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lieux communs (et autres fadaises)
24 mai 2020

DDDD14

(ça passe vachement vite, non ?)

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"DEUX PUY, DEUX MESURES

Revenons un peu sur la "distanciation". Pas sociale, mais brechtienne – cet effet d’étrangeté produit sur le spectateur, visant à rompre le pacte de croyance en ce qu’il voit. Un exemple type a été donné le 20 mai, lorsqu’à l’occasion d’un Conseil de défense réuni à l’Elysée, le chef de l’Etat a poussé en faveur de la réouverture rapide – elle sera effective le 11 juin – du Puy du F., célèbre parc à thème médiévo-zemmourien de Vendée, fondé par une bonne relation d’Emmanuel M., Philippe de V.. Voici alors que les acteurs de la culture, et en particulier les directeurs des grands festivals sommés d’annuler leurs événements jusque mi-juillet, échangèrent des regards incrédules pour savoir si, mortecouille, cela relevait ou non de l’hallucination. Aurélie F. leur a confirmé qu’ils avaient bien compris le coup de théâtre: il s’agit bien, selon l'ex-ministre de la Culture sur les réseaux sociaux, d’un "passe droit monstrueux". "On ferme le Festival d’Avignon mais cet individu d’extrême droite pourra continuer à faire l’apologie de son révisionnisme historique. Copinage relevant de la trahison la plus totale des idéaux républicains. La devise de la République, c’est liberté-égalité-fraternité."
Quelque temps avant la création de cette devise, les royalistes étaient engagés dans la sanglante guerre de Vendée. Est-ce par sympathie monarchiste qu’Emmanuel M. dépose aujourd’hui cette offrande aux pieds du Disneyland de la droite identitaire? Ou, plus prosaïquement, pour adresser un gros fuck à tous ces snobinards du théâtre public en même temps qu’une pichenette sur l’oreille de son premier ministre, Edouard P., puisque ce dernier préférait, parait-il, temporiser l’annonce? Nous voilà en tout cas propulsés, comme jadis Jean R. et Christian C. dans le blockbuster gaulois les Visiteurs, en un autre temps, dont on ne sait encore s’il correspond au "monde d’après" ou plutôt au monde de bien, bien avant – soit cette époque d’il y a plusieurs siècles où les privilèges étaient vraiment "okay". Alors que l’ensemble du secteur culturel pourrait sombrer dans une précarité border Jacquouille-la-Fripouille, on en viendrait à croire que les personnages du film de Jean-Marie P.n’inspirent plus seulement l’esthétique du parc à thème vendéen mais aussi la politique du chef de l'Etat." (LibéCulture)

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"LE PARTI DES CHOSES ET PAPARAZZI
deux fims de Jacques Rozier sur le Mépris (visibles sur la plateforme de la Cinémathèque française)

En guise d'hommage à Michel Piccoli, la Cinémathèque française rend disponible deux courts et beaux films rares sur sa plateforme Henri, "salle virtuelle" où elle exhume chaque jour des trésors de ses collections, en accès libre jusqu'à la réouverture de ses portes. Deux films réalisés par Jacques Rozier sur le tournage italien du Mépris en mai 1963, manières de making-of grand luxe du chef-d'œuvre de Jean-Luc Godard. Le plus long plante le décor (la baie de Naples, le soleil de Capri, la villa Malaparte) par la voix de Piccoli, avant de dériver du tournage vers sa périphérie pour se fixer sur le ballet de ces étranges oiseaux du cru qui assaillent l'icône Bardot: les "paparazzi" – inventé par Fellini, le terme n'avait alors pas encore passé les Alpes et donne son titre au fringant petit film. Le second film, le Parti des choses, arpente les coulisses du Mépris et "les raisons mystérieuses du cinéma" pour dépeindre comment ses splendeurs Technicolor s'inventent au jour le jour autour de ses acteurs, et plus particulièrement de la relation entre le cinéaste et son actrice ("Brigitte Bardot n'est pas devenue Camille, mais Camille est devenue Brigitte Bardot"), aiguillé par cette intuition de Rozier, amplement vérifiée depuis: "Si le phénomène Bardot doit représenter plus tard quelque chose dans le cinéma au même titre que Garbo ou Dietrich, c'est peut-être dans le Mépris qu'on le trouvera." Et c'est aussi là que se donne à voir la bascule, dans un demi-siècle d'intouchable âge d'or, de trajectoire du plus grand acteur que l'on ait connu." (LibéCulture)

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(ce soir j'aurais dû être sur mon canapé devant la téloche (ça ne change pas) pour un des deux événements pluricul/multiméd cinématographiques qu'en principe je ne manque jamais : la Cérémonie de Cloture du festival de Cannes, mais bon, comme vous devez le savoir, cette année y en a pas, alors bernique (ta mère) et donc je regarderai les films de Rosier ci-dessus évoqués à la place)

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l'esprit des murs :

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(rien à voir avec ce qui précède, ni ce qui suit,  mais c'est agréable de voir des gens sourire -surtout celui du fond- juste pour le plaisir, donc)

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(Téléramuche donne la parole à d'anciens jurés qui reviennent sur leurs délibérations, celui-ci m'a particulièrement touché)

Palme d’or : Oncle Boonmee, d’Apichatpong Weerasethakul (2010)

"Ce sont douze jours où tout ce qu’on dit, et surtout ce qu’on ne dit pas, est interprété. Et comme on n’a pas le droit de parler, le moindre soupir, hochement de tête, ébauche de sourire en regardant les flots est guetté. Douze jours où on est hors sol, traités avec le plus grand des égards, mais où l’on perçoit constamment qu’il y a sans doute quelque chose de mieux, de plus intéressant ailleurs et qu’on est en train de le rater. Le Festival de Cannes fonctionne sur ce manque et le jury a beau être au centre du manège, il n’y échappe pas. Durant ces douze jours, je me suis aperçu que j’étais très mauvais à la manœuvre et que je n’étais pas le seul. On était trois à adorer un remarquable film ukrainien, My Joy, le premier film du peu connu Sergei Loznitsa et bien que trois, ce qui aurait dû constituer une force, on n’a pas été assez malins pour que le film ne reparte pas bredouille. On se questionnait : "On ne va pas demander la palme. Ça ne marchera pas. On ne peut pas demander non plus le prix du scénario, le film ne tient pas à son scénario…" On n’avait pas compris qu’il faut commencer par être maximaliste, quitte à redescendre dans ses ambitions et donner le sentiment qu’on est grand prince, qu’on fait des concessions.
(...) Dans le jury, il y avait Victor Erice qui a réalisé l’Esprit de la ruche, avec Ana Torrent avant qu’elle ne soit révélée par Cría Cuervos, et le Songe de la lumière, un film sur un homme qui regarde un cognassier fleurir dans sa cour. Pas précisément des blockbusters. J’étais très content de le rencontrer et très fier de lui dire que j’avais vu ses films, une particularité dont j’imaginais qu’elle m’était propre. Quelle prétention ! Au sein du jury, connaître l’œuvre de Victor Erice n’avait rien d’exceptionnel. Il jouissait d’un statut particulier. On baisait sa babouche pour obtenir son avis. Lui seul s’exprimait uniquement en espagnol, très lentement et assez longuement…
J’ai le souvenir d’une très grande liberté. Cette année-là, les films américains de la sélection étaient faibles. Je pensais qu’on allait être obligés de couronner l’un d’entre eux car il y avait de nombreux Américains dans le jury, dont le président lui-même. Pas du tout ! Ils n’ont pas essayé une seconde d’imposer un choix pour des raisons diplomatiques. Non seulement personne n’a jamais menacé ma petite indépendance, mais je n’ai jamais ressenti de pression liée aux enjeux financiers gigantesques.
En ce qui concerne la palme d’or attribué à Oncle Boonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures d’Apichatpong Weerasethakul, je n’étais pas en état d’argumenter. Je me suis endormi pendant la projection et je n’en ai pas fait mystère. Je revois Tim Burton transporté et émerveillé par ce film."
Emmanuel Carrère, écrivain et cinéaste (Libé)

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(j'ai bien fait de ne pas m'habiller juste pour aller chercher le courrier : il n'y en avait pas.)

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