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lieux communs (et autres fadaises)
28 septembre 2018

mandarine

115
BURNING
de Lee Chang Dong

A la base un grand film, et doublement (par la durée : 2h28, et par le format, la taille de l'écran). A la sortie, on peut même rajouter triplement, par le plaisir qu'on y a pris. Lee Chang-Dong, pour moi, c'est d'abord (et surtout) Peppermint Candy, vu en 2000 dans le vieueueux cinéma, avec Zabetta à côté de moi, et le souvenir qu'on pleurait tous les deux à la fin.
Un film, donc, somptueux, car somptueusement filmé (le réalisateur a le sens (et le goût) des détails qui me ravissent : amples plans-séquences (sur l'écran gigantesque du bôô cinéma l'effet en est encore démultiplié), scènes au crépuscule ou entre chien et loup (d'ailleurs parfois au sens strict du terme) prolongées jusqu'à la pénombre, changements de focale dans un même plan avec variation des effets de flou) tout me ravit dans sa façon de filmer une histoire somme toute simple dans son énoncé : boy meets girl, enfin, au moins au départ, et adaptation d'une petite (par la taille) nouvelle de Murakami : Les granges brûlées (dans le recueil L'éléphant s'évapore, en 10/18, dont je me suis aperçu que je l'avais mais que je n'avais pas lu, et je vais donc le faire illico de ce pas...)
Un jeune homme coréen, donc, rencontre une jeune fille coréenne, ils sympathisent, elle lui demande de passer chez elle nourrir son chat pendant qu'elle part faire un voyage en Afrique, dont elle revient accompagnée d'un autre jeune homme coréen... Triangle amoureux coréen, assaisonné d'un discret parfum de lutte des classes (le premier jeune homme est fils de paysan et roule en pick-up pourri tandis que le mystérieux deuxième jeune homme  roule, lui, en Porsche et ne semble pas avoir des fins de mois trop difficiles) pas tout à fait ça ?  (jeune homme 2 a un hobby un peu surprenant, dont il va faire la confidence(la confession ?)  à jeune homme 1...).
Le trio triote, donc, bon an mal an, (...), jusqu'au jour où, brutalement, Haemi (la jeune fille) disparaït. "Comme une fumée..." est-il même dit dans le film. Et Jongsu, le premier jeune homme, désemparé, cherche désespérément à la revoir où, au moins, à comprendre ce qui s'est  passé, et s'intéresse plus en détail au deuxième jeune homme, Ben (et à son curieux hobby).
C'est un film qu'on peut qualifier de lent, mais les 2h28 passent sans qu'on s'ennuie une seconde. A partir du moment où Haemi disparaît, le spectateur remonte ses manches de détectitve amateur et devient attentif à la moindre piste, au moindre détail de cette comédie dramatique qui s'est soudain muée en thriller, aux indices dont le réalisateur parsème son récit ici et là, mais les choses sont rendues plus compluquées par les recherches superposées de Hongsu : une histoire de puits, une histoire de serres, une histoire de chat, et une histoire de tribunal aussi (son père y passe, accusé d'avoir frappé un représentant de la loi avec une chaise), et on court avec lui, à sa (pour)suite, jusqu'à la très forte scène finale, qu'on n'attendait pas forcément sous cette forme.
Burning est sans doute le plus intense des films de Lee Chang-Dong, de par sa perfection formelle incontestable (enfin, ce que moi je nommerais une perfection formelle incontestable, ce qui n'engage que moi) sa forme ample, contemplative, sa volonté de refuser les effets, et celle, in fine, qu'on pourrait trouver frustrante, de ne pas livrer toutes les réponses à toutes les question que le récit a générées.

1943153

PS : je viens de lire la nouvelle Les Granges brûlées, c'est étonnant de voir de quelle façon on la retrouve dans le film : plusieurs scènes y figurent quasiment à l'identique : celle ou Haemi mime l'épluchage d'une mandarine, celle de l'aéroport, celle où Ben avoue son hobby a Hongsu, mais une grande partie du film (tout le reste) a été "rajoutée" par lee Chang-Dong (tout ce qui concerne Haemi, notamment). Les granges sont devenues des serres (Corée oblige, explique le réalisateur dans une intéressante interview parue dans Les Cahiaîs). Pas de chat, pas de montre, pas de recherche d'Haemi par Hongsu, et pas de scène finale...

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