le vent l'emportera
TERRAFERMA
d'Emanuele Crialese
Une bonne surprise. J'ai failli renoncer à la séance de 18h15 tellement ça bouchonnait dans les allées du bôô cinéma (qui a le schéma de circulation le plus imbécile, reconnaissons-le, qu'un parking ait jamais eu). Le sujet non plus ne m'attirait pas follement, et pourtant quelque chose m'a poussé à me jeter à l'eau. C'est le cas de le dire. D'eau, il en sera énormément question (le film se passe sur l'île de Lampedusa) et c 'est plutôt bien venu car le réalisateur la filme excellemment (en plus, avec l'écran de 15 mètres et au quatrième rang depuis le haut, je me sentais vraiment immergé -hihi- au coeur de l'action). Oui, Crialese filme superbement la mer : avec respect, avec adimiration, (avec naïveté diront certains- et ce regard porte le film.
Autour du portrait d'un adolescent, Filippo, qui jouait déjà un personnage avec le même prénom dans le précédent Respiro du même réalisateur, que j'avoue ne pas avoir vu (l'acteur qui l'incarne est aussi superbement filmé que la mer environnante), on suit le quotidien des pêcheurs (et d'une famille, particulièrement) de cette île "qui ne figure pas sur la mappemonde", qui vivotent toute l'année, exceptés les deux mois d'été où ils se font envahir par les touristes, débarquant du bac comme en terre conquise. Mais voilà qu'ils sont aussi en butte à une autre forme de "tourisme" : les clandestins venus d'Afrique qui débarquent régulièrement (et nocturnement) sur les plages de leur petite île.
Ca commence comme dans un Taviani des origines : hommes rudes, cadre de vie rude, métiers rudes, moeurs rudes. Poils durs et caractères de cochon. Ca continue comme un Costa-Gavras de la grande époque aussi, (les rapports à la loi, à l'ordre, à la conscience, à l'humanité) avec ce que cela suppose de révolte, de manichéisme et aussi de candeur (les flics sont vraiment de très méchants salopards, avec un commandant qui évoque le méchant commandant de la série Zorro, par exemple, je caricature à peine , les touristes sont nunuches et/ou écervelés, les clandestins dignes et sentencieux...)
Mais on ne peut qu'être sensible à tout ça, l'attitude humaine du grand-père (le code de la mer), les sentiments mélangés de la mère (le respect de la loi), l'inconscience du frère (le rapport à l'argent, oui, tout ça est assez tranché...), et le trouble généré par la prise de conscience qui se cristallise au coeur du jeune Filippo.
Le réalisateur peut être aussi lyrique quand il évoque la mer ou les insulaires que maladroit et parfois brouillon quand il parle du reste. D'où attention flottante, comme ces plans subjectifs filmés depuis les bateaux, avec l'horizon qui monte et qui descend. Mais il a l'extrême intelligence de finir avec un plan superbe, qui ne fait que dire clairement (et graphiquement) " il n'y a pas d'issue, c'est sans solution...", ce en quoi il n'a pas entièrement tort, dans l'état actuel des choses...