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lieux communs (et autres fadaises)
27 juin 2020

nos insomnies

LES ARPENTEURS
de Kim Zupan

De temps en temps ça me prend d'aller faire les soldes dans les rayons de chez Gibert (virtuellement) et d'acheter à prix très réduit des bouquins que je ne connais pas du tout... C'est le cas de ce roman trouvé sur le présentoir Gallmeister, acheté en même temps que quelques autres (Ned Crabb, Craig Holden, James Crumley) pour atteindre la somme à partir de laquelle les frais d'envoi sont gratuits, et qui a traîné un certain temps sur le bord de l'étagère dans la pile "à lire", avant que je ne me décide à le prendre, et que je ne l'emporte à Bellou comme livre de chevet.
Et c'est vraiment -littéralement- ce qu'il est devenu.
Le seul et unique roman de Kim Zupan (et c'est ce qui est le plus frustrant, parce que je l'ai tellement aimé que j'aurais aussitôt voulu en lire un autre du même auteur, mais non, impossible).
Une histoire d'hommes, au départ, de rencontre entre John Gload, un vieux tueur (à mi-chemin entre le tueur à gages et le serial-killer) incarcéré dans l'attente de son procès, et Valentine Millimaki, un jeune adjoint du shérif, chargé, entre autres, de le surveiller. Une étrange relation va se mettre en place entre eux, un dialogue, une petite musique de nuit, entre ces deux hommes a priori très différents mais que pas mal de choses, finalement, rapprochent. Des problèmes d'insomnie récurrents, des relations de couple pas très faciles avec leurs épouses respectives.
Le récit, au départ, peut paraître un peu déconcertant, réparti en deux narrations distinctes, celle qui suit le tueur (Gload) et celle qui suit le pisteur, (Millimaki est aussi un champion pour chercher -et retrouver- des gens disparus à l'aide de son chien), progressant par à-coups et par ellipses, jusqu'à ce que les deux hommes se rencontrent, chacun de son côté des barreaux, et que les choses deviennent vraiment  passionnantes, fascinantes (troublantes ?) .
L'émotion va croissant, et sa montée structure le récit. La relation entre les deux hommes (plus un troisième, un autre adjoint, le supérieur hiérarchique de Millimaki) m'a fait penser aux romans de Teri White (où des hommes, à chaque fois, nouaient des relations pas tout à fait "habituelles" dans les polars) tandis que la partie "conjugale" (la relation de chacun avec son épouse) m'évoquait plutôt certains novellistes américains aussi très aimés (Carver, Cheever, Yates), ces instantanés de couples qui se délitent qui se lézardent plus ou moins imperceptiblement.
Millimaki, chargé des gardes de nuit, est aussi chargé par son supérieur de soutirer des informations à Gload sur ses crimes passés (ce dont Gload n'est pas dupe) et si leur confrontation évoque, au départ,  celle de Clarice Starling et Hannibal Lecter dans Le Silence des Agneaux, les enjeux n'en sont pas tout à fait les mêmes...
Et s'il y a le dedans (la prison), le dehors a aussi beaucoup d'importance (la nature, le paysage, comme très souvent dans les romans de cet éditeur, en plus on est dans le Montana...).
C'est fort, c'est de plus en plus fort. On est bien au-delà du "polar"... J'ai eu les larmes aux yeux plusieurs fois, à partir du chapitre 11 (à peu près la moitié du roman), et tout ça m'a bouleversé. C'est indiscutablement un grand roman, que je range juste à côté de ceux de Larry Brown et de Benjamin Whitmer (pour ne parler que des deux derniers écrivains gallmeistériens qui m'ont enthousiasmé), et que j'inclus illico dans mon récent Top 50...

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