Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
lieux communs (et autres fadaises)
14 juin 2015

jeunot

LE VOYAGE D'ELADIO
de Hubert Mingarelli

Je viens de le finir.
Chez Mingarelli, il y a toujours un moment où j'ai les larmes aux yeux. Là, c'est presque à la fin. On est à nouveau dans une Amérique Latine stylisée, comme dans Hommes sans mère ('histoire des deux marins en bordée). Au début, un vieil homme, Eladio, se fait frapper (et assommer) devant sa maison par une troupe de "rebelles", parce qu'il leur a reproché d'avoir pris les bottes de son maître. Lorsqu'il reprend connaissance, il décide de se mettre en marche pour aller retrouver "dans les montagnes" ces voleurs de bottes (un groupe d'hommes, comme d'hab' chez Hubert M., ce qui est sans doute pour beaucoup dans le plaisir que j'ai à le lire) pour tenter de récupérer les bottes en question. Groupe qui a pris de l'avance et qu'il essaie désespérément de rattraper. Et c'est tout ? Oui, c'est tout. Un vieil homme qui marche, qui cogite aussi, qui parle tout seul (et parfois discute aussi imaginairement avec son patron -le propriétaire des bottes-, entre autres).
Une écriture serrée pour une avancée rectiligne, des sensations élémentaires (la soif, la faim, le froid, la peur), un trajet à l'image du paysage, un récit tout de montées et de descentes, qui parfois coupe le souffle, avec quelques haltes pour récupérer un peu, tout ça dans un trajet à pied de quelques jours à peine, qui progresse comme la vie d'Eladio a passé. Assez peu de rencontres (celle qui ouvre le livre et celle qui le termine presque, avec, entre les deux, l'apparition d'un beau personnage de femme -presque comme la Fée Bleue de Pinocchio-), la plupart du temps Eladio marche seul mais ses souvenirs, ses rêves ou ses fantasmes (et ses regrets aussi) lui tiennent compagnie et l'aident à "entretenir la discussion", et à aller de l'avant.
Le livre insère donc le discours intérieur d'Eladio dans le récit de son périple, comme toujours chez Mingarelli en phrases simples mais efficaces. Pas de chichis ni d'enjolivures, avec même des insultes et des gros mots quand Eladio parle dans sa tête (Mingarelli sait quand même se tenir et écrit toujours uriner à la place du plus couillu -et plus ordinaire- pisser). Et c'est cette précision là qui la rend encore plus attachante.Encore une fois, c'est à la fois très simple et très beau, .
C'est d'autant plus touchant que l'habituelle problématique mingarellienne (les rapports entre un adulte et un jeune homme, pour faire court) intervient ici mais, comme subtilement aménagée. (et la presque fin est à ce titre très forte, oui, les larmes sont venues).

Le-Voyage-dEladio_4638

Ce qui en reste : la semelle de la chaussure, le jus d'herbe, la couverture, la maison sans toit dans la nuit...

Commentaires
Archives
Newsletter
Visiteurs
Depuis la création 384 392