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lieux communs (et autres fadaises)
8 octobre 2018

polydore, fils de priam

118
CE QUI NOUS UNIT
(THE BREAD FACTORY Part 1)
de Patrick Wang

C'est chouette d'avoir de l'entregent, et, grâce à l'ACID, de recevoir, deux mois avant sa sortie, un dvd d'un film qu'on était impatient de voir,  et de pouvoir le regarder, tranquillou au chaud, sur son ordi (bien que le monsieur de l'ACID ait recommandé de le voir sur un support le plus grand possible, hein...). Un film de Patrick Wang dont on avait déjà beaucoup aimé In the Family et adoré Les secrets des autres, deux "histoires de familles", déjà. Ce qui nous unit, est, lui aussi une histoire de familles,  construite autour de deux beaux personnages de femmes, Dorothea et Greta, qui ont crée un lieu vivant, entre le centre d'art et la maison de quartier, dans la petite ville de Checkford, après avoir racheté une bread factory (usine à pain) désaffectée. Ce lieu est un genre de coeur battant, social, artistique pour les habitants de Checkford et leurs kids. Rencontres, échanges, créations (cinéma, théâtre, poésie), bref un lieu autour de la création, un lieu qui fait réver...
Or voici qu'est arrivé en ville un couple d'artistes performers chinois, May et Ray, qui non seulement ont fait construire un gigantesque bâtiment en plein coeur de la ville (qui fait donc de l'ombre à la bread factory) mais manoeuvrent pour effectuer une sournoise captation de subventions, un sino-siphonnage de pépettes qui, s'il était voté, empêcherait la bread factory de continuer à fonctionner.
Et donc Dorothea et Greta vont faire leur possible pour faire basculer en leur faveur le vote des décideurs de subventions... C'est à la fois très simple et très complexe : Patrick Wang nous présente un grand nombre de personnages, au départ sans notice explicative, et c'est à nous spectateurs d'être attentifs et de relier entre eux (dans l'ordre) les points narratifs numérotés pour réussir à avoir une vue d'ensemble, reconstituer les familles (réelles ou pas, qui est parent de qui, qui aime qui, qui travaille avec qui, et pour qui) mais pas besoin d'être inquiet, il le fait avec beaucoup d'attention, de tendresse et d'humanité. Ce sont les petites histoires de chacune et chacun qui vont progressivement s'agencer pour tenter de nous montrer ce qu'est vraiment ce lieu, et tout ce qui s'y vit.
C'est un film centré sur la parole, le temps de parole de chacun(e), sur les différentes façon de la donner et de la prendre. De s'exprimer, d'échanger. Non seulement via les différents intervenants et ateliers de la bread factory (y compris les enfants), mais aussi lors de la longue séance finale (précédant le fameux vote) où les deux parties en présence (la bread factory vs May & Ray, le petit peuple américain affrontant l'art institutionnalisé, le David du do it yourself opposé au Goliath du profit et des montages financiers) vont, successivement, défiler à la barre les témoins de chaque parti(e), pour tenter de faire pencher les votants en leur faveur...
Et c'est délicieux.
Car le film est beaucoup plus qu'un simple bout-à-bout de prises de parole (individuelles ou duelles). Bien plus fort, plus touchant, plus humain. Deux vieilles dames, d'autres plus jeunes, un très jeune projectionniste, un très vieil acteur, un apprenti journaliste, un poète timide, une cinéaste rentre-dedans, une traductrice pas sûre d'elle, etc., sont donnés  à voir. Se croisent, s'affrontent, se cherchent, s'évitent, se trouvent...Et le titre français, Ce qui nous unit, me semble (pour une fois ?) plutôt bien trouvé. Patrick Wang a réalisé un film sur les rapports (humains) sous leurs différentes formes1, qu'ils soient affectifs ou conflictuels, familiaux ou administratifs, intellectuels ou quotidiens, mais sans jamais être un film théorique, juste un film... juste. Le genre qui peut simplement servir à vous redonner de l'espoir.
Fascinant, attachant, bouleversant même, avec parfois des émerveillements de lanterne magique  (je pense à la lecture par le jeune Max du rôle de Polydore), comme l'était déjà, de façon aussi forte,  Les secrets des autres (où le titre françait modifiait, cette fois,  l'original, The grief of others). The grief of others (le chagrin des autres) , ici, il y en a aussi,bien sûr, mais des bonheurs tout autant. Et j'adore la façon qu'a le réalisateur de nous présenter tout ça sur le même plateau, au même niveau. Une répétition, un conseil d'administration, une séparation amoureuse dans une voiture, un repas en famille, un début de discussion après projection d'un film, un échange autour d'un verre de lait, tout est jeu, tout fait sens, tout émeut.
Et lorsque s'inscrit sur l'écran "end of part one", on est désolé de les quitter, comme ça, (oui, c'est, justement, ce qui nous unit), surtout sans avoir encore de date française de sortie pour la "part two" (mais en même temps on est très heureux de savoir qu'on va les retrouver bientôt...)
Très très hautement recommandé.

large_bread-factory-poster

 

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