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lieux communs (et autres fadaises)
11 octobre 2015

le cake et le quatre-quarts

L'IVROGNE ET L'EMMERDEUR
de Georges Hyvernaud

Georges Hyvernaud fut une grande découverte, grâce au bouquiniste de V. qui en avait deux en rayon (La peau sur les os et Feuilles Volantes) que j'achetai illico et qui me marquèrent suffisamment pour que je me mette en chasse pour dénicher l'oeuvre complète en quatre volumes (la réédition, au Dilettante, avec une jaquette atroce, mes phynances ne me permettant pas l'édition précédente chez Ramsay) Me restaient donc deux volumes de lettres. J'ai acheté Lettres de Poméranie il ya un certain temps déjà (lettres de captivité), et ne me manquait plus que celui-ci, les lettres à sa femme avant la captivité (39/40) quand il vient d'être mobilisé comme lieutenant pour superviser des creusages de trou et des faisages de route.
Deux ans de lettres quotidiennes (parfois même plus d'une par jour) envoyées à son épouse Andrée (c'est d'ailleurs elle qui en a supervisé l'édition). (On n' y a que ses lettres à lui, c'est donc une demi-correspondance) mais dont la précision permet de combler les vides (on n'a que les questions, et on doit deviner les réponses -parfois  le contraire-) et tout ça est extrêmement touchant.
La séparation géographique, parfois comblée lors des permissions (où la trame épistolaire subit des accrocs), la relative inaction le soir dans sa chambre (les gradés sont en effet, visiblement privilégiés et bénéficient de logement -plus ou moins agréables- chez l'habitant) donnent à Hyvernaud l'occasion d'écrire de longues lettres détaillées, attentionnées, décrivant ses journées, son hébergement, les gens qu'il côtoie, mais renvoyant aussi à son épouse des éléments de sa vie à elle, qu'elle lui a écrits ou qu'ils ont vécu ensemble lors de ces fameuses permissions entre parenthèses.
La guerre est là, mais presqu'à la périphérie, elle gronde en sourdine.
L'ivrogne et l'emmerdeur du titre n'ont rien à voir avec le couple Hyvernaud (comme j'ai pu le craindre tout au début) mais sont les surnoms donnés à deux supérieurs successifs d'Hyvernaud lors de ces deux années de travaux publics. Sur lesquels il s'acharne avec délectation (le deuxième est "Bouvard et Pécuchet à lui tout seul"). Il nous évoque les lieux, les gens, les événements, qui l'ont fait sourire, ou agacé, ou indigné. Il y a un aspect pourtant très british dans les lettres de Georges H. (sa femme est prof d'anglais, mais cela n'explique pas tout), ambiance five o'clock tea, où le flegme et la retenue créent une imperceptible distance.
Les conditions ne sont pas aussi affreuses que celles de la captivité ultérieure telle qu'elle sera décrite dans  les Lettres de Poméranie, ou "romancée" dans La peau et les os (un bouquin essentiel, je le répète) : Hyvernaud souffre du froid, de l'éloignement avec se femme et sa fille, de l'obéissance dûe à des supérieurs imbéciles, de la dégradation des conditions de vie, mais il est, pour l'instant, encore libre. Ses soucis majeurs concernent les dates des prochaines permissions, les souhaits pour le contenu des prochains colis, il s'agit quand même d'une situation très favorisée, par rapport au quotidien des poilus dans la gadoue (ce qui n'enlève aucune valeur à l'ouvrage, je dois le préciser). C'est très émouvant de percevoir , sur et entre les lignes, autant d'amour, au quotidien, répété jour après jour au fil de ces lettres qui étaient devenues pour l'un comme l'autre quelque chose de primordial, d'essentiel, de vital.

hyvernaud

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