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lieux communs (et autres fadaises)
1 mars 2014

voeux

IDA
de Pawel Pawlikowski

Je suis d'ordinaire plutôt méfiant avec les "phénomènes de foule" cinématographiques, les unanimités louangeuses, les dithyrambes simultanées, surtout quand je n'ai pas encore vu le film en question (en général, passé le premier million de spectateurs, je m'abstiens...)
Nous avions envisagé (avant que certains ne le voient en prévisionnement et démarrent ding-dong! le concert laudatif) de le projeter dans le bôô cinéma, dans le cadre d'un jumelage franco-polonais, mais il est apparu hélas  impossible, pour des raisons évidentes lorsqu'on a vu le film, de le projeter  à cette occasion. Nous le ferons plus tard, et je suis donc allé le voir à Besac, dans mon Plazza Victor Hugo chéri, où le bouche-à-oreille (et la campagne de pub) remplissai(en)t à ras-bord la salle quand le film y était projeté. Mais qu'avait-il donc de si merveilleux et de si (téléramesquement) ju-bi-la-toire ?
A priori, cette histoire d'une jeune fille qui, avant de prononcer ses voeux pour devenir bonne soeur, découvre qu'elle est juive et que le reste de sa famille, juive aussi, a été exterminée par les gentils polonais, fait donc un bout de route avec sa tante alcoolo ex-procureur, haute en couleurs, n'avais pas forcément l'air si folichone que ça, tout ça en vo, en noir et blanc et en "format carré"... Ce qui donc aurait dû attirer au bas mot quatorze spectateur(e)s et basta, à l'image des autres beaux films en noir et blanc en v.o et/ou en format carré que nous projetons habituellement. Sauf que non non, le bouche-à-oreille s'est spontanément embrasé et  le compteur de spectateurs s'est mis à crépiter, en même temps que les critiques extasiées des journaux dans les (autres) journaux. Je ne sais pas exactement combien d'ajectifs existent pour dire que c'est bien, mais ils ont dû à l'heure où j'écris tous être utilisés.
Se serait-il produit le même curieux phénomène qui avait piédestalisé l'engouement de masse suscité par Le grand silence (me souviens-je bien du titre ?) un documentaire de hmmm heures sur les frères d'un couvent (trappiste ? je ne suis plus sûr). La bondieusitude susciterait-elle l'enthousiasme ? En ces temps troublés de manipulations de l'opinion (et de gens crédules) par des cathos d'extrême-droite, j'aurais tendance à être méfiant... Noyauteraient-ils aussi nos opinions cinéphiles ? Arghhh... (je suis très parano, je sais...)

Et le film, alors ?
Cinématographiquement c'est effectivement une merveille. De la très belle ouvrage. Avec un vrai travail sur les cadrages, la composition des plans (même sans être très attentif, vous ne pourrez que remarquer que neuf fois sur dix les personnages sont cadrés de façon à n'occuper qu'environ un quart de l'écran (de préférence en bas), sauf à la fin, tss tss je ne vous dis rien), le rythme du montage, la qualité de la texture de l'image... Ce qu'on retient de ce film, c'est l'incroyable... réserve ? retenue ? discrétion ? simplicité ? (j'ai du mal à trouver le terme exact), en tout cas la droiture du fil sur lequel il avance, sans efforts apparents, sans effets, jusqu'au bout. Tout au bout, parce que c'est comme ça. L'image, les images, sont constamment  somptueuses
Ida est un personnage fort, mais sa tante Wanda l'est sans doute encore plus, et l'alliance de ces deux tempéraments complètement opposés (autant l'une est jeune, paisible, introvertie, autant l'autre est alcoolo, grande gueule, femme à poigne, sans concessions) fonctionne parfaitement, dans l'équilibre (où, justement, la petite fraction de seconde, de vertige, où tout pourrait basculer) qu'elles s'apportent mutuellement. Tout ça dans une Pologne teuf-teufante des années 50/60 (le film n'est pas daté précisément, on sait juste qu'il est quelques temps après la guerre), qui titube entre l'anémie et la gueule de bois, avec l'incessant poil-à-gratter les consciences des "mauvais souvenirs" successifs. Sans que rien ne soit jamais assené (comme se répondent ces magnifiques images-échos que composent ces deux rectangles verticaux "forts" du film, l'un sombre, creusé dans la terre, où un homme est prostré, et l'autre, lumineux et clair, d'une fenêtre qu'une femme ouvre)
Et c'est là qu'on peut se souvenir (après avoir fouillé sur gougueul) que Pawel Pawlikowski a réalisé, il y a quelques années, un premier film foudroyant, Transit Palace, et qu'on aurait vraiment alors envie de le revoir...

Donc, j'accorde ma -totale- bénédiction  à ce film-là, qui parle de la Pologne, de la guerre, de l'antisémtisime, du communisme, de la culpabilité, de l'hiver, de la foi en l'avenir -ou en autre chose- sans jamais forcer le trait, mais juste avec l'intensité requise pour générer l'émotion, ce beau film si doux et si triste, tout en continuant à me demander par quels moyens il a pu produire cet effet-là. Décidément, -ouille- les voies du seigneur sont bien impénétrables...

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