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lieux communs (et autres fadaises)
25 septembre 2010

dis-le moi au creux de l'oreille

MIEL
de Semih Kapanoglu

(tiens tiens, encore question de miel... cf post précédent)

Du même monsieur qui avait fait Yumurta (Oeuf), que j'avais beaucoup aimé, et qui fait partie de la même trilogie, (dont le dernier-quoique central- volet s'intitule MILK (pourquoi avoir traduit l'un et pas l'autre ? Mystère...). Trilogie à l'envers, car celui qui était un adulte dans Yumurta est ici un enfant dans Miel (et sera un ado dans Milk...)
En parlant des titres, justement, c'est pas souvent qu'un réalisateur peut se vanter d'avoir réussi à mettre ses trois films sur la table dans un même plan, et c'est pourtant bien le cas ici!
Un film sur l'enfance, autour d'un enfant, mais pas forcément  destiné à un jeune public. Qui risquerait de s'y ennuyer un poil et de s'y perdre un chouïa. (Comme dans Yumurta, on navigue souvent à vue entre rêve et réalité, et ce n'est pas forcément évident de rendre à chacun ce qui lui revient.) C'est très beau mais c'est très lent (Dominique m'a dit en ricanant, à la sortie, "ça n'est pas aussi lent qu'Oncle Boonmee..." mais je n'étais pas tout à fait d'accord, j'y reviendrai peut-être...) Comme Yumurta, le film commence par un rêve, qui, comme dans Yumurta concerne la mort d'un parent (ici la visualisant, là la métaphorisant) on sait donc à quoi s'attendre.

Le jeune Yusuf, qui ne peut s'empêcher de bégayer quand on lui demande de lire à l'école (alors qu'il le fait sans problème chez lui) entretient un lien très fort avec son papa Yakup (un joli papa turc, barbu, et qui est plus est avec un bonnet -allez savoir pourquoi mais j'ai toujours craqué sur les mecs avec un  bonnet...-) sympathique papa, et qui plus est apiculteur. (mais dont on sait presque tout de suite qu'il va mourir.) Un lien qu'on pourrait qualifier de complice.
Ils ont ensemble une relation chuchotée (ceci évitant à Yusuf de bégayer), et rien que ça c'est superbe à regarder. Comme le papa est apiculteur (et que visiblement, en Turquie, les ruches sont dans les arbres) on est très souvent dans la forêt (et ça aussi c'est superbe à regarder) où tous les deux y vont gaiement gambadant. Les arbres sont superbes, et superbement filmés (Apitchouneeeet...) On les voit aussi bien qu'on les entend bouger, on devient aussi attentif et émerveillé que Yusuf en train d'admirer son papa...

Le film est, le plus souvent, à hauteur d'enfant, avec les objets autour desquels se cristallisent les petits événements qui constituent une journée (le verre de lait du petit-déj', le livre de lecture, le grelot, le bateau en bois, l'enfumoir...) avec les sentiments et les sensations qu'y s'y rapportent. Car chaque enfant est véritablement une éponge à sensations, qu'on absorbe et qu'on restitue continuellement, comme on respire. Et le spectateur est d'autant plus attentif que le jeune acteur qui interprète Yusuf est vraiment extraordinaire. L'équivalent au masculin de ce qu'avait pu être Ana Torrent dans Cria cuervos (ce qui n'est pas de ma part un mince compliment, ceux qui me connaissent pourront témoigner!) Il est perpétuellement juste, touchant, frémissant, limpide, obscur, attachant, simple, évident, attendrissant, etc. On vit, d'autant plus fort, le film à travers lui.

La disparition du père n'est pas une mince affaire, (qui n'est pourtant pas ici, paradoxalement, un ressort dramatique, puisque dès les premières minutes, comme je l'ai déjà dit, on le sait.)  Elle sera pourtant, d'abord dans l'attente, dans l'espoir , plus tard sur le versant opposé, le déclenchement de "quelque chose" le passage de relais vers une autre étape de la vie du gamin. Et si  le réalisateur abandonne ainsi Yusuf en pleine nuit au milieu de la forêt (ne serait-ce pas une scène quasi équivalente qui a lieu presque à la fin de Yumurta ?) rien n'est définitivement perdu, et surtout pas l'espoir.

Et ce n'est que rétrospectivement qu'on réalise que Semih Kapanoglu nous a raconté tout ça de la façon la plus nue qui soit au cinéma (c'est à dire sans aucune musique) et l'on n'en est alors que plus admiratif. Peu de personnages (on a surtout le triangle familial que viennent "équilibrer" les scènes d'école, avec juste, vers la fin, une étonnante scène de foule. Beaucoup de gens, musique, grands espace et brume tout en haut...) Et le contrepoint perpétuel de la nature, de la forêt.
Un très beau film (qui viendrait aussi prendre sa place dans la famille des "films doux", non ?)

19465516

 

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