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lieux communs (et autres fadaises)
17 mai 2015

taxi(e) téhéran

UNE FEMME IRANIENNE
de Negar Azarbayjani

Hormis l'affiche (qui connote tout de même furieusement celles des films d'Ashgar Farhadi, avec ses 3 bandes photographiques) et la bande-annonce (vue une fois), je n'en savais absolument rien (ah si : que le distributeur en était Outplay, qui est pour moi plutôt et strictement associé aux films LGBT, ce qui m'étonnait un peu, du genre "ah ils ont élargi leur créneau..." mais bon). Je m'attendais donc à voir l'histoire d'une dame dont le mari est en prison et qui doit faire clandestinement le taxi pour pouvoir rembourser les traites du crédit de la voiture, ce qu'est tout à fait le début du film.
Taxi, Téhéran, je vous vois venir... Panahi aurait-il fait des émules (et donc, ici, une Panahette ?) Non non, pas du tout, parce que, d'abord, ce film-ci a été fait quelques années avant (peut-être la délicatitude de son sujet n'a pas incité un distributeur français a prendre le risque plus tôt ? heureusement, Outplay était là, applaudissons encore une fois leur initiative, de toute façon, je les adore) Rien à voir donc, puisque la dame dans le taxi va, assez vite, prendre à son bord une autre dame, qu'on a croisée déjà quelques scènes avant, dont on sait qu'elle s'est fait arrêter par les flics iraniens parce qu'elle conduisait la voiture de son frère en se faisant passer pour lui, que son père en colère est venue la chercher au commissariat, et qu'il souhaite la marier rapidement et contre son gré (là je me frottais les mains... "ah, je me disais bien quand même, si c'est Outplay, il y a forcément du LGBT dans l'air...")
Figurez-vous qu'il y a du I. I comme Intersexuel. (Il faudrait que je me renseigne sur la différence entre intersexuel et transexuel : un début de réponse ). S'il est question d'une histoire d'amour entre femmes (ce qui, a priori, en Iran, ne doit pas déjà être la plus simple des situations), elle est compliquée par le fait que l'une des deux se sent homme à l'intérieur, et voudrait donc faire le traitement et l'opération qui lui permettraient de matérialiser son genre (ce qui, surprise, est beaucoup plus facile en Iran que je n'aurais cru, puisque non seulement la situation est prévue, depuis Khomeyni, mais que le gouvernement facilite même les choses en mettant en place des prêts pour les candidat(e)s à l'opération afin de faciliter les choses...), traitement auquel son père est farouchement opposé. Obstinément, même.
L'histoire entre la dame mariée et son mari en prison (il est adorable et n'a rien fait de mal) va donc passer provisoirement au second plan, tandis que le film va s'attacher à ce qui se passe entre la dame mariée et sa passagère (mais non non vous n'y êtes pas du tout, ce n'est pas entre elles deux l'histoire d'amour), de quelle façon leurs rapports évoluent (d'abord méfiance, incompréhension, rejet (j'avais écrit regrets) puis rapprochement, dialogue, compréhension... Chacun(e) à son tour venant à l'aide de l'autre à sa façon. La quasi-sècheresse documentaire du début vient s'humecter d'une touche de mélodrame.
C'est un film généreux, touchant, sincère, solide, qui parle de l'Iran d'aujourd'hui, mais ce n'est en aucun cas "aux limites de la cocasserie" comme on a pu le lire sur une des critiques affichées à l'entrée du cinéma. (Je pense que le journaliste en question a du voir au maximum les quinze premières minutes du film, et encore, je ne vois pas vraiment ce qu'elles contiennent de cocasse, - ou alors si peut-être, quand la passagère (Adineh/Eddy) va aux toilettes des garçons ? ce qui n'est tout de même pas le summum de la désopilance-).
Un film de femmes (je viens d'apprendre que le réalisateur est une réalisatrice), où, pour une fois, ce ne sont pas les mâles qui agissent -ou se donnent les moyens d'agir- (le mari est en prison, le père est borné, le frère est un dégonflé) ce qui est encore plus original pour un film iranien, mais où ce sont les femmes qui agissent, qui prennent les choses en main, qui font avancer l'histoire (celle du film, hein, avant, on l'espère, de pouvoir un jour faire la même chose avec celle avec un grand H, d'Histoire). un pays où il vaut mieux changer de sexe que d'aimer son prochain comme soi-même (pour parler au sens biblique du terme). Rappelons qu'en Iran l'homosexualité est passible de la peine de mort.
Le film finit comme il a commencé, avec une jolie (et tendre) conversation entre mari et femme, où il est question de thé, de sucre et de cardamome, sauf que les circonstances sont alors très différentes.
Petite(s) précision(s) cinéphile(s) : Shayeteh Irani, qui joue Adineh, tenait le rôle principal dans Hors-jeu de Panahi, et c'était Homayoum Ershadi, qui joue le père, qui conduisait la voiture (et le rôle principal) du Goût de la cerise, de Kiarostami.
Et on peut donc, encore une fois, applaudir Outplay pour cette initiative.
(je viens de fouiller un peu sur le ouaibe, et il se trouve que pas mal de gens (de confession LGBT) ronchonnent sur les choix d'Outplay concernant le changement de titre (le titre original était Facing Mirrors, qu'on peut traduire littéralement par faire face aux miroirs), les approximations de sous-titres (masculin/féminin) arguant que le personnage d'Adineh n'est pas une lesbienne mais un mec trans, bref, ce qui est décrit comme les problèmes d'identité et de genrage*, sujet sur lequel je m'avoue assez mal documenté, au point d'avoir visiblement tout faux dans ce post, où je m'obstine -je viens de le relire- à roucouler à propos "des femmes" et que je devrais peut-être donc entièrement réécrire, mais non. Adineh est joué par une actrice, non ? Je m'en tiens là, et foin des querelles de chapelles.)

* un post très argumenté

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l'affiche du film

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...et trois affiches de films de Farhadi... Troublant, non ?

 

 

 

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