Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
lieux communs (et autres fadaises)
16 janvier 2018

sans nivéa ni vaseline

003
ENQUÊTE AU PARADIS
de Merzak Allouache

D'abord, à nouveau merci au distributeur Zootrope, qui nous a permis de visionner le film avant sa sortie (il sort mercredi 17 janvier). Enquête au paradis , kézako ? "Rendez-vous au paradis, attention c'est un piège..." chantait Alain Chamfort. Ici rien à voir a priori sauf que piège peut-être justement, oui. C'est une journaliste algérienne, Nedjma, qui enquête sur ce fameux paradis, et part dans le pays pour interroger ses compatriotes pour savoir comment ils se le représentent...
Deux heures dix, dans un noir et blanc magnifique (et ce choix n'est certainement pas dû au hasard) pour essayer, en apparence, de répondre à une question, (mais en réalité à beaucoup plus que ça) et, coïncidence, juste après En attendant les hirondelles, à quelques jours d'intervalle, un nouvel état des lieux de l'Algérie contemporaine (et des années qui ont précédé), sous une forme différente mais complémentaire. Et tout aussi captivant.
Le titre du post, je ne l'ai pas inventé, ces mots sont prononcés par un imam (vociférant dans un prêche quasiment haineux) qui décrit, par le détail, les 72 houris (qui attendent les valeureux combattants quand ils arriveront à ce fameux paradis), et combien leurs cheveux sont noirs, leurs yeux bleus, et leur peau si naturellement douce... Notre journaliste va jouer les Candide en promenant son ordinateur sur lequel est enregistrée la fameuse vidéo, et en la présentant aux gens qu'elle rencontre en leur demandant de la commenter, sans oublier de leur demander ensuite la réponse à la fameuse question "Et pour vous c'est quoi le paradis ?" (Tiens tiens... Qui se rappelle que Diane Keaton avait fait la même chose, en 1987, dans un film intitulé, justement, Heaven ?).
Le film est rangé dans la catégorie documentaire, mais on se rend compte progressivement que c'est en réalité "presque" un documentaire, ce que le générique nous confirmera (on apprend que, si les personnages interviewés (en majorité des intellectuel(le)s et des artistes, mais également toute une foule d'anonymes, de gens dans la rue, de vous et de moi) sont "vrais", jouent leur propre rôle, les autres par contre (la journaliste, sa mère, son collègue) sont joués par des acteurs, rajoutant juste à la réalité du documentaire le léger -et quasi imperceptible, on pourrait dire arachnéen- voile de la fiction.)
Le réalisateur a ainsi scénarisé ce qui est "hors documentaire", et  explique, dans une interview, , -je suis allé moi aussi fouiner sur le ouaibe pour en savoir plus- que cela lui permettait de rajouter à l'enquête de Nedjma quelques éléments précis qui lui tenaient à coeur (notamment la scène où sa mère lit un livre qu'on est surpris de trouver là et dont je ne veux même pas mentionner le titre...).
Mère, fille (fictionnées donc) mais aussi adolescentes, grand-mères, amies, passantes, voisines, le film non seulement s'intéresse de près à la condition féminine en Algérie (situation a priori pas très enviable), au statut des femmes et au peu de place que lui laisse le fonctionnement machiste, la religion, les imams, mais bien aussi les maris les pères les frères, à l'invisibilité à laquelle on les condamne, mais il tente de donner aussi la parole à toutes ces femmes (dont beaucoup, d'ailleurs refuseront de s'exprimer, de se donner la permission de répondre à Nedjma)...
Un sacré beau travail (une fois de plus, l'Algérie semble très à l'honneur ces derniers temps) dont la rigueur n'empêche pas un certain humour, bienvenu, notamment dans cette scène finale (genre de mise en abîme, où la journaliste se demande comment elle va bien pourvoir terminer son ouvrage...)
De la belle ouvrage, oui oui...

0201677

Commentaires
Archives
Newsletter
Visiteurs
Depuis la création 384 428