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lieux communs (et autres fadaises)
8 mai 2019

les yeux de la momie et la toxine du scorpion

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LA FLOR PARTIE 1
de Mariano Llinás

Il est parfois des événements qui quand vous êtes un chouïa programmateur(s) (on peut dire qu'on est ça à notre toute petite échelle) vous tiennent particulièrement à coeur. Et ce film en fait partie. Un incontestable événement cinématographique : rendez-vous compte, on programme dans le bôô cinéma ce film-monstre de quatorze heures (annonce la publicité, en réalité il ne s'agit QUE de 13h35!), distribué en quatre parties de 3h30 environ chacune.
Et là, c'était la semaine de la première partie (3 séances, deux à 20h et une à 13h30), et, ce vendredi, à 13h30 donc, dans la salle 3 du bôô cinéma, nous étions tout de même une quinzaine (et mes copines étaient là...), attendant, et je vous jure que quand le film a commencé, je n'ai pas pu m'empêcher d'avoir les larmes aux yeux (ça commence par un plan où le réalisateur explique ce qu'est son film, et oui, pfouit! c'est monté, tellement je me sentais à la fois ému fier et content...).
Le film annonce 4 parties et 6 épisodes, et nous avons donc vu dans cette première partie les épisodes 1 et 2 : celui avec une momie et celui avec des scorpions, pour résumer grosso-modo (sans gâcher aucun plaisir)...
Quatre filles... des histoires mystérieuses... des groupes secrets... On ne peut pas ne pas penser à Rivette, à sa Bande des Quatre, et c'est très très agréable. Un cinéma joueur (et bien joué, c'est un plaisir de voir, d'une histoire à l'autre, les quatre actrices changer de rôle et de personnage) qui prend son temps, c'est vrai, pour mettre en place chacune des histoires racontées, et prend un certain plaisir (mais ça c'était annoncé depuis le début) à ne pas les terminer.

(la bande-annonce est . Je vous invite à la visionner parce qu'elle donne très envie je trouve...).

C'est un film qui a (beaucoup) à voir avec le plaisir. Le plaisir du jeu, le plaisir de la connivence, le plaisir du cinéma, le plaisir du spectateur (parce que visiblement  celui des acteurs). Il faut être un minimum joueur (et ouvert un minimum à ces spéculations narratives) pour accepter de se laisser aller dans ces montagnes russes (argentines dans le cas présent) cinématographiques. Un peu de train fantôme, aussi, sans doute. Et puisqu'il est question de train, un je-ne-sais-quoi de cinéma des origines (de l'arrivée d'un train en gare de la Ciotat on serait passé à l'arrivée d'un train argentin pas train-train en gare de la Cinématographie). Mais qu'est-ce c'est agréable de tchoutchouter avec ces quatre lutines (Pilar Gamboa, Laura Paredes, Elisa Carricajo, Valeria Correa) et leurs comparses masculins, d'arpenter avec elles des territoires un peu mystérieux, un peu instables, un peu inquiétants, un peu nunuches, aussi parfois, (tout à la fois parfaitement reconnus, et dans le même mouvement, parfaitement inconnus ; ordinaires et insensés, réalistes et chimériques, bref, paradoxaux, comme ce que nous avait appris notre metteur en scène, la notion de présent/absent), bref, tout et son contraire, en tout cas  tout ce qu'il faut pour être heureux avec elles lorsqu'on est spectateur, comme un gamin à qui on raconte son histoire du soir... Et on n'en a encore vu qu'une partie ! Le réalisateur définit l'épisode 1 comme une série B, et le second comme un mélodrame avec des chansons et un peu de mystère... Mais chacun des épisodes est ça, mais pas seulement, ou autrement, et échappe, heureusement,  à la caractérisation et à l'étiquetage auxquels certains esprits formatés étroits auraient bien aimé pouvoir les réduire.

La Flor est juste un énorme bonheur de cinéma, je ne saurais pas mieux dire!

«Je fais partie d’un groupe qui s’appelle El Pampero [société de production fondée en 2002, ndlr]. Il y a dans ce groupe une fable originelle, qui nous est constitutive. Avec mon associé Alejo Moguillansky, à une époque où nous travaillions, très lentement, sur un de nos premiers projets qui était très mal payé, nous passions notre temps à aller manger. Un jour, Alejo arrive et me dit : "Là-bas, au coin de la rue, ils font un gâteau au chocolat qui a tout le bon du gâteau au chocolat, et rien du mauvais." Vous savez que dans les gâteaux au chocolat, il y a toujours une partie ennuyeuse, avec plus de pâte, plus farineuse. Nous y allons, et en effet : il n’y avait absolument rien de bureaucratique dans ce gâteau, c’était le plaisir intense du chocolat. Je crois que ce moment de communion a influencé notre manière de faire des films. Seulement le bon ! Seulement le chocolat ! Et pas seulement dans nos films, en évitant toutes les scènes stupides de transition ou de narration au profit de scènes divertissantes, mais aussi dans la manière de faire, sur le tournage. Si on a passé dix ans à faire ce film sans presque jamais s’arrêter, c’est que ça a été un plaisir permanent, qu’on a su éviter tous les moments bureaucratiques. Ça vaut aussi pour la production. Le film s’est fait avec 250 000 ou 300 000 euros, donc avec très peu d’argent. Il est financé de façon conventionnelle, mais ce qui est moins conventionnel, c’est ce qu’on a fait avec l’argent, en le dépensant seulement pour ce qui se verrait à l’écran, pour ce qui ferait du bien au film, jamais pour des choses superflues.»
(extrait d'un entretien avec le réalisateur, Locarno 2018)

l'entretien en entier est ici

et je piaffe déjà en attendant la semaine du 8 mai (deuxième partie, dans le bôô cinéma)

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