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lieux communs (et autres fadaises)
24 août 2017

les oies dans la baignoire (de sang)

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ON THE MILKY ROAD
d'Emir Kusturica

Ca faisait un bail qu'on n'avait pas eu de nouvelles de Kustu. Ou, du moins, que je n'en avais pas pris. J'ai l'impression d'en avoir raté quelques-uns des derniers (ou, si je les ai vus, de les avoir oubliés). Je me souviens de l'avoir vu comme acteur il n'y a pas si longtemps dans 7 Jours à la Havane, où il jouait son propre rôle, et comme réalisateur il faut remonter à 2004 (La vie est un miracle) ou, encore mieux, à 2001 pour le très très aimé Super 8 Stories, un doc "rugueux" en noir et blanc sur le No Smoking Orchestra, son groupe...
Cet homme-là a quand même gagné la Palme d'Or à Cannes et autres menues friandises, et voilà qu'il sort un nouveau film et que beaucoup regardent ailleurs en sifflottant, voilà qu'il ne semble plus être en odeur de sainteté, et que la critique parisienne en escarpins vernis et perruques de courtisans se met à faire la fine bouche, à se pincer le nez, à l'expédier manu militari en quelques lignes assassines sur le ton de "Ah quand même c'était -bien- mieux avant..."
J'y suis allé le dernier jour, pas très sûr de mon coup, donc, et Catherine à midi, pas hyper-enthousiaste non plus, ne m'avait pas  beaucoup plus rassuré. Et voilà qu'Emma arrive au débotté dans la salle juste au moment où le film commence, et que je l'installe à côté de moi, et ça démarre plein pot. On n'est pas dépaysé, tout de suite on en prend plein les oreilles, et les yeux aussi. Toute une ménagerie : un faucon, un troupeau d'oies, un cochon qu'on va saigner, des mouches, un âne, un serpent qui boit du lait, pas de doute on est bien dans le Kusturica Land. Et c'est plutôt plaisant comme retrouvailles (et entrée en matière).
Au générique, on a vu qu'il y avait principalement Monica (Bellucci) et Emir. Lui est laitier et débonnaire, elle émigrée italienne et avenante. Elle est là pour épouser le frère de la femme qu'Emir est censé épouser le même jour. Une guérillère athlétique. Le frère est à la guerre, et on attend donc qu'il en revienne. Car la guerre est là, autour, partout, tout le temps, une bonne guerre bien imbécile où chacun pense que c'est la faute de l'autre, où on affronte un ennemi invisible, mais surtout où chacun continue aveuglément de la faire, même les civils, surtout les civils. Volatiles, musique, alcool, guerre et amour, bref the show must go on...
Les oies cancanent, la musique tzigane, et les mecs défouraillent. Des trognes, des matrones, des beuveries, et toujours une certaine même bonne humeur balkanique expansive et explosive. Pas dépaysés, je vous l'avais dit...

La paix est déclarée, et le frérot revient, les deux mariages se préparent (le frérot en question a des airs de Saddam Hussein, et sans doute le même sens de l'humour), sauf qu'on sent que aïe aïe aïe le laitier est plus attiré par la belle italienne que par la pasionaria serbe (celle qui elle est gymnaste et révolvériste). Et voilà que tout va voler en éclats et partir en fumée avec l'irruption de "vrais" soldats (avec du camouflage sur la figure et des kalach') qui vont mettre le mariage à feu et à sang (la même chose que j'ai déjà vue dans un autre film des pays de l'Est dont je n'arrive pas à me souvenir du titre). Emir et Monica s'enfuient, poursuivis par trois soldats, jusqu'à la fin du film... Par monts et par vaux (et par moutons aussi), sur terre et dans les airs (et sous l'eau aussi...)

On regarde tout ça, en pleine immersion, (le dolby dans la salle augmente encore plus cette sensation), béat, alternant sourire et larmes, heureux comme des gamins devant leur première histoire de Tintin (ah, les pailles pour respirer sous l'eau...). C'est vrai que, question scénar, on a déjà eu affaire à plus complexe... Mais la mise en scène se déploie, flamboie, rutile, et, question d'équilibre, si certaines scènes sont monumentalement belles, d'autres tout aussi épouvantablement dégueulasses. On suit, on avance, on tient la main qu'Emir nous a tendue, on s'envole sans perdre des yeux la robe de mariée que Monica a ôtée, ça zigzague ça louvoie, ça se convulse, comme ce gros serpent un peu insistamment récurrent (et plutôt moche, en plus) mais on reste toujours accroché derrière.

Le programme kusturicien est respecté à la lettre, et même s'il en fait des fois un poil trop, tout ça est compensé par le lyrisme déglingos de l'ensemble (et il a même la gentillesse, Emirchounet, d'apparaître -enfin!- barbu, comme je l'aime, dans la dernière scène, que je trouve, personnellement, magnifique...) alors pourquoi alors bouder notre plaisir ?

394277


Je cite quand même les Cahiaîs (cités par allocinoche) :
"Tout semble ici si kitsch, fatigué, faux et forcé qu’il semble peu probable que Kusturica nous inflige à nouveau ce genre de mascarade sans révéler, sous le vernis décati de ses atroces visions numériques, l’obscénité idéologique de ce cinéma."
oh et puis le Figharo, tiens aussi (allocinoche again) :
"Ici, le trop-plein étouffe. Pour rien. Il faut être juste, Kusturica a une qualité: la galanterie. Il est encore plus mauvais que Monica Bellucci. Ça n'était pas gagné."

Si c'est pas du dézinguage en règle, ça...

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