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lieux communs (et autres fadaises)
31 mars 2019

manteau moutarde

075
SYNONYMES
de Nadav Lapid

Premier jour, première séance au Victor Hugo, j'y étais! (Il est programmé dans le bôô cinéma mais pas avant quatre semaines, alors je ne pouvais pas tenir jusque là vous imaginez bien...). Nadav Lapid, on a déjà passé ses deux premiers films  (Le policier et L'Institutrice), il pratique un cinéma pas forcément confortable mais toujours impressionnant. celui-ci nous arrive avec l'Ours d'Or qui l'a couronné à Berlin, et une critique assez dithyrambique dans l'ensemble (quoique souvent un peu absconse).
C'est l'histoire de Yoav, un jeune homme qui fuit son pays, Israel, et débarque à Paris avec l'intention de couper avec ses racines, en ne parlant, par exemple, que le français (et si c'est déjà sexy pour moi d'entendre d'un israélien parler en hébreu, ça l'est encore plus de l'entendre parler en français). le voilà tout seul dans un appartement immense et vide (qu'on lui a visiblement prêté) dans un immeuble cossu, et les choses commencent mal puisque, alors qu'il se lève la nuit pour aller pisser, on lui vole toutes ses affaires : le voilà à poil, en hiver, dans un appartement sans chauffage... Il sera secouru par un couple de jeunes bobos de l'étage du dessous, Emile et Caroline. Lui est joué par Quentin Dolmaire (qu'on a découvert chez Desplechin) et elle par Louise Chevillotte (découverte chez Garrel), et c'est donc comme si Yoav (joué par Tom Mercier, dont c'est le premier rôle au cinéma, et qui se révèle impressionnant à plus d'un titre, j'y reviendrai) était accueilli / recueilli par la (jeune) fine fleur du cinéma d'auteur art & essai français...
Pour apprendre la langue, Yoav s'est acheté (chez Gibert) un "dictionnaire léger", dont il apprend les mots qu'il restitue souvent sous forme de liste de synonymes.
Le film ? Luc Chessel en a fait, dans Libé () une critique que je trouve extraordinairement pertinente (et juste), et que j'aurais pu recopier dans son intégralité (mais que je préfère vous laisser lire). Nadav Lapid fait du cinéma de la même façon qu'il fait exister son personnage : rageusement (pendant la projection, je m'amusais à dresser moi aussi une liste de synonymes à propos du film : désarmant, désarçonnant, dérangeant, perturbant, provoquant, irritant...) mais ce cinéma instable, qui tient du précipité (et de la réaction) chimique a tout d'un vrai choc. Lapid pratique un cinéma peu aimable mais qui dit "aime moi" en vous regardant droit dans les yeux. Et c'est très juste (je me répète) ce que dit Chessel à propos de l'entre-deux dans lequel se trouvent à la fois le film de Lapid et son personnage principal (qui est aussi lui).
Tom Mercier porte le film par son corps d'abord (la scène de l'appartement nous le révèle dans sa splendeur virile, et filmé comme tel par le réalisateur, un corps objet de désir -dois-je préciser que le film est à QV, et que celle de Yoav l'est de façon assez imposante-...) par sa voix (déjà évoquée plus tôt) dont le ton (la déclamation) tirerait plutôt le film vers l'irréalisme, et par sa façon d'occuper l'espace (celui de l'appartement comme celui de la ville) en en restant toujours le centre.
Un film absolument fascinant, peut-être encore plus parce qu'il est difficile de le raccrocher à quoi que ce soit d'autre (et, dans son récit même, d'avoir parfois du mal en tant que spectateur à se raccrocher à quelque chose de sûr, ou de rassurant, ou de etc. ) Un film qui ne raconte pas (une histoire) mais qui parle de. Un film, enfin, qu'il me tarde de revoir dans le bôô cinéma sur un écran de la taille qu'il mérite (clic clic)...
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