sidérant
LEGER TREMBLEMENT DU PAYSAGE
de Philippe Fernandez
Un film singulier. A plus d'un titre. Nous avions hier soir la chance d'avoir, dans le bôô cinéma, à la fois son unique copie en exploitation et son réalisateur en personne. Un film à la fois ambitieux dans son propos, original dans sa forme, mais hélas aussi handicapé par son manque de moyens. (On se prend d'autant plus à regretter lorsqu'on écoute son réalisateur en parler, et qu'il s'avère effectivement aussi passionnant qu'il est passionné... Les spectateurs ne sont pas déplacés, ou presque -nous étions peu dans la salle- mais c'est tant pis pour eux)
Dans un village, à la fin des années 60, chacun vaque à ses (pré) occupations : deux gamins rêvent de voyage dans l'espace et de machines à voyager dans le temps, un pilote fait des réglages pour obtenir de sa bagnole la trajectoire parfaite, son assistant tente de capter des signaux radio/télé venus d'ailleurs, un peintre peint des ciels, et modifie sa façon de peindre, une chercheuse en morphogenèse casse des vitres au marteau, une modèle pose et provoque des émois, un petit singe se ballade, des têtards gigotent, bref chacun s'agite et vibrionne dans son coin, interagissant parfois avec un ou plusieurs des autres éléments, dans cette plaisante et foutraque Théorie du chaos (revendiquée -et revisitée- par son réalisateur.) jusqu'à ce qu'un élément perturbateur vienne encore en rajouter dans cette agitation...
C'est... musical : minimal, répétitif, chacun jouant sa partition, avec ses variations et ses reprises. D'une drôlerie singulière, "décalée" pourrait-on dire, et plutôt réjouissante. Et très précisément écrit malgré ses airs de divagation et d'aléatoire. Le propos-goût double du film (entre vulgarisation scientifique tous azimuths -et certes le film l'est un tantinet, azimuthé- et réflexion(s) sur l'art -et la façon de créer-) est illustré et mis en forme par cette succession de micro-billes fictionnelles et autonomes, mais le résultat, s'il est plaisant incontestablement ne nous en laisse pas moins un peu sur notre faim... Parfois on le sent plus étique qu'éthique, et c'est un peu dommage...
On n'est pas trop sur d'avoir vu ce qu'on a vu ("C'est une histoire vraie ?" a demandé un des spectateurs au réalisateur) et d'ailleurs je suis sûr qu'aucun de nous n'y a vu la même chose. Moi, j'avoue avoir suivi plus particulièrement l'itinéraire du peintre et celui des deux gamins. Les Cahiaîs ont raison (leur critique était belle) il y a un parfum de Tati là-dedans. J'aurais voulu être un mécène et avoir plein de pépètes pour les offrir à Philippe Fernandez, afin qu'il puisse réaliser vraiment le film dont il avait rêvé...