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lieux communs (et autres fadaises)
22 décembre 2017

pression positive continue (appareil à)

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VA, TOTO!
de Pierre Creton

Un film dont sort comme d'un rêve (dont on ne sort pas vraiment, en fait). Puisque j'avais la salle pour moi tout seul (une séance de 20h30, pourtant, mais je savais que Jacky aussi était plus ou moins seul dans la sienne pour Khibula). Un film dont le générique de fin vous confirme à quel point il est plein de douceur.
Un film qui apaise, un film qu'on a envie de caresser, de dorloter. D'apprivoiser et de garder pour soi, comme le Toto du titre (il s'agit d'un marcassin, recueilli par une vieille dame).
Un film rural, terrien, avec des paysans, des chasseurs, des fusils, des villageois et des adjoints au(x) maire(s). Avec des voix qui n'appartiennent pas aux personnages qui les disent, aux corps qui les incarnent (je ne m'en suis aperçu qu'au générique de fin). Des voix amies, Françoise Lebrun, Rufus, Jean-François Stévenin, Grégory Gadebois. Et des ami(e)s, qui ne font que passer, Catherine Mouchet, Sabine Haudepin, Xavier Beauvois. Un film à l'apparence terrienne mais à la trame, à l'essence, très mystérieuses.
J'ai pensé à Alain Guiraudie, à Vincent Dieutre,  à Pierre Trividic (d'ailleurs ici co-scénariste) et Mario Bernard, à ces films autres, lanternes magiques en forme de journal intime, ce goût de raconter des histoires, d'en dire certaines, d'en montrer d'autres, cette façon de dévier subtilement le réel (cette évocation des "fééries villageoises" - je guillemette à dessein - décrites de l'intérieur, en vrai,  et non pas fantasmées  depuis derrière son petit bureau par je ne sais quel voyeur de loin urbain), bref cet enchâssement de l'odeur du vrai dans les vapeurs du rêve, cette envie mi-dite mi-tue du corps des hommes, de leur proximité, du désir qui les lie.Et de  la façon dont chacun(e) gère son histoire, sa place, son récit propre (Pierre et Wattetot-sur-Mer, son village, Vincent et les singes, en Inde, Joseph et sa machine à respirer. Et, bien sûr, Madeleine et Toto) et interfère avec ceux des voisin(e)s. Chacun pour soi et le film pour tous.
Du cinéma comme une nécessité, et des histoires comme une réalité. Film d'observation, d'observatoire, même. Mais avec quelque chose d'indicible (d'indéfinissable) qui vient s'interposer entre le film et celui/celle qui le regarde, que Shakespeare nommerait l'étoffe dont les rêves sont faits.
Ce qu'on pourrait nommer poésie, en tout cas une forme de poésie qui me touche et me fait résonner (bien plus que raisonner) où la simple exposition / juxtaposition de fragments du réel provoquerait un bouillonnement, une floraison, inattendu(e)s.
Un film (je devrais écrire un films) brutasson, comme la vieille dame qualifie son Toto de marcassin (pour un genre de film qui n'existe pas, utilisons un adjectif qui n'existe pas non plus, d'ailleurs c'est significatif : allocinoche le range dans la catégorie "divers"...).
J'en suis resté baba, tout chose, assis dans mon fauteuil au milieu de la salle rallumée et vide.
Et grâce à une des critiques lues, je sais pourquoi le film s'appelle ainsi, question que je m'étais à plusieurs reprises posée (mais si j'avais été un peu plus attentif j'aurais pu le deviner tout seul).

Et j'y suis retourné, le lendemain, à la dernière séance (à 18h cette fois, et nous y étions six), parce que ça me chiffonnait d'avoir un peu dormichouillé la veille, et je voulais ne rien en avoir manqué. Et j'ai bien fait. Je l'ai donc (re)vu intégralement, identifiant ce qui me manquait (principalement les scènes de Vincent en Inde avec les singes, qui forment un peu le contrepoids de celles de Pierre à Wattetot). J'aime cette instabilité du récit, ce sentiment continuel d'extrême simplicité (les images enregistrées) tout autant que de complexité mentale (la façon dont les choses sont agencées). Et je suis* (plus encore que la première, puisque d'une part je n'avais plus l'effet de surprise et d'autre part j'avais tous les éléments en main.) Et je suis sorti, après avoir une nouvelle fois savouré ce générique doux, dans un état voisin de, comme quand j'étais plus jeune, celui dans lequel j'étais après une cigarette qui fait rire.
Un film qui aurait, finalement, tiens on y revient, quelque chose à voir avec le magnifique Seule la terre, vu il n'y a pas si longtemps (et qui sera dans notre prog et le bôô cinéma dès le 10 janvier qu'on se le dise...). Si, si. Comme un reflet déformé, lointain, (un écho) mais qui parle pourtant à peu près des mêmes choses. Quelqu'un de la (même) famille, sans aucun doute.
Bon, quoi, pour dire les choses simplement, j'adore les films qui parlent, entre autres, de paysans gays.

* du verbe suivre

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