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lieux communs (et autres fadaises)
5 avril 2017

sueur de calamar

081
NERUDA
de Pablo Larrain

Sacré Pablo Larrain. Juste après Jackie (certes, une commande) le voilà qui sort en enfilade (dans la foulée) Neruda, un autre biopic dont le sujet donne son nom au film. Neruda je connais son nom, même si je n'ai jamais lu sa poésie, et je le connais surtout tangentiellement via Une ardente patience, d'Antonio Skarmeta (un roman que j'adore) dont il est un des deux principaux protagonistes (l'autre étant son facteur), et donc je ne connais pas grand chose de plus de sa "vraie" vie (et donc pablo larrain pourrait bien m'en raconter ce qu'il veut, j'aurais envie de le croire.)
Mais Larrain est malin, et livre ici un travail très différent par l'approche qu'il a de la notion de biopic. Dans Jackie, celle-ci (se) racontait à un journaliste, sur les trois jours ayant suivi l'assassinat de JFK. Ici, Pablo N. est saisi à un moment particulier, celui où, bien que député, il est poursuivi pour ses affinités communistes, et cherche à s'enfuir, à quitter le pays, tandis qu'"on" lâche à ses trousses un fin limier, Oscar Peluchoneau, qui a donc pour mission de l'arrêter. Apparemment tout à l'air simple, et sur ses rails. Sauf que Neruda pourrait inaugurer une nouvelle variété de biopic, le "méta-biopic", puisque le récit en est commenté en voix-off par ledit policier lui-même. La reconstitution de l'histoire est commentée par un de ses protagonistes, comme s'il avait lui aussi son mot à dire sur le cours des événements, sa façon de voir les choses, en filigrane. Un petit je-ne-sais-quoi d'oulipien et d'intrigant.
Et plus le film avance, plus la surface du récit devient fragile, y apparaissent d'imperceptibles lézardes, plus les choses se décalent, plus la frontière devient poreuse entre le réel et le fictionnel (les deux personnages, le fugitif et le poursuivant, communiquent, par exemple, au moyen de romans policiers que Neruda laisse à intervalles réguliers à l'attention de Peluchoneau). Et plus la voix-off, le commentaire, le discours intérieur du policier s'étoffe, prend de l'ampleur, d'importance, jusqu'à finir par toucher au sublime (la scène dans la neige).
C'est un fascinant jeu intellectuel. Qui zigzague entre ludique à lyrique, qui passe du trivial à l'immatériel, tricote le fait-divers à la poésie pure, tout en interrogeant la notion de personnage. Et ça en devient quasiment vertigineux (métaphysique ?) sous des dehors bonhommes et rassurants (comme la bonne tronche rondouillarde de Luis Gnecco qui incarne Neruda).
On jubile.
Ne pas oublier non plus de mentionner un travail que je trouve exceptionnel sur la lumière, avec cette ambiance "vieillotte" revendiquée haut et fort (l'image un peu décolorée, délavée, qui est celle qui sied à la reconstitution), qui évolue progressivement vers des ambiances plus franche et réalistes (la neige, encore une fois).
Une incontestable réussite (peut-être pour moi le meilleur film de Larrain, même s'il me fait écrire ça presque à chaque fois!)

402140

 

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