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lieux communs (et autres fadaises)
9 novembre 2016

Kairouan

HEDI
de Mohamed Ben Attia

Une excellente surprise, hier soir dans le bôô cinéma, où se délocalisait, pour la cinquième année consécutive, le Festival Lumières d'Afrique.
Avec un (premier) film tunisien, proposé en avant-première (le film sortira début 2017). Hedi c'est un jeune homme, assez poupin d'aspect, commercial chez Peuge*t, doté d'une mère aussi volubile que lui est peu bavard. On apprend assez vite qu'il va bientôt se marier, qu'il s'agit d'un mariage arrangé) et qu'apparemment ça ne luit fait ni chaud ni froid. Sauf que, contrairement aux apparences (ou au peu de réactions qu'il manifeste), il n'est pas si bien que ça dans ses baskets.
Il en va prendre progressivement conscience quand, envoyé par son boss prospecter dans une ville voisine,  il y rencontre Rim, qui est danseuse dans un camp de vacances (pour allemands!). Il tombe amoureux. Ils tombent amoureux (complications de la grammaire française : ils , ici, c'est elle et lui...). Sa vie dévie. Il ne répond plus au téléphone, d'abord à celui de son patron, puis celui de sa mère! Et les choses vont encore se compliquer. Ou peut-être se simplifier...

(là, c'est très énervant, j'avais écrit une quizaine de lignes  lorsqu'une micro-coupure -couic!- a arrêté l'ordinateur, et au redémarrage, bien sûr, rien n'avait été sauvegardé... et tout avait -pfuit!- disparu...)

Bon je reprends. Tentons. A partir du moment où il se retrouve seul Hedi va imperceptiblement se relâcher (se détendre ?) se laisser aller. J'aime beaucoup la partie "balnéaire", qui m'évoquait assez lointainement un genre de Conte d'été rohmérien en Tunisie. D'autant plus que le réalisateur l'accompagne avec bienveillance, le scrute, ne le lâche pas d'une semelle (comme le faisait Rohmer avec Melvil Poupaud).  On le voit sourire, on le voit jouer, on le voit désirer, on le voit flirter, et c'est comme si se fendillait soudain -enfin ?- sa carapace. Hedi, jusque là, était comme un enfant enfermé dans un corps d'adulte, un gamin déguisé, vivant presque automatiquement une vie ordinaire décidée par sa mère, son patron, etc. Un gamin poli, sérieux, propre sur lui, lisse et cadenassé de l'extérieur jusqu'à l'inexpressivité. Et voilà qu'entre dans la tête d'Hedi une petite brise guillerette, comme si on en avait enfin entr'ouvert la fenêtre. Et lui si silencieux, si intériorisé va même réussir à s'exprimer, à vider son sac, à hurler ce qu'il a sur le coeur et dans les tripes, face à sa mère venue tenter de le récupérer manu militari pour qu'il revienne se marier et dans le "droit chemin".

il pourrait être tentant de faire le parallèle entre le parcours du personnage et l'histoire de son pays : la révolution de 2011 et les espoirs qu'elle avait suscité(s) à laquelle ferait écho la révolte d'Hedi face à sa mère, sa famille, son patron, et les autres. Une prise de conscience (à laquelle le réalisateur n'a pas pu ne pas penser) , certes, mais comme chantait Bashung "Tu voudrais qu'ça débouche sur quoi ?"

Il n'y a qu'à voir la fin, que j'ai trouvée... abrupte, et pour laquelle je pourrais mettre un petit bémol à mon enthousiasme. J'ai toujours eu un peu de mal avec les fins dites "ouvertes", quand le réalisateur laisse son personnage -et nous les spectateurs avec- en plan à un moment critique : le fera-t-il ? Ou le fera-t-y pas ? Ou bien, ou bien, et c'est alors à chacun(e) de se (re)faire son film. Mais cela montre bien aussi la lourdeur des habitudes, le poids du conditionnement, et de la difficulté à se situer "entre tradition et modernité (comme l'écriraient certains conférenciers  C*nnaissance du M*nde). Hedi sois bon, a-t-on envie de lui chanter, pour l'encourager...

Bon, le film l'est assurément, et si le réalisateur rend -peut-être inconsciemment- hommage à ses producteurs (les frérots Dardenne), encore que ce ne soit visible, à mon sens, que pour un oeil spécialement scrupuleux et tatillon,  en tout cas ça ne m'a pas dérangé. Le filmage de dos et la caméra portée ne sont pas l'apanage exclusif des susdits, non ? J'y ai en tout cas passé un excellent moment de cinéma, et je vous recommande d'aller le voir à sa sortie (j'espère qu'on le reprogrammera dans le bôô cinéma!).

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