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lieux communs (et autres fadaises)
15 septembre 2019

je ne m'énerve jamais

141
ROUBAIX, UNE LUMIERE
d'Arnaud Desplechin

Finalement il a été sorti du chapeau  inopinément -plop!- en tant que film A dans le bôô cinéma, comme le lapin qui sort du chapeau (j'avais tenté de mettre en place plusieurs plans successifs pour aller le voir à Besac, -où il ne passait pas, hélas, dans le Victor Hugo chéri habituel- qui tous hélas avaient fait flop).
Me restaient les échos dithyrambiques et lointains consécutifs à son passage Cannois 2019 en sélection officielle (malgré qu'il en soit reparti bredouille) d'aucuns criaient à la Palme d'Or, il est reparti sans rien. Plus ceux, bien plus récents mais tout aussi louangeurs, et encore plus dignes de confiance, de Dominique et d'Emma, qui l'avaient vu à Besac, au prix fort. Bon, alors, on allait bien voir.
D'abord, un peu de machine à gifles pour allocinoche et son "résumé" : "À Roubaix, un soir de Noël, Daoud le chef de la police locale et Louis, fraîchement diplômé, font face au meurtre d’une vieille femme. Les voisines de la victime, deux jeunes femmes, Claude et Marie, sont arrêtées. Elles sont toxicomanes, alcooliques, amantes…" qui vous livre en deux lignes ce qu'on met, dans le film, un bon moment (la moitié, au moins) à savoir. Et vous pré-mâche ainsi généreusement la comprenette (mais on n'est pas des veaux, non sang!).
Deux duos, donc qui se font face : les flics et les suspectes. Côté flics le vieux et le jeune, Roschdy Zem (sidérant) et Antoine Reinartz (né au cinéma en 2017 avec 120 battements par minutes, mais qui rattrape le temps perdu, et qu'on commence à voir de plus en plus ici et là, Doubles vies, La vie scolaire, et bientôt Alice et le maire, puis Chanson douce..., c'est rien de le dire que ce jeune homme monte en pression), et en face, (comme une réminiscence des Bonnes) les très impressionnantes Léa Seydoux et Sara Forestier.
Ce qui est (très) important aussi, c'est la mention qui apparaît au début du film, dont on ne mesure pas d'emblée la portée, version Despléchine de "d'après une histoire vraie" ou "inspiré de faits réels", qui en général me cabrent un peu quand je les vois (et désamorcent en général mon envie de voir un film), à laquelle répond, à la fin du générique, comme une parenthèse qu'on refermerait,  (je cite de mémoire) la mention -mais perdue au milieu d'une masse d'autres informations, Hervé ne l'avait pas vue- "d'après le film Roubaix, commissariat Central, de Mosco Boucault", dont allocinoche m'apprend (je suis allé fouiner dès que je suis rentré) qu'il s'agit d'un doc diffusé sur arte en 2008, et qui avait visiblement fait sensation à l'époque (et impressionné Desplechin au point qu'il en a porté en lui les images pendant dix ans).
Desplechin donc, a pris du vrai pour en (re)faire un film. un film  enthousiasmant (T. va encore dire que je suis bon public, mais c'est vrai qu'en général quand je vais voir un film c'est qu'il a déjà a priori de grandes chances de me plaire...), qu'on pourrait supposer hors de la zone de confort habituelle d'Arnaud D puisqu'il s'agit  d'un film dit "de genre", un polar, un film d'enquête,  mais en fait un genre de remake d'un documentaire (sur la vie d'un commissariat -c'est vrai que ça donne envie de le voir, ce doc-) en l'accommodant quand même à sa sauce. Sa façon de voir les choses, ou, plutôt de les montrer. Un documentaire dans lequel était évoquée, justement, l'affaire dont Desplechin fait le noyau de son film, disons qu'on serait entre L627 de Tavernier pour le fond et, tiens, Les bureaux de Dieu de Claire Simon -qui n'est absolument pas un polar- pour la forme (la démarche).
Mais c'est un film de gens plutôt que de faits. Dans la première partie (l'enquête), on reste dehors, on s'intéresse surtout aux flics, les demoiselles n'apparaissant que de loin en loin, en tant que témoins (et donc c'est dommage, hein allocinoche, de vendre la mèche comme ça tout de go), tandis que dans la seconde (partie, celle de la garde à vue, l'espace est recentré, clos (huis-clos), la caméra se rapproche, (inspecte) des corps des visages et des mots (les interrogatoires et les dépositions, et bien sûr les aveux).
Et si les assassines fascinent, Roschdy Zem, lui, irradie (du coup le personnage joué par Antoine Reinartz a un peu de  mal à exister face à lui, et c'est peut-être pour lui donner ses chances d'exister davantage dans le film que Desplechin lui a confié le rôle de narrateur, ce qui paraît un peu surprenant au début). Un personnage calme très calme (c'est lui le "je ne m'énerve jamais" du titre de ce post), atone presque. Mais tout aussi opaque. Un genre de "bon samaritain" auquel on pressent de sacrées zones d'ombre (à propos desquelles le spectateur ne sera, d'ailleurs, jamais éclairé.). Et son jeune adjoint (Reinartz) par contre, est le seul à avoir besoin d'une voix-off pour éclairer un peu plus son personnage.
Les deux filles en face d'eux, aussi, sont très fortes. Le contrepoint. Léa Seydoux et Sara Forestier (toutes deux déglamourisées au possible) incarnent leurs personnages au point qu'elles arrivent à faire oublier qui elles sont (Léa Seydoux et Sara Forestier), tant elles font bien le taf (sans en faire des tonnes).
Un film qui sonne juste (un peu trop peut-être, notamment à propos des autres personnages de flics, contraints à faire de la figuration, et souvent justes esquissés comme des personnages de bourrins gueulards), un film de froid et de nuit (l'histoire se passe une nuit de Noël, et ça pourrait en être un, de Conte, contemporain, réaliste, glaçant.), un film qui va jusqu'au bout de son propos (et de ses intentions). Jusqu'en travers de la gorge.

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(tiens, ce qui semblerait conformer ce que je disais plus haut : Antoine Reinartz -pourtant en tête de distribution-, est le seul à ne pas avoir droit à figurer sur l'affiche...)

machine à gifles : palme de la phrase idiote cette fois  pour les Cahiaîs (mais c'est habituel, c'est décidé cette fois je ne me réabonnerai pas) : "Ce qu’il y a de finalement désagréable dans le film : la confusion entre le compassé et la compassion, entre une soi-disant attention minutieuse et bienveillante au « réel » et une forme de surplomb doucereux."

Commentaires
C
Mais non pas-si-méchant-que-ça T... Je connais aussi le site d'Orlof qui a le don de me faire sourire et de m'agacer, des fois ensemble et des fois séparément... Là je ne peux pas dire qu'il ait vraiment tort mais sa mauvaise foi me hérisse un poil... Mais de toute façon c'est sympa de laisser un commentaire!<br /> <br /> :)
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B
Désaccord quand tu nous tiens...<br /> <br /> http://drorlof.over-blog.com/2019/08/sur-la-gauche-bourgeoise.html<br /> <br /> (assez partial je dois l'admettre, mais oh combien jouissif !)<br /> <br /> Le méchant T.
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