passe passe le temps
2 AUTOMNES, 3 HIVERS
de Sébastien Betbeder
Un grand grand merci à Zabettina, grâce à qui j'ai pu voir ce soir, au chaud, sur mon ordi, ce très très joli film, le troisième dans lequel jouait Vincent Macaigne à Cannes cette année (pour mémoire, La fille du 14 juillet et La bataille de Solférino). Le genre de film qui ne peut que me plaire : une histoire simple, avec des gens ordinaires, à qui il arrive des choses plus ou moins ordinaires : amour, amitié, tristesse, incompréhension, accident, agression... des gens qui se parlent entre eux, mais qui aussi, surtout, vous parlent directement à vous spectateur, enfin, vous qui êtes à l'autre bout de l'objectif. De l'autre côté.
Dans un récit découpé en petits chapitres numérotés (d'abord croissants puis décroissants), chacun avec son petit titre, plus ou moins intriguant. Avec aussi dedans d'autres vrais morceaux de cinéma (Eugène Green, Alain Tanner, Judd Apatow) auxquels on accorde la même place qu'aux moments / morceaux de vie(s).
Un film en apparence désinvolte, souriant, léger, mais dont le sourire s'estomperait peut-être progressivement, par instants, mais sans que jamais il soit tout à fait abandonné. Un exercice de style, un work-in-progress, dans ce va-et-vient perpétuel antre ce qui se joue (ce qui se montre) et ce qu'on en dit. Les personnages se commentent, mais commentent aussi les autres, et ces interférences monologuées génèrent un genre de méta-discours très très très plaisant. A mi-chemin entre le choeur et le discours intérieur (Pourquoi ai-je pensé à Perec ?). Et l'adresse au spectateur autant que le regard-caméra font que vous êtes incontestablement concerné, intégré, conquis.
Bien sur, Vincent Macaigne y est pour quelque chose. Là, son personnage est juste parfait (ni énervant comme dans la fille du quatorze juillet, ni flippant comme celui de La bataille de Solférino), juste juste, comme il pouvait l'être dans Un monde dans femmes, vu (et top10é) l'année précédente. L'impeccable barbe de 3 jours et les cheveux idéalement en pétard, la dégaine,la force fragile (ou le contraire, bien sûr...). J'adore sa voix, aussi, (ce je ne sais quoi de rauque, de voilé,de fissuré, hmmmm) et dans cet exercice attachant de raconter/commenter en live ce qu'on est en train de vivre (ou plutôt - on est au cinéma - ce qu'on est censé être en train de vivre, puisque, tout de même, on raconte une histoire), il excelle, tout comme Maud Wyler (la demoiselle) et Bastien Bouillon, le troisième larron tout autant...
L'aspect pluriel (plusieurs personnages, plusieurs histoires, plusieurs regards) du film est accentué non seulement par le découpage en chapitrounets, mais aussi par la diversité -l'hétérogénéité- des textures cinématographiques. Un genre de catalogue (découpé recollé retravailllé, beau comme le générique de Se7en), où on évoque (par hasard ?) , où affleurent des choses qui (me) touchent personnellement : l'école des Beaux-arts, le MK2 Beaubourg, le père mort du cancer, Bresson, les files d'attente des super-marchés, la fondue, les années qui passent...
Un film réconfortant, comme un doudou au beau milieu des nuits d'hiver.
Un film élégant, ludique, original, juste, tendre, beau...
Ineffable ?
Top 10.
Le film sortira le 25 décembre.