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lieux communs (et autres fadaises)
15 novembre 2019

de l'autre côté

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L'ANGLE MORT
de Pierre Trividic & Patrick-Mario Bernard

Deux films acid* la même semaine (avec les jolis documents qui vont avec) vraiment c'est fête! Sauf que, hier soir pour NE CROYEZ SURTOUT PAS QUE JE HURLE nous étions 3, et là, cet après-midi, j'étais carrément 1, tout seul, séance privée... Ca donnerait presque envie de baisser les bras et de rendre son tablier...
Trividic et Bernard ont réalisé quatre films (dits "de cinéma") ensemble, -plus un documentaire sur Lovecraft pour la télé- depuis l'intriguant Ceci est une pipe, et ce même épithète peut d'ailleurs  s'appliquer à chacune de leurs réalisations.
Ici, ils ont choisi un thème qui a déjà généré quelques classiques du cinéma, avec une imagerie bien spécifique : l'invisibilité. Ici, les deux réalisateurs prennent un peu le truc à rebrousse-poil puisque leur héros a un peu de mal à gérer ce pouvoir dont il semble presque affligé. Contrairement aux autres versions, le jeune homme a deux particularités : il est noir (ce qui n'a rien de rédhibitoire) mais, surtout, on le voit tout le temps, (la caméra l'accompagne) même lorsqu'il est invisible, comme lui même se voit (il a besoin d'un reflet pour savoir s'il est visible ou pas). (Tiens, ça me fait penser qu'un autre et très joli film a récemment abordé ce thème, le lyrique Vif-argent de Stéphane Batut, notamment lors d'une scène "en appartement" quasiment symétrique entre les deux films.)
Dominick (Jean-Christophe Folly, très bien) a quelques soucis car son don a l'air de décliner, de clignoter, de le lâcher, et il est contacté par un autre garçon qui souffre des mêmes problèmes (être doué d'invisibilité et sentir que le pouvoir est en train de disparaître) mais qu'il fuit avec obstination et refuse d'aider (du genre "chacun sa merde, débrouille-toi tout seul comme un grand..."). Dans le même temps il a des soucis avec sa copine Vimeka (isabelle Carré), à qui il n'a pas parlé de son pouvoir, et qui comprend de moins en moins bien sa présence à éclipses, et il fait la connaissance de la très jolie  (normal, c'est Golshifteh Faharani) voisine d'en face,  qui a la particularité d'être aveugle (et qui va donner lieu aux plus touchantes scènes du film).
Le problème récurrent, pour Dominick c'est que, pour être invisible (quand le pouvoir n'est pas défectueux) il faut être nu (ce qui est plutôt plaisant pour le spectateur, même si les réalisateurs n'abusent pas de la situation et ne nous submergent pas sous les QV), et que, quand on marche nu à l'extérieur, en ville surtout, on se fait mal aux pieds... (très bien cette idée d'insister sur les désagréments physiques "concrets" liés à ce qui semble être a priori un pouvoir génial... Comme quoi on n'a rien sans rien).
Le cinéma des deux réalisateurs n'est pas un cinéma forcément aimable mais un cinéma remarquablement intelligent (je le situerais quelque part entre ceux de Claire Denis et Vincent Dieutre), un cinéma qui fait confiance à ses spectateurs, en leur capacité, à, justement (on y revient) leur faire confiance. Une confiance absolue, une confiance aveugle, oui.
S'il y est très souvent question d'amour, juste ce n'est pas celui est dûment habituellement normé étiqueté répertorié  au cinéma, entre bluette et roucoulades. L'amour selon Bernard & Trividic n'est pas forcément ni solaire ni joyeux, il est douloureux, il a les pieds qui saignent. Il est physique et pourtant extrêmement cérébral (ça doit être ça qui me le fait tant aimer).
Un film très intelligemment (sensiblement ?) construit, de telle sorte que plus il progresse et plus il vous fait proche de lui. Irrémédiablement. Fort, ça.

3141803

Même remarque que pour NE CROYEZ SURTOUT PAS QUE JE HURLE : Si vous êtes intéréssé(e) par des dépliants ACID, il nous en reste encore quelques-uns...

 

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