne d'éloges. Je ne sais pas si on doit le ranger plutôt dans la catégorie du conte ou celle de la fable : il s'agit en tout cas d'une histoire de famille (les liens qui s'y créent, ceux qui s'y cassent et qu'on tente de rafistoler), d'un trajet, ou mieux encore d'une trajectoire (celle du père) émaillée de rencontres, et, finalement, d'une chronique sur les petites gens, les pauvres des Aurès, dont le réalisateur a souhaité utiliser la langue natale, le chawi, pour les dialogues de son film.
On pourrait, c'est vrai, taxer le récit d'irréalisme, voire de naïveté, tant on n'a pas l'habitude de voir des gens (tout ceux, à part le maire, qui vont croiser la route de Mouloud) , des inconnus, aussi spontanément aidants, serviables, gentils. Chacun est prêt à donner un renseignement, un conseil, un coup de main, mais, mine de rien, ça fait du bien, et on se dit alors qu'on ferait peut-être mieux d'aller habiter là-bas, hein, ça changerait un peu...
D'autant plus qu'Amor Hakkar a su utiliser au mieux les décors naturels dans lesquels il a filmé, et a réalisé, finalement, un film qui lui ressemble (il est venu nous le présenter dans le bôôô cinéma, et il était souriant, même si nous étions peu dans la salle...) simple, humain, tendre. Touchant et juste, avec de vrais beaux moments cinématographiques dedans. Un film horizontal sans être jamais plat, un film simple mais pas simplet, un film dépouillé mais jamais misérabiliste, bref le genre de film qu'on a envie de défendre, en tout cas le genre de film qu'on ne peut pas avoir envie de descendre...