LE PASSÉ
de Ashgar Faradhi
C'est rien de dire qu'il était attendu, celui-là... La bande-annonce avec le petit piano qui fait venir les larmes aux yeux, la promo tous azimuths assurée par Bérénice Béjo et Tahar Rahim, la sélection officielle à Cannes, la sortie simultanée dans les salles... On peut dire que les choses ont été bien faites pour nous appâter.
Le film reprend les choses quasi exactement (métaphoriquement ?) où Une séparation les avait laissées : Une femme, un homme, une paroi vitrée qui les sépare. Sauf que nous sommes désormais dans un aéroport, en France, que lui arrive d'Iran (c'est Ali Mosaffa, le très joli barbu à poil dur d'Une séparation) et qu'elle (Bérénice Béjo, superbe elle aussi) est venue l'y attendre...
On comprend très vite qu'il revient d'Iran, après 4 ans, pour officialiser leur divorce, et, progressivement, qu'il y a des soucis dans la famille : Marie, la mère, vit avec un autre homme, père d'un petit garçon, et a des gros soucis avec sa fille aînée, qui refuse de cohabiter avec le nouveau copain de sa mère. Il semble d'ailleurs que c'est pour parler avec sa fille que Marie a demandé à Ahmad de venir à Paris.
Le film est construit comme un oignon, avec des couches superficielles qui tombent les unes après les autres, et s'enfoncent au coeur des situations et des individus. Et il n'est pas certain, d'ailleurs, que le film arrive à l'extrême centre. Et, plus on va avancer dans le film, plus les relations individuelles entre les divers personnages vont s'avérer complexes, et de plus en plus emberlificotées d'ailleurs au fur et à mesure qu'Ahmad, le papa iranien, s'efforce d'essayer de dire à chacun ce que quelqu'un d'autre ne lui a pas dit, et, en voulant clarifier les choses, ne va faire que les emberlificoter davantage, et n'aboutira au final qu'à un beau (et sombre) gâchis. Chacun à quelque chose à voir avec ce fameux Passé du titre, mais tout n'aura pas été dit ni expliqué à la fin.
J'ai énormément aimé les précédents films de Ashgar Farhadi, et celui ne faillira pas à la règle. J'aime beaucoup sa façon de filmer, j'aime beaucoup les relations qu'il tisse entre ses personnages, sa direction d'acteurs (tous sont véritablement excellents, et j'aurais bien du mal à les départager...), les thèmes récurrents, qu'ils soient "abstraits" (la culpabilité, le pardon) ou carrément actés (un personnage s'en va, mais finalement s'arrête, se retourne, et revient faire ce qu'il avait véritablement à faire).
Du coup, on a envie de chipoter (à un tel niveau d'exigence, on peut se le permettre...) Si on voulait résumer à gros traits, les iraniens sont hypra-cools, zen et paisibles, arrangeants et tout, les rebeus sont un peu plus vénères, mais les céfrans, alors, ne sont que des boules de colère, de violence, d'agressivité (en observant la distribution des rôles principaux.). C'est dommage de filmer en France et de n'utiliser qu'une portion aussi congrue de décors. Et Pépin faisait remarquer le film était construit un peu comme un thriller où l'on cherche qui a fait le coup, et où on envisage diverses situations successivement, concernant des personnages qui sont soupçonnés, puis innocentés, puis finalement pas tant que ça, ou pas tout à fait ça... mais j'avoue que cet aspect là ne m'a pas forcément dérangé.
La chose qui me gêne le plus, c'est la scène finale, oui, la toute dernière scène, à l'hôpital, après que, justement Samir (Tahar Rahim) revienne sur ses pas avec son carton de parfums. Trop c'est trop a-t-on envie de dire, lors de cette scène qui détonne, en rupture avec ce qui s'est passé auparavant, et c'est vraiment dommageable pour l'impression finale qu'on a, justement, en sortant du film. Mon sentiment, surtout, c'est que après avoir eu, au fil du film, plusieurs fois les larmes aux yeux (certaines scènes sont exceptionnellement fortes parce qu'exceptionnellement justes, et surtout très simples en apparence), je suis resté, tout à la fin, avec les yeux désespérément (!) secs. Rien de rien. J'aurais préféré que le film s'arrêtât juste avant (ou, comme proposait Jean-Paul, juste au moment où il rentre dans l'hôpital... Quitte à se faire sa propre opinion, autant se la faire à ce moment-là...)
Tel que, sa force en est singulièrement diminuée, et c'est dommage...