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lieux communs (et autres fadaises)
3 avril 2016

feu de la saint-jean

QUAND ON A 17 ANS
d'André Téchiné

Nuit de juin ! Dix-sept ans ! - On se laisse griser.
La sève est du champagne et vous monte à la tête...
On divague ; on se sent aux lèvres un baiser
Qui palpite là, comme une petite bête...
(
Arthur Rimbaud / On n'est pas sérieux quand on a dix-sept ans)

Oh l'immense plaisir de retrouver ce Téchiné-là (surtout quand votre cinéphile est née en même temps que sa cinématographie... Que quelqu'un réédite enfin Souvenirs d'en france !!!) Depuis quelques films (L'homme qu'on aimait trop, Impardonnables, la fille du RER), on se disait un peu qu'il (qu'on) vieillissait, qu'on s'éloignait, vieux amants, habitudes, tiédissement... Ou peut-être qu'on ne trouvait plus dans ses films toutes les belles choses qu'on y avait vues fleurir auparavant, et qui vous emportaient, vous transportaient, vous submergeaient...

Et là, soudain, miracle, tout est là, au propre et/ou au figuré : l'adolescence, l'Ariège, la neige, Les roseaux sauvages, J'embrasse pas, l'amour, l'homosexualité, le désir, et Sandrine Kiberlain, (la mère) et Kacey Mottet Klein et Corentin Fila (les jeunes gens) sans oublier la guerre, là-bas, loin, et la mort qui va avec...

Oui, nous nous étions un peu éloignés, avec André. Pas en froid, mais bon... Popote, quoi, l'habitude, le ronron. Et voilà qu'ont eu lieu d'inattendues (inespérées) retrouvailles. Comme aux premiers jours, ou presque. J'ai noté sur mon carnet en sortant de la salle trois adjectifs, pour ne pas les oublier : exalté, passionnel, excessif.

(et voilà qu'en parcourant all*ciné.fr je tombe sur cette abconse  et condescendante notule from Les Cahiaîs : "Si avec les années, la fièvre "à la Téchiné" paraît de plus en plus décrétée et son lyrisme plus contrit, il reste toujours un cinéaste parfois inspiré (…). De quoi regretter que le "romanesque" de papier ait pris à ce point le pas sur ses tropismes paysagers ou picturaux qui auraient pu davantage aimanter la fiction." qui m'agace assez pour que je la reproduise. Et si quelqu'un peut me la traduire je suis preneur.) Mais bon revenons à nos moutons. (Nos agneaux plutôt. )

Peut-être que c'est un truc de vieux (décidément j'y reviens) de vieil adolescent sans doute, que les jeunes critiques Cahiaîsiens ne peuvent même pas envisager, appréhender. Mais c'est exactement ce qui me ravit. De l'amour et du désir comme sujet et objet de lyrisme, c'est ça  qui me plaît, qui me touche, qui me fascine... Dans Les roseaux sauvages, il s'agissait a priori d'un trio (Ah Elodie Bouchez, ah Gaël Morel (ledit film est d'ailleurs, c'est Dominique qui l'a lu dans le générique "librement adapté de New Wave , de Gaël Morel", comme un clin d'oeil amical) et aaah Stéphane Rideau (dont je me souviens avec émotion du "Et si on se branlait ?") même si la demoiselle apparaissait assez vite comme un catalyseur, un élément extérieur.), ici ils sont juste deux, et, d'entrée ça cartonne : un croche-pied et l'un fait tomber l'autre par terre en plein milieu de la salle de cours. Et l'autre lui répond. Et bim. Et bam. Et ainsi de suite. Ces deux-là se détestent trop pour que ça ne cache pas quelque chose, clignote furieusement notre radar à sous-sous-texte gay (pas si sous-sous que ça d'ailleurs, on connaît bien notre oiseau-Téchiné, quand même...) Ca c'est au "premier trimestre" (le film est partagé en trois, avec les saisons qui vont avec, et les sentiments idem. Là c'est la neige (en Ariège, quand il neige, c'est pas de la neige de fillettes, hein ) et c'est magnifiquement cinégénique. Comme l'est la mise en jambes du récit (marcher dans une bonne couche de poudreuse ça n'est pas forcément évident pour aller vite...) Le blond se fait embêter par le brun, mais il rend les coups aussi. Les choses se compliquent quand il s'avère que la mère du blond est médecin (Sandrine Kiberlain est hyper-bien, disons-le, mais les actrices chez Téchinou sont toujours aux petits oignons : remember Catherine, Isabelle, Jeanne, Marie-France, Juliette, Emmanuelle, et j'en passe... il a le don de les sublimer de les transcender, de les incandescer...) et va être amenée à soigner la mère du brun, et que bradaboum tout un enchaînement de circonstances (comme une coulée de neige bruyante) va faire qu'elle va proposer au brun de venir chez eux (sous le même toit que le blond, donc) pour réviser le bac tranquille et que les choses aillent un peu mieux.
Sandrine Kiberlain est magnifique, comme l'est le personnage qu'elle compose. Une femme douce, aimante, attentionnée, attentive aux autres. Précieuse. Les deuxième et troisième trimestres vont apporter c'est sur leur brouettée d'événements (j'arrêterai là de les détailler) pour faire évoluer la relation entre les deux garçons (mais pas que.) et c'est très beau la façon dont elle se construit , dont elle sinue, évolue, bifurque, tournicote...

Alors qu'on sait bien que...

il est intéressant d'apprendre au générique que le scénario a été co-écrit avec Céline Sciamma, qu'on sait par expérience beaucoup plus attentive aux Bandes de filles (mais y a-t-il, en définitive, autant de différences que ça entre les atermoiements testostéronés de nos deux daguets ariégeois et les circonvolutions aquatiques des donzelles de La naissance des Pieuvres ? Non. C'est le désir, et c'est l'amour. Point barre. On serait peut-être, finalement, n'en déplaise à Arthur R. extrêmement sérieux, quand on a 17 ans, lorsque  apparaissent et fleurissent ces premiers "vrais" émois... Oh se chercher se battre  se fuir et oh se retrouver s'étreindre... La chorégraphie amoureuse mise en place par André Téchiné et Céline Sciamma si elle n'est pas neuve (ces rituels se jouent depuis la nuit des temps) nous met, avec à la fois un air sérieux et un demi-sourire complice, dans cet état d'hypersensibilité (émotivité) délicieusement émouvant, stimulant, troublant...

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