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lieux communs (et autres fadaises)
16 février 2016

pénicilline

LES INNOCENTES
d'Anne Fontaine

Les couvents au cinéma... des plus allumés (Dans les ténèbres, Contes Immoraux) au plus épuré (Thérèse) en passant par les plus rigoureux (Au-delà des collines) ou sulfureux (La religieuse et son remake du même nom) le thème n'a pas manqué d'inspirer les cinéastes (voilà une phrase très "lieux communs", non  ?). Celui qui nous intéresse aujourd'hui s'inspire de faits réels (ce qui n'est pas forcément attirant pour moi quand je vois ça en ouverture), une bien triste histoire de nonnes violées par des soldats soviétiques, en 1945.
Je dois dire que j'y allais un peu en mission, mandaté par Hervé pour vérifier si ça parlait polonais, et dans quelle proportion (tous les deux ans, nous devons trouver un film polonais, dans le cadre d'un jumelage, c'est comme ça...) je n'en avais pas plus envie que ça (ah si quand même, pour voir quel rôle pouvait bien y jouer Vincent Macaignechounet)

J'ai donc été attentif : les polonais parlent polonais, les français le français (et même les russes le russe), tout ça va donc plutôt bien, à part le fait qu'il y a quand même un  pourcentage étonnant de nonnes bilingues (tri-, même puisque elles pratiquent aussi couramment le latin), au moins quatre, si mes souvenirs sont bons...)Tout ce qui est au couvent ou presque est en polonais, et tout le reste (ce qui se passe à l'extérieur, que ce soit au boulot ou même en gaudriole -à en être toubib on n'en est pas moins homme...-) en français (avec un poil de russki dans une scène déplaisante).

Ces religieuses polonaises vont être épaulées (même si ce n'est pas vraiment à cet endroit que ça se passe) d'abord par une interne française, une demoiselle qui bosse à la Croix-Rouge (Lou de Lâage, c'est follement classe, ce nom) puis, aussi, par le médecin qu'elle assiste (et auquel elle cache tout dans un premier temps), et c'est... Vincenchounet, bien sûr! Barbe et cheveux courts, très propre sur lui comme on pouvait l'être en kaki et en 1945, mais toujours avec ses yeux de chien battu et cette voix cassée qu'on n'a pas envie de recoller... Et un certain humour aussi, dans ce qu'il fait, et dans ce qu'il dit. Il joue un peu au  cornichon, oui,  il est en quelque sorte le condiment de ce plat franco-polonais que pourrait être le film. Il l'assaisonne. L'histoire en est épouvantable, et le traitement  attentif mais quelque peu austère que lui accorde Anne Fontaine aurait pu facilement basculer dans le trop glacial trop amer.

Les relations entre Lou de Lâage et Macaignou sont donc un contrepoint bienvenu qui rééquilibre le film, qui l'adoucit, qui l'allège (Vincent M en édulcorant, hihihi). Car tout ce qui se passe à l'intérieur du couvent (avant, pendant et après) est, il faut le reconnaître, plutôt plombant : les viols, les grossesses, les accouchements, les doutes sur la foi, les tiraillements entre la soumission et la désobéissance, les mensonges, rien n'est épargné à ces pauvres nonnes. A ce monde clos et rigide s'oppose la réalité "contemporaine" de l'extérieur qui n'est pas non plus jolie jolie : hôpital militaire, présence soviétique menaçante, immédiat après-guerre... Et il est agréable de voir se mettre en place, très progressivement, les liens de confiance réciproque (l'humanisation) qui vont permettre la mise en place d'une solution inespérée...

213105

L'affiche fait un peu penser à Ida (qu'on avait d'ailleurs un moment pressenti pour une programmation précédente du même jumelage franco-polonais) etle traitement magnifique de l'image du film (Caroline Champetier) pourrait accentuer encore cette comparaison. Mais -la Pologne / la neige / les religieuses- les similitudes s'arrêtent là. bizarrement, j'ai surtout pensé à La vie et rien d'autre de Tavernier, parce que la guerre, parce que les médecins et les infirmières, et parce que l'histoire d'amour entre Noiret et Azéma, et parce que, réflexion faite, c'est peut-être ça qui me gène, justement, le fait que la greffe entre l'histoire des religieuses et l'idylle Macaigne / de Lâage ne "prend" pas vraiment, et déséquilibre un peu le film... (En même temps, si elle n'y était pas, tout ça aurait été proprement asphyxiant, insupportable...) On a deux trames narratives parallèles, une majeure et une mineure, le drame ici et le marivaudage là, (avec l'exquise Lou de Lâage qui fait le joint) et on passe de l'une à l'autre, comme on sautillerait dans un escalier. Et peut-être, du coup, me suis-je davantage (j'avais écrit "d'aventure") intéressé aux roucoulades "prosaiques" qu'aux états d'âme liturgiques (les mystères de la foi me restent fort étrangers je dois le reconnaître.

Un beau film, donc, (ou plutôt deux beaux films ?) qui répare un scandaleux oubli (mais comment une chose pareille a-t-elle pu être aussi longtemps -et totalement- occultée ?) en le recentrant sur un personnage terriblement attachant (Loulou de Lalâage, oui, j'adore son nom), ballotée entre le croyable (tiens, il serait encore question de foi) -mais fictionnel- et l'incroyable -mais vrai-. Comme le résume finement Vincent Macaigne (enfin, son personnage) "Si on m'avait dit qu'un jour je viendrais accoucher des bonnes soeurs engrossées par des troufions soviétiques..."

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