mouton(s)
LE DEMANTELEMENT
de Sébastien Pilote
Dès le titre, tout est dit, et on sait quasiment ce qui va se jouer, inéluctablement.
Un père, éleveur de moutons, seul à la tête d'une ferme visiblement prospère mais qui semble lui prendre tout son temps. Un père de deux filles qui, il le dira et le répètera, sont "toute sa vie". Vie que donc, on le sait assez vite, il est prêt à sacrifier pour elles. Deux filles qui ont grandi et sont parties, et ne se manifestent que rarement, de loin en loin (elles sont à Montréal, à la ville, tandis que lui est resté dans sa cambrousse, contrairemement à ses frères.) Quand la première vient le voir pour passer le week-end avec lui, mais surtout pour lui dire qu'elle a besoin d'argent, il va décider de tout liquider et de mettre sa ferme en vente, pour lui donner l'argent qu'elle lui demande.
Le film est le récit de cette désagrégation, du passage du statut de paysan, d'éleveur, à celui de quasiment plus rien, juste un papy dans un genre de mouroir. En deux parties, chacune portant le prénom d'une des deux filles (d'abord la "gentille" qui vient demander du fric et enclencher le processus, puis celle qu'on croit moins "gentille" mais qui finalement s'avèrera l'être beaucoup plus que sa soeur, en tout cas plus sincère et désintéressée.)
Un beau portrait d'homme qui s'effrite, rythmée par deux scènes fortes de ventes aux enchères (la première, celle d'un voisin à laquelle notre héros rend visite, et la seconde, bien plus cruelle, étant celle où cette fois ce sont toutes ses affaires, toute sa vie à lui, qui sont vendues sans états d'âme).
Un film simple et fort, juste et violent. Et pour une fois, heureusement, délesté de ce didactisme un peu lourd, (de cette volonté de vous dire "écoutez bien, je vais bien vous expliquer") qui plombe hélas souvent les films canadiens.
Et gabriel Arcand y est magnifique.