LE RAVISSEMENT D'ADELE
de Remy De Vos
Mise en scène de Pierre Guillois
De retour de la traditionnelle représentation estivale, dominicale et bussenaise. Du bonheur...
Pourtant, je n'étais pas très chaud (le temps non plus d'ailleurs) pour y aller. La déclaration d'intention de l'auteur me laissant quelque peu perplexe : plusieurs lieux sur la même scène où se jouent des actions en continu. tout le monde qui parle en même temps ? Avec mon neurone ramolli, je me disais que je risquais de ne rien comprendre.
Et bien, pas du tout :
Une jeune fille, Adèle, a disparu. Son père la cherche, le village est en émoi, (pour des raisons diverses et variées) et bien évidemment ça dégénère.
Vous avez donc, en cour l'appartement du papa d'adèle, au dessus de la boucherie, à côté le bureau du flic chargé de l'enquête, et, en jardin, l'appart de l'institutrice (le salon, avec, en haut, la chambre de sa fille), au-dessus de l'appart d'un autre couple, plus, à travers les portes du théâtre ouvertes (dès le début, pendant toute la première partie, et une partie de la deuxième), un vrai "espace vert" (et assez animé lui aussi)
Pierre Guillois, le metteur en scène, confirme avec ce spectacle (le troisième de son mandat, qui vient d'ailleurs être reconduit pour trois autres) la direction prise avec UBU, puis avec LES AFFREUSES : Le "Théâtre du Peuple" redevient vraiment celui du peuple. Point de prises de têtes alambiquées, de sombres drames, de shakespeareries échevelées, d'avant-garde (-fou), de répertoire sublime, ce spectacle-là fait plus appel aux tripes (y figure d'ailleurs un mémorable couple de bouchers) et aux zygomatiques qu'à l'intellectualisme ou à la réflexion ardue. Il semblerait d'ores et déjà que le bouche-à-oreille fonctionne à plein rendement, et de façon très positive, si l'on en croit les chiffres des réservations.
Autour de la disparition d'Adèle s'agitent maints couples plus ou moins bien assortis, plus ou moins aimants, plus ou moins rafistolés, qui nous dévoilent leur petite cuisine intime, et c'est pas toujours joli joli. Et le public ne s'y trompe pas, qui rit comme une seule baleine face à ce miroir tendu où chacun, s'il n'y reconnaît pas sa condition propre, y verra certainement au moins celle de ses voisins. La paille et la poutre.
Et si la première partie peine un peu par moments à conserver son rythme (d'autant plus que derrière nous, une mamie a eu la mauvaise idée d'avoir un malaise, avec intervention de médecin, pompiers, réanimation et tout le tralala, ce qui n'a pas arrangé les choses question concentration), la deuxième est vraiment un moment d'anthologie (à partir du moment où les portes sont refermées), un délire (délice) visuel quasiment cartoonesque, où la mécanique s'emballe jusqu'au nonsense, pour le bonheur des spectateurs, avec un dénouement express comme on en a rarement vu. Deus ex machina motorisata! (Mieux que Speedy Gonzales, voici Speedy Adèle... )