PARLONS D'AMOURS 1
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MOFFIE
d'Olivier Hermanus
Ca faisait un certain temps qu'il figurait sur ma liste de souhaits de programmation (depuis juillet 2021 pour être précis), avec rajouté au bout Semaine gay ?
Et bien voilà, mes voeux ont été doublement exaucés :
1) cinq jours de films LGBT dans le bôô cinéma (organisés par Zabetta)
2) et le film était programmé cet après-midi à la première séance!
Nous avions déjà programmé son premier film, BEAUTY (2011) que j'avais qualifié de glacé (et glaçant).
Moffie n'est pas le (sur)nom du héros, c'est juste un mot du dialecte local qui signifie pédé. les choses donc sont claires. Notre jeune héros part faire son service militaire (nous sommes en 1981), censé "faire lui un homme un vrai". Et c'est vrai que ça ne rigole pas et qu'on se retrouve quasiment en plein FULL METAL JACKET, avec sergent instructeur spécialement gueulard et sadique (la "mise en route est si éprouvante que j'ai même envisagé à un moment de quitter la salle.
(je n'y avais pas vraiment pensé, mais en lisant les Inrocks je me dis mais oui bon sang mais c'est bien sûr, qui qualifient MOFFIE de 'film regardant un autre film" (en l'occurence, ledit FULL METAL JACKET), et c'est vrai que les structures des films sont assez semblables : (la préparation des recrues / un suicide / l'épreuve du feu) même si Olivier Hermanus réussit à tirer, heureusement, sa coda vers un je ne sais quoi de plus... affectif (affectueux ?) -mais bon l'eau est froide... Un film dur (que la fascination homo-érotique générée par les ambiances de chambrées "bourrins entre eux" rend -honteusement ?- plus facilement regardable) mais, bon, en Afrique du Sud ça ne rigole pas trop avec la gayitude...
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LE CHOIX D'ALI
d'Amor Hakkar
Je suis venu mi par "solidarité" (et aussi parce qu'on avait déjà programmé le film, en présence du réalisateur, mais que je n'avais pas pu y assister) et mi par curiosité : bonne surprise, il y a finalement eu une trentaine de spectateurs (dont certains étaient venus aussi pour David Belliard, qui dédicaçait son roman)). Le film est, curieusement, présenté par son réalisateur comme s'il avait "fait de son mieux", mais que le résultat n'était pas probant. Le réalisateur, "régional de l'étape" (il est bisontin) raconte l'histoire d'un jeune maghrébin bisontain et gay qui revient chez lui, àbesançon, à l'annonce de l'AVC de sa mère (le réalisateur souligne bien le fait que lui-même n'est pas du tout homosexuel), et va se trouver le cul entre plusieurs chaises (un peu comme le scénario du film), homosexualité, famille, religion, qu'en-dira-t-on, interdits, normalité, port du voile, etc. Les acteurs sont bien, et sonnent juste, mais l'histoire hélas se prend un peu les pieds dans le tapis (de prière, justement). Des acteurs justes pour une histoire qui ne l'est pas. (le fait qu'Ali, à peine débarqué dans sa famille, ne prend plus la peine de penser à son copain (qui l'a accompagné pourtant) ni de répondre à ses appels, ni même de venir à son aide alors que le pauvre se fait tabasser dans la rue juste sous ses yeux, tout ça me semble parfaitement invraisemblable. Jusqu'à une fin aussi expéditive qu'injustifiée, scénaristiquement. "Ah qu'ils sont jolis les garçons de mon pays..." mais bon ça ne suffit pas. Un film louable mais bancal.
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FIST COW
de Kelly Reichardt
Samedi 15h45, pour la projection de ce film que j'avais suggéré à Zabetta parqu'il était sorti chez le même distributeur que celui de la Queer Palm (qu'elle avait réussi à obtenir) pour remplacer, dans un premier temps, une avant-première qu'on n'était pas sûrs d'avoir -et qu'on n'a, dailleurs, finalement pas eue-), parce que c'est l'histoire d'une "belle amitié entre hommes" (et plus si affinités, même si aucun signe de rapport physique n'est donné). L'histoire de Cookie Figowitz et de King-Lu, que j'ai déjà vue un certain nombre de fois (sur grand et sur petit écran), et qui me fascine toujours autant (je pense que je suis quasiment amoureux de ce film, ou, plus, précisément du personnage de Cookie, (interprété par John Magaro), chez qui j'aime tout : son apparence, son comportement, sa quiétude, sa douceur, son phrasé, sa tessiture, et, surtout, son sourire... J'ai réalisé que je connaissais le film quasiment par coeur (dans son déroulement), même si j'y découvrais encore des choses que j'y avais pas encore remarquées... (notamment les multiples apparitions de celui par qui la fin va arriver...) Bref, deux heures de pur bonheur cinématographique (comment peut-on ne pas aimer ce film , comment peut-on le trouver ennuyeux ?). bien raconté, bien construit, bien filmé, bien tout, quoi. Pour un peu je le remettrais dans mon top10 2022...
Pour la majorité des spectateurs, il est question d'une belle amitié entre deux hommes, à contrepied de l'atmosphère viriliste / bourrine de la légende ricaine, mais je ne suis pas entièrement convaincu (A la question d'un journaliste "sont-ils gay ," la réalisatrice n'a pas répondu, en disant que "ça n'était pas ça qui l'intéressait", les deux acteurs, à la même question, ont répondu en utilisant le terme de romance..., qui en français peut se traduire par romance mais aussi par amour(s), nous voilà donc bien avancés...). Un film toujours aussi magnifique.
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KOKON
de Léonie Krippendorf
(en avant-première)
Une très jolie surprise que ce film "de filles" allemand, vu juste après FIRST COW (et je craignais un peu le chaud et froid après mon film chéri-chéri...). Ca commence fort avec images filmées au téléphone, adotes en goguette qui parlent comme des charretiers, me faisant craindre le pire (appréhender, en tout cas, la suite du film), et puis non, finalement, la réalisatrice soudain dépose (un peu) les armes, en centrant son histoire sur deux soeurs, Jule, l'ainée, et Nora, la cadette, et leur groupe de copains/copines, en été, tous ados et titillés par leurs hormones, bien sûr. Le Kokon du titre évoque les chenilles dont Nora fait l'élevage dans sa chambre (et comme je suis perspicace ohoh j'avais deviné qu'à la toute fin il y aurait un papillon... bim gagné!). Pour la jeune Nora ce sera l'été de toutes les découvertes (bonheurs et malheurs de l'adolescence), le corps et le coeur, dans un filmage élégant et tonique... Du coup non seulement je n'ai pas fermé l'oeil mais je ne bougonnais pas du tout à la sortie (comme j'aurais pu le craindre... ) Le film sortira en octobre, et il est très recommandable...
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JOYLAND
de Saim Sadiq
(en avant-première)
Dernier des quinze films proposés dans ce premier festival LGBTQI+ dans le bôô cinéma, il s'agit -carrément- de la Queer Palm à Cannes 2022 (également prix du Jury Un certain regard).Un film pakistanais (ce qui est plutôt rare) très touchant, centré sur une famille pakistanaise -assez nombreuse- donc (ça ressemble beaucoup à l'Inde, quand même, hein), et plus précisément du jeune (et joli) Haider, et de sa jeune (et jolie) épouse Mumtaz... Au début du film Haider est "homme au foyer" et cherche vaguement un job, à la fin du film il prend -enfin- un bain de mer (séquence qui nous a beaucoup fait discuter à la fin devant le cinéma, tant elle peut être interprétée doublement...). La famille, la religion, les interdits, le qu'en-dira-t'on, le désir, la morale, la problématique est assez proche de celle du film Le choix d'Ali (le film aurait pu s'intituler Le choix d'Haider, ou, tout aussi justement Le choix de Mumtaz, tant leur deux histoires sous-tendent fifty-fifty le film), mais là s'arrête la ressemblance, tant le dépaysement fait bien les choses, et la réalisation, même s'il s'agit d'un premier film, a plus de force, plus de saveur. De profondeur et d'humanité. Le film sortira fin décembre prochain