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lieux communs (et autres fadaises)
21 janvier 2018

gaydamour

LE BOUQUET
d'Henri Calet

Je viens passer une semaine en compagnie d'Adrien Gaydamour, le héros du roman (autobiographique) d'Henri Calet le bouquin n'est pas très gros (même pas 300 pages) mais je lis désormais peu à la fois (surtout le soir avant de m'endormir). Il m'a quasiment sauté dans les mains, ce bouquin, retrouvé en rangeant la bibliothèque de l'escalier (dont je ne suis pas peu fier, merci Gigis!), comme faisant appel à ma pitié, avec sa couverture un peu marquée, ses coins de bas de page cornés sur une cinquantaine de pages... Je l'ai pris sans trop y croire, et je ne l'ai plus lâché.
Me demandant au départ si je l'avais déjà lu ou non. L'auteur raconte sa captivité pendant la guerre (le livre a été écrit en 1942), sa vie de prisonnier avec ses potes de l'époque, en des chroniques  qui présentaient quelques similitudes avec les textes de captivité du très aimé de moi Georges Hyvernaud (à la différence qu'Hyvernaud était gradé, alors que notre narrateur n'est que simple troufion).
J'ai adoré ce bouquin. A cause de l'écriture de Calet, simple mais belle. Avec un accent de titi qui fleure bon la guinguette, le petit vin blanc, la casquette de Jean Gabin... Une écriture que d'aucun diraient fleurie (Calet appartint-il au mouvement des hussards littéraires ?) -il n'est pas fréquent de trouver le mot enculé , en toutes lettres, dans un livre écrit à cette époque-, une écriture riche aussi, avec régulièrement des mots sur lesquels je m'arrêtais, étaient-ce des néologismes pour l'époque (et donc des vieillologismes pour la nôtre ?), et de belles énumérations aussi (ce qui ne peut que m'émouvoir, j'adore les listes), que le réalisme, la lucidité (le désabusement ?) du narrateur venaient encore rehausser.
Calet/Gaydamour nous narre son arrestation, son emprisonnement dans un premier camp, puis un deuxième, calmement, précisément, simplement, en des chapitres en général assez courts, ce qui fait qu'on ne peut plus lâcher le bouquin (et j'étais énervé contre moi-même quand le soir en lisant je sentais mes yeux qui se fermaient et ne me permettaient même pas de lire jusqu'à la fin de la ligne...)
Humour, désenchantement, simplicité, sens du détail, richesse du lexique, naturalisme, font de bouquin une parfaite première lecture pour 2018 (et donnent envie de lire les autres bouquins de Calet, dont il me semble avoir quelques autres disséminés sur mes étagères... à suivre, donc.)

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"Il pleuvait. j'allais dans la ville, tout dépaysé dans ces rues étrangères. J'ai toujours eu du penchant pour les promenades solitaires, à Lyon ou autre part, sous la pluie, dans la froidure et surtout la nuit. Quand tout est contre moi. j'aime alors me faire pitié à moi-même. Et je me parle et je me plains. J'aime aussi aller dans un nuage de pensées confuses, comme cela, sans direction. J'ai repris mon soliloque interrompu, je le retrouvais au fond de mes poches. Je me sentais tout seul après ce grand tohu-bohu. Je reconnaissais ma misère à moi, celle d'avant. Là-bas, dans les camps, on perdait sa misère, on était pris dans la misère collective, on formait une motte de malheur, on languissait en gros, sans approfondir. Tandis que je redevenais un homme seul et travaillant le détail. Je portais ma disgrâce en breloque."
(Henri Calet, Le Bouquet, p290)

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