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lieux communs (et autres fadaises)
3 août 2019

baron samedi

125
ZOMBI CHILD
de Bertrand Bonello

Bertrand Bonello m'avait ébloui avec Nocturama, après un St Laurent qui avait un peu tempéré mon enthousiasme, et je me demandais, pour ce nouveau film, dans quel sens la courbe allait s'infléchir.
Eh bien encore une magnifique surprise, question plaisir de spectateur, qui réussit quasiment à renouveler l'exploit de Nocturama. Un filmage rigoureux, élégant, référencé, politique. Plus d'une fois pendant le film j'ai soupiré d'aise intérieurement en me disant "Qu'est-ce que ce mec-là filme bien...". Pourtant ça n'était pas joué d'avance, sur le papier : Haïti, vaudou, et zombis par ici (mythologie(s) qui me laisse(nt) d'ordinaire plutôt de glace) et jeune filles en fleur, grande école et sororité par là, disons que je me rendais au film "par honnêteté", parce que je l'avais souhaité dans la programmation et qu'il était donc normal que le le voie, mais sans enthousiasme excessif...
Oui, une semaine après Les Particules, voilà encore une -très- belle surprise de cinéma.
Car j'ai jubilé pendant tout le film. A une (toute petite) réserve près, pour la presque fin (qui est peut-être trop ceci ou pas assez cela), le film tient du sans-faute cinématographique.
Deux histoires parallèles entrelacées, deux espaces-temps disjoints, Haïti 1962, et Paris, aujourd'hui. Clairvius Narcisse, un homme victime de zombification (au terme d'un rite vaudou sur la préparation duquel s'ouvre précisément le film) a été enterré (vivant-mort) puis déterré la nuit d'après (mort-vivant), et emmené  pour être utilisé comme esclave dans les plantations de canne à sucre (le fait-divers est authentique).
Tandis qu'à Paris nous voici dans la très sélect Maison d'éducation de la Légion d'Honneur, un pensionnat de jeunes filles "méritantes" (C'est un genre très codifié que celui du film d'internat : dérivent alors à la surface de la mémoire cinéphile d'autres demoiselles au pensionnat (la nuit), celles de Picnic at Hanging Rock de Peter Weir, celles de Suspiria bien sûr, ou, plus périphériquement, celles de St-Cyr, de Patricia Mazuy).
Bâtiment imposant, chemises de nuit, déambulations nocturnes, cérémonies secrètes, le cahier des charges est respecté à la lettre (moderne) par Bertrand Bonello. Dans cette école quatre jeunes filles en observent une cinquième, nouvellement arrivée, afin de décider si elle est plutôt cool ou chelou, avant de l'accepter ou pas dans leur sororité. La cinquième c'est Mélissa, justement, d'origine haïtienne,  et dont on soupçonne tout de suite qu'elle n'est pas sans rapport avec la première histoire. Histoir que le réalisateur inclut dans la seconde à la façon d'une interpolation, les séquences sont montées très cut, et on passe toujours assez simplement (brutalement) de l'une à l'autre (le montage est aussi rigoureux qu'élégant). Rien que ce pavage iconique est bluffant. La façon dont les deux récits sont intiment liés l'un à l'autre. Et on se dit qu'il faudra savoir comment se termine la première histoire, pour pouvoir alors comprendre comment a commencé la seconde...
A noter que Bonello parle de zombi (et non de zombie), se référant ainsi clairement à un "cinéma des origines" (Tourneur) plutôt que dans la relecture gore et nauséeuse (et dégueulasse, le mot est mérité) qui en a été faite par la suite (et il est drôle de constater, d'ailleurs que la scène la plus violente du film provient d'un jeu que les adotes matent sur leur téléphone).
Jusqu'au fameux climax du film, où Bonello réunit enfin les fils (électriques) de ces histoires et provoque ainsi un genre de court-jus bien volté qui secoue la narration, le scénario (et le filmage) respectent délibérément une certaine volonté de "ne pas aller vite" (et donc de laisser au spectateur la possibilité de savourer chaque élément, la nuit américaine des scènes haïtiennes, les effets sonores, le sens des détails, la musique, et les morceaux de bravoure (l'enterrement de Clairvius vue de l'intérieur, la scène délicieuse où les donzelles fredonnent en direct live avec une apparente candeur  les horreurs "viriles" écrites par Damso, ou encore la première rencontre entre Fanny et la tante de Mélissa).
Comme il l'avait fait pour Nocturama, Bertrand Bonello a concocté un casting de débutantes absolument parfait : les quatre plus une sont d'une justesse, d'une simplicité, d'une "fraîcheur" (et d'une force aussi) que n'auraient pas reniées un Rohmer ou, par exemple, le Christian Vincent de Beau fixe (1992) : des jeunes filles "modernes", avec ce que cela suppose de douceur et de détermination...
Top 10 ?

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