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lieux communs (et autres fadaises)
8 février 2016

jaunes

TENEBRES, TENEBRES
de John Harvey

Lue a vec beaucoup d'émotion, cette nouvelle enquête de Charlie Resnick que l'auteur annonce comme sa dernière (non non, il ne le fait pas -encore- mourir). où Charlie R. se fait embaucher par une jeune inspectrice noire pour l'aider à résoudre une affaire vieille de 30 ans, suite à la découverte du squelette d'une femme.
C'est bien construit, chapitres courts, écriture concise d'Harvey comme on les aime, et le récit alterne deux fils narratifs : l'enquête, de nos jours, et la chronique de la grève des mineurs, dans les années 80 (et la façon dont la mère Thatcher a réussi à la faire capoter), toutes deux s'acheminant chronologiquement -et inexorablement- vers leur conclusion.
Les personnages de vieux flics sont toujours touchants, surtout si, comme ici, on les a vus vieillir, de roman en roman, enquête après enquête... On s'identifie encore mieux : Charlie Resnick est à la retraite, il pense souvent aux choses du passé, il souffre (un peu, pas trop...) il quitte la pièce au moment des pubs ciblées pour les vieux, il boit des bières appétissantes... il a des états d'âme, et c'est comme ça qu'on l'aime, notre Charliechounet...

"- Charlie Resnick, j'espère que tu ne comptais pas t'éclipser sans m'embrasser, lança Barbara qui les avait rejoints.
- Ca ne me viendrait pas à l'idée.
- Prends soin de toi, grosse bête, dit-elle en le serrant dans ses bras.
- Je ferai de mon mieux.
Il n'avait pas fait deux kilomètres qu'il avait les larmes aux yeux. Le bonheur des autres, c'était parfois une sacrée vacherie."
(p144/145)

Empathie, vous avez dit empathie ?

ténèbres ténèbres

Un roman qu'on quitte à regrets, doucement, sur la pointe des pieds, surtout après avoir lu la note finale qu'y a rajouté John Harvey...

27 janvier 2016

phorie

Et pendant que je savourais Envoyée spéciale, Michel Tournier était mort.

Je l'ai beaucoup lu (et aimé) il y a longtemps.

J'avais emmené Les météores en Scandinavie (74? 76 ?)
J'avais adoré Le Roi des Aulnes, (et je ne me souvenais pas du tout qu'il avait eu le Prix Goncourt en 1970 -hihi j'étais trop jeune...)
et encore avant Vendredi ou les limbes du Pacifique.

puis il y avait encore eu les nouvelles du Coq de bruyère
et nos chemins (littéraires) s'étaient ensuite séparés

Je n'ai pas lu Des clés et des serrures, son livre sur la photographie, ni les romans qui ont suivi, allez savoir pourquoi... mais c'est quelqu'un que j'ai toujours respecté (et dont j'ai gardé tous les romans dans ma bibliothèque, ce qui n'est pas forcément le cas de chacun...)

Je me souviens du choc, de la fascination, éprouvés en lisant Le roi des aulnes, de son héros Abel Tiffauges, ses variations sur le thème de la phorie, de l'imagerie de St Christophe, (sa fascination pour l'Allemagne), et de combien j'avais été déçu par le fait qu'il soit incarné au cinéma par John Malkovich (dont je ne conteste pas le talent, mais qui me semblait manquer de "carrure" pour incarner le personnage que je m'étais figuré en lisant le roman).

Je me souviens du personnage d'Alexandre, le "dandy des gadoues", un personnage d'homosexuel "flamboyant" des Météores (et que le roman traite de la gémellité).

Je me souviens de Vendredi, et de la façon de faire pousser des mandragores...

Je me souviens que plusieurs contes du Coq de bruyère ont été adaptés (illustrés) en albums-jeunesse (Amandine ou les deux jardins, Pierrot ou les secrets de la nuit... et peut-être aussi un autre qui se passe sur/au bord de l'autoroute et dont j'ai oublié le titre)

Il est mort paisiblement, à 91 ans...

 

9782070292073 vendredi CVT_Le-Roi-des-Aulnes_4493
le-coq 6221_001 Pierrot_ou_les_secrets_de_la_nuit

Surpris, en allant fouiller dans ma bibliothèque, justement :
- En ont, incompréhensiblement, disparu Les météores
- Le roi des aulnes y est toujours,  non pas dans l'adition Folio dont j'avais le souvenir mais en collection blanche NRF, en très mauvais état (le livre tient à peine debout, tant il a, visiblement, vécu.
- La nouvelle que j'évoquais dans Le coq de bruyère était L'aire du muguet
- Je retrouve, en collection blanche NRF Le vent Paraclet et Le médianoche amoureux , que je n'ai aucun souvenir d'avoir lu(s)
- Plus de traces, non plus, de Vendredi, sur l'étagère des Folio...

24 janvier 2016

les phéromones des éléphantes du chapitre 13

ENVOYEE SPECIALE
de Jean Echenoz

Enfin! Le retour de "mon" vrai Jean Echenoz, avec un bon gros roman (de plus de 300 pages), ce qui nous change un peu de ses dernières livraisons : 3 biographies romancées, Ravel, Tesla et Zatopek, respectivement dans Ravel, Des éclairs, et Courir (je ne suis pas sûr de l'ordre), plutôt courtes et diversement plaisantes, suivies d'un 14 intéressant (touchant) mais maigrichon (124 pages au compteur (chroniqué ), et en large vision : avec la police usuelle on eut compté au max une quatre-vingtaine de pages), tout ça couronné par un Caprice de la Reine qui flirtait avec le foutage de gueule (une compilation de nouvelles moyennement intéressantes) qui m'avait à la fois déçu et irrité...

Je suis pourtant allé acheter celui-ci les yeux fermés, sans rien en avoir entendu dire, juste en en sachant la date de sortie (et je suis d'ailleurs allé presque spécialement à Besac pour ça).
Je l'ai commencé aussitôt. (Et peut-être commis au départ l'erreur de le fractionner, en n'en lisant quasiment qu'un chapitre à la fois -oui j'ai toujours des problèmes d'endormissement quasi-instantané-). Ce qui fait qu'au bout d'un moment, j'ai eu peur de me mélanger un peu dans les personnages (qui sont assez nombreux et portent chacun des noms improbablement délicieux), et j'ai donc été plus attentif, -et raisonnable- en le lisant de jour et par rasades beaucoup plus conséquentes. Chapitre par chapitre, c'était bien, mais en lecture de plus longue haleine ça devient de plus en plus plaisant, voire jouissif.
Je viens de le terminer et j'ai le sourire en le reposant, car ce livre m'a ravi. J'ai retrouvé le "ton Echenoz" qui me plaisait tant et m'avait ravi, enchanté, subjugué, etc., dans Cherokee, L'Equipée malaise, Nous trois, Au piano, Les grandes blondes, Je m'en vais (il n'y a que le tout premier, Le méridien de Greenwich, que je n'ai toujours pas réussi à lire... mais ce n'est pas faute d'avoir essayé). Il y a eu le Echenoz polar-jazzy, le Echenoz aventures exotiques, le Echenoz fantastique, le Echenoz sciences et techniques, là, ce serait plutôt le Echenoz contre-espionnage (mais n'y a-t-il pas eu, déjà, le Echenoz espionnage ?), où les aventures de Constance (le libraire des Sandales ma dit que ça lui avait fait pensé très fort à un film, le seul qui me viendrait à l'esprit serait Nikita, de Luc Besson, mais dans un traitement plus... décalé et beaucoup beaucoup plus drôle.

Oui, le contre-espionnage, c'est très mystérieux. mais, présenté par Jean Echenoz ça devient plaisant, assez drôle voire très drôle, ironiquement réaliste, tendrement cruel, lucidement rêveur, précisément flou, (les paires adverbe/adjectif pouvant chacune se permuter, je vous laisse le faire). Surtout que (si je ne m'abuse) il introduit très vite, et jusqu'au bout, dans son roman, une certaine distance -inédite si je ne me rabuse-, en parasitant régulièrement  le cours de l'action par un commentaire "extra-romanesque",  dans une adresse (un clin d'oeil) au lecteur, qu'il associe et rend complice, en utilisant un "on" (ou un "nous")  plutôt que le "je" qu'on aurait pu attendre. Si le nous est associé à la première personne du pluriel, je me souviens d'avoir appris dans ma jeunesse que "on" c'est "il" (au moins pour les accords grammaticaux). Donc je me suis demandé plusieurs fois qui donc il recouvrait : Lui-même  (Jean Echenoz) ? le narrateur (anonyme ?) le deus ex machina (idem)? le lecteur ? l'ensemble des lecteurs ?

Mais ce procédé littéraire (plutôt plaisant, il faut le reconnaître, une fois qu'on s'y est habitué) donne un peu le sentiment d'être dans une salle de montage, de voir les aventures de Constance à la fois comme un récit en train de se dérouler "normalement", mais aussi  en train d'être écrit, sous nos yeux, ce qui est moins fréquent. Et multiplie au moins par deux le plaisir du lecteur.

Jubilatoire ? Oui, oui, on peut se risquer à l'écrire. Et avoir ensuite envie de tout relire.

envoyée spéciale

 

10 janvier 2016

murat(s)

LISIERES DU CORPS
de Mathieu Riboulet

Coïncidence(s) :le premier livre de l'année est à la fois la continuité et l'exact contraire de ce que fut le dernier (Histoire de ma sexualité), et réussit parfaitement là où son "opposé" avait échoué. Deux livres chacun d'un auteur gay (et tous deux qui le revendiquent, Arthur D. à ma droite, Mathieu R à ma gauche) qui, chacun, parlent à leur façon des hommes, de la sexualité gay, et, notamment, du désir.
Cela faisait un moment que je le  lorgnais, (que j'espérais secrètement me voir offrir), mais il restait désespérément pas soldé sur Priceministruche. Et voilà qu'un vendeur (au pseudo rigolo : fordubide) a eu la bonne idée de le mettre en vente à un prix raisonnable. Aussitôt vu, aussitôt commandé.
Et aussitôt reçu, aussitôt lu. (C'est un PLJ, petit livre jaune, de chez Verdier, collection connue pour lez talents rigolatoires de ses auteurs, -je plaisante-).

Plusieurs textes courts, (six) parlant donc des hommes, de leur corps, et du désir qu'ils inspirent. ("le corps des hommes", voilà qui devrait faire sourire certains de mes vieux amis, non ?, tant ce fut pour moi un sujet d'attention et de ressassement...). J'avais déjà lu un livre du monsieur (L'amant des morts, je crois) et j'avais déjà bien aimé, sans avoir pourtant prolongé l'expérience (c'est peut--être le sujet même du livre qui m'avait gêné).

Là je dois dire que j'ai ai été tout à fait séduit.
Six textes brefs, proches mais différents (évoquer une rencontre personnelle, ou ce qui aurait pu être une rencontre, décrire une photographie, retranscrire une situation, raconter une histoire...) avec toujours en commun cette écriture  dense, travaillée, soutenue, à la fois précise et lyrique, d'une lumineuse intensité, (sans qu'on ait, à aucun moment, le sentiment que l'auteur se regarde écrire (contrairement à Arthur D.) ou souhaite nous en mettre plein la vue). Ces phrases longues, sinueuses, mouvantes, avec des incises, des virgules et des répétitions comme celles que j'aime chez, par exemple, Jean-luc Lagarce, même s'il ne s'agit pas du tout ici de théâtre, ou peut-être justement d'une théâtralisation des rencontres, d'une scénographie du désir. C'est une langue qui sait se donner (mais qui se mérite, aussi).

Un masseur dans un hamman en Turquie, un jeune revendeur de beuh, un jeune homme avec son chien, sur une photo, dans les Pyrénées, un mec avec une béquille dans un sauna de Cologne, deux acrobates, le corps d'un serbe défunt... Six corps en question (sept en réalité, les acrobates sont deux) six intensités de regard, six potentialités de contact.

"Il faut avoir la force de s'arracher de là, de quitter la splendeur, de renoncer à elle, c'est à dire de rester rivé aux longs étiages où nous a déposés le désir éveillé et l'obligation faite de ne pas le combler."
(Murat)

"Rouler le joint promis, le prétexte officiel, le charger joyeusement, ne pas regarder à la dépense, le fumer en rêvant, d'amples bouffées pour l'un, d'autres, énergiques, pour l'autre, puis virer le t-shirt, s'allonger, s'accouder, ne tenir aucun compte des cotonnades passées qui saupoudrent le lit, la fenêtre, dans un moment le sol."
(Vouloir quelque chose)

"Il est, de manière générale, étrange, décidément, que nous ne devenions pas fous, plus nombreux, plus souvent, ou sous le poids des peines, des violences, des malheurs, ou sous celui, souverain, pléthorique, insensé que le désir suscite à chaque renaissance, c'est à dire constamment."
(Le nom du soleil en quechua)

"Rien ne s'est arrêté mais une suspension a saisi certains sens,un millième de seconde, soudain c'était comme si, même en ne changeant rien, rien n'était à sa place."
(Dimanche à Cologne)

Le plaisir de lire, simplement, se redoublerait alors de celui de lire à haute voix, tant c'est une écriture musicale, rythmée, alexandrine, scandée. Stylisation magnifique du désir pour un corps masculin. Lisières du corps pourrait bien devenir un livre de chevet.Petite

lisieres_du_corps

9 janvier 2016

quéquettes

HISTOIRE DE MA SEXUALITE
d'Arthur Dreyfus

Le dernier livre lu en 2015.
Je le guignais depuis un moment, mais Gibertuche ne se décidait pas à le solder, et voilà que passant en coup de vent chez Boulinier-près-des-Halles (où officie d'ailleurs désormais un voluptueux barbu aux cils de gazelle) je le découvre au rayon des "derniers arrivages" qui me fait de l'oeil pour 5€. Je l'achète donc illico et je l'entame dans la foulée. Très vite, bien que l'ayant feuilleté déjà maintes fois auparavant, je trouve que ce n'est pas si passionnant que ça. (Pas si croustillant, sans doute, que je l'espérais... j'avais fantasmé un vol-au-vent sublime et je me retrouve avec un truc moyennement savoureux). La forme m'avait séduit (des fragments mis bout à bout, tout à fait comme j'aime) sauf que ces fragments ne parlent pas tant que ça de la sexualité de l'auteur, comme semblerait l'indiquer le titre (et c'est quand même bien ce qui m'avait attiré...), ils parlent surtout de son enfance, et des relations qu'elle a pu avoir avec la sexualité, ils parlent aussi, pas mal, de Lyon et des raisons qu'a l'auteur de l'abhorrer, et ils parlent surtout de ce livre-même, qui est en train de s'écrire, et qui s'intitule Histoire de ma sexualité, (avec en plus petit, au-dessous, la mention roman) où figurent les innombrables interventions des (presqu'aussi) innombrables amants /amis / les deux / ou autre chose / de l'auteur, auxquels il a eu l'idée d'attribuer (à chacun) un petit surnom qui le résume et le qualifie (Travesti, Persan, jeune Homme, Jean d'oubli, Fou d'enfance, Matelot...). Ca permet de s'y retrouver un peu. Ca aurait du s'appeler Histoire de mon enfance (et des effets qu'elle a eu sur ma sexualité), ou, mieux, Histoire de Histoire de mon enfance, etc.
C'est vrai que je m'attendais à (j'espérais) quelque chose de beaucoup plus costaud (épicé). De plus extrême (les Tricks de Camus, le Paysage de fantaisie de Duvert), ou de beaucoup plus raffiné (Le livre des regrets, de Jacques Drillon). Une somme. C'est, finalement, un petit vent. C'est "familial", assez mondain, plutôt parisien (artiste, etc.), un poil "moi je", un soupçon sensationnaliste...
Il est beaucoup question d'artiste, d'artistique, d'artistisme, d'artistité, plutôt que de sexualité (si quelqu'un veut bien m'expliquer le sens de cette phrase que je viens d'écrire, qu'il ait la gentillesse de me le faire savoir...)
J'ai trouvé ça décevant, oui. même s'il faut reconnaître que le monsieur écrit bien (et qu'il le sait) et que quelques pages se révèlent particulièrement réussie (excitantes, mais pas que).
Je vais donc lire La synthèse du camphre, du même auteur, que d'aucuns classent comme bandantissime pour me faire une idée...

Histoiredemasexualite

 

 

22 novembre 2015

éclat dans l'oeil

SNOW QUEEN
de Michael Cunningham

J'avais failli l'acheter (fort cher, au moins 13€!) à la FAL, et je m'étais repris à temps, vérifiant le soir même qu'il était deux fois moins cher sur pr*ceminister (et le commandant donc aussi sec).
Michael Cunningham, je l'ai découvert avec Les heures, dont je suis tombé amoureux, puis j'ai lu La maison au bout du monde et De chair et de sang, que j'ai beaucoup beaucoup aimé. Du temps a passé, et quand le suivant est sorti, Le livre des jours, je l'ai acheté et lu illico (tiens c'était du temps de ma cervicotomie), et déchanté idem : ce fut une énorme déception. Peut-être l'hôpital me rendait-il grincheux, mais j'ai trouvé ça faiblard facile (et systématique me semble-t-il, je ne saurais plus expliquer pourquoi, de toute façon ne me reste de ce roman que l'image atroce de dizaines d'ouvrières aux robes en feu sautant par les fenêtres de leur atelier dont les portes ont été condamnées).
J'ai tout de même ensuite acheté le suivant, Crépuscule, dont je n'ai aucun souvenir, (et pour cause, je l'ai trouvé rangé dans ma bibliothèque avec un marche-pages bleu fiché aux environs de la quarantième page...)

Allez savoir pourquoi (le bénéfice du doute ? et la sympathie inexplicable que m'inspire le bonhomme), j'ai donc commencé Snow Queen. Et j'ai trouvé ça plutôt... plaisant, puis agréable, voire, très agréable, avec certaines phrases qui me plaisaient énormément, voire des paragraphes... Le plaisir retrouvé, quoi, même si, inexplicablement, malgré le fait que je trimballais le bouquin partout avec moi, il est advenu que j'en ai morcelé irraisonnablement la lecture. La première partie s'y prêtait, qui n'était constituée que de chapitres très brefs commençant chacun par UNE PHRASE EN MAJUSCULES. Mais lorsque je le prenais le soir, je ne pouvais en lire que peu, et pendant très très longtemps je me suis emmêlé dans les deux personnages principaux, Tyler et Barrett, deux frères qui habitent ensemble, avec la même femme, Beth, qui est en train de mourir doucement du cancer.

Je me désespérais de ne pas parvenir à en lire plus que quelques pages à la fois (oui, je sais, je n'ai pourtant pas grand-chose d'autre à faire de mes journées, hein, les esprits chagrins) mais peut-être en même temps avais-je envie que cela durasse (je sais ça n'existe pas, mais c'est plus joli que durât, non ?) ainsi plus longtemps. Et quand est arrivé un trèèèès long chapitre je me suis posé dans mon canapé (enfin façon de parler, je me rappelle très bien où j'étais mais je ne vais pas vous le dire en vrai ici) et je l'ai lu jusqu'au bout, et j'ai enchaîné sur la -plutôt très triste- partie suivante, et je ne me suis presque plus arrêté, et c'est vrai que c'est beaucoup mieux comme ça. D'une traite.

C'est très Cunningham, new-yorkais, bobo, avec de la neige dans Central Park, les petites rues du Lower East side (que j'ai eu le plaisir de moi-même arpenter voici trente ans et -argh!- des brouettes), une boutique où on vend des choses vintage et très chères, de la cocaïne qu'on sniffe en douce, une chanson qu'on essaie d'écrire, une cohabitation idéaliste (idéalisée ? le triangle amoureux est habituel chez M.C), et une apparition lumineuse et nocturne (dont il sera question tout au long du roman), sorte de mcguffin fluorescent que les personnages se renvoient affectueusement comme une patate chaude. Avec, en plus, un clin d'oeil amical à La Reine des neiges d'Andersen, conte qui était particulièrement cher à mon coeur depuis l'enfance, avant qu'on en fasse un film Disnuche une comédie musicale un spectacle de patinage et que sais-je encore et que ça commence vraiment à me casser les oreilles et le reste...

reste un roman très agréable, quelques passages magnifiques, à recopier (surtout sur l'amour, le désir, le temps qui passe, et autres sujets réjouissants) avec un petit cristal fiché dans l'oeil (ce fameux fragment du miroir brisé de la reine des neiges qui me faisait tant délirer quand j'étais plus petit -oui oui, j'ai un jour été plus petit-).

30 octobre 2015

rêves

Je lis en ce moment avec délectation des récits de rêves de Philippe Jaccottet, dans La semaison III.
J'ai pris ce livre parce qu'il était rangé dans le rayon NRF de la bibliothèque dans l'escalier, parce que j'y cherchais un autre NRF, Comptine des Height, de Jean Lahougue, que j'étais sûr d'avoir acheté (et d'avoir lu) il y a longtemps, mais que je n'ai pas trouvé (je le cherchais parce que, en faisaint une recherche sur la liste des différents Prix Médicis, je venais de lire qu'il avait refusé en 1980 le celui qu'on lui avait décerné). Je n'ai pas retrouvé ce roman sur le rayon, dommage, mais je suis tombé sur les deux livres de Jaccottet côte à côte, La semaison, et Les Carnets 95-98 (La Semaison III).

La semaison m'est particulièrement cher puisqu'il s'agit de son exemplaire à lui propre que mon ami Philou m'a offert, pour mes cinquante ans me semble-t-il. Et j'avais du trouver les Carnets sur un site marchand du ouaibe, je les y avais donc achetés, mais, allez savoir pourquoi (sans doute ce réflexe d'écureuil à l'approche de l'hiver qui entasse qui entasse, je l'avais juste rangé sur l'étagère juste à côté de son grand-frère (j'ai rangé tous mes nrf ensemble) en me disant que je le lirais plus tard. Quand la bise serait venue.)

Et voilà donc que je l'ai pris, un peu par hasard, et ouvert un peu par hasard aussi (j'aime beaucoup les livres de fragments, les carnets les journaux je l'ai déjà dit). Là ce sont  des textes plus ou moins courts, rangés par année et par mois, comme un éphéméride d'écriture. P. Jaccottet y écrit relativement peu (vu le nombre d'années que cela représente), sur la nature -le paysage, les fleurs (il est pour le moment souvent question de liserons)-, sur d'autres écrivains et/ou poètes, et surtout il raconte des rêves.

Et ça me passionne, les gens qui racontent leurs rêves (j'en avais d'ailleurs commencé une collection). Le premier (le plus beau ?) fut La boutique obscure, de Georges Perec. J'en ai relativement peu, dans ma collection, mais ce qui m'a plu ici, et particulièrement frappé, c'est que j'y ai trouvé des similitudes avec les miens propres. Des thèmes qui reviennent : le sentiment d'égarement (être perdu dans un espace changeant), la mise en place de lieux démesurés, la crainte par rapport à l'hostilité réelle ou supposée (chez Jaccottet ce sont surtout des jeunes gens qui sont objets d'appréhension, chez moi c'est en général quelqu'un de plus âgé).

12 octobre 2015

foire aux livres 2015

étranges loyautés  bigman
deux polars de William Mc Ilvaney (2,50€ + 2,50€)
(une édition originale et une réédition)

ce-que-jappelle-oubli_laurent-mauvignier v_2707300950
deux bouquins de chez Minuit (1,50€ + 3€)
(un plutôt récent et un très vieux)

sur la mer 1508-1
deux tout petits livres (0,50€ +1€)
(un inconnu et un connu)

l'assujetti
un roman qui m'a sauté dans les mains (2€)
(un pas cher vu l'état impeccable)

Francais-chose-couv
un vieux manuel de lecture et de leçons de choses (1,50€)
(un qui avait l'air en meilleur état qu'il ne l'était réellement)

total : 14,50€

j'ai reposé Naissance d'un pont (de Maylis de Kérangal) à 6€ (trop cher!) Chien (de Samuel Benchetrit) à 11€ (trop cher!) et un recueil de nouvelles de Lawrence Block (12€, trop cher!)

11 octobre 2015

le cake et le quatre-quarts

L'IVROGNE ET L'EMMERDEUR
de Georges Hyvernaud

Georges Hyvernaud fut une grande découverte, grâce au bouquiniste de V. qui en avait deux en rayon (La peau sur les os et Feuilles Volantes) que j'achetai illico et qui me marquèrent suffisamment pour que je me mette en chasse pour dénicher l'oeuvre complète en quatre volumes (la réédition, au Dilettante, avec une jaquette atroce, mes phynances ne me permettant pas l'édition précédente chez Ramsay) Me restaient donc deux volumes de lettres. J'ai acheté Lettres de Poméranie il ya un certain temps déjà (lettres de captivité), et ne me manquait plus que celui-ci, les lettres à sa femme avant la captivité (39/40) quand il vient d'être mobilisé comme lieutenant pour superviser des creusages de trou et des faisages de route.
Deux ans de lettres quotidiennes (parfois même plus d'une par jour) envoyées à son épouse Andrée (c'est d'ailleurs elle qui en a supervisé l'édition). (On n' y a que ses lettres à lui, c'est donc une demi-correspondance) mais dont la précision permet de combler les vides (on n'a que les questions, et on doit deviner les réponses -parfois  le contraire-) et tout ça est extrêmement touchant.
La séparation géographique, parfois comblée lors des permissions (où la trame épistolaire subit des accrocs), la relative inaction le soir dans sa chambre (les gradés sont en effet, visiblement privilégiés et bénéficient de logement -plus ou moins agréables- chez l'habitant) donnent à Hyvernaud l'occasion d'écrire de longues lettres détaillées, attentionnées, décrivant ses journées, son hébergement, les gens qu'il côtoie, mais renvoyant aussi à son épouse des éléments de sa vie à elle, qu'elle lui a écrits ou qu'ils ont vécu ensemble lors de ces fameuses permissions entre parenthèses.
La guerre est là, mais presqu'à la périphérie, elle gronde en sourdine.
L'ivrogne et l'emmerdeur du titre n'ont rien à voir avec le couple Hyvernaud (comme j'ai pu le craindre tout au début) mais sont les surnoms donnés à deux supérieurs successifs d'Hyvernaud lors de ces deux années de travaux publics. Sur lesquels il s'acharne avec délectation (le deuxième est "Bouvard et Pécuchet à lui tout seul"). Il nous évoque les lieux, les gens, les événements, qui l'ont fait sourire, ou agacé, ou indigné. Il y a un aspect pourtant très british dans les lettres de Georges H. (sa femme est prof d'anglais, mais cela n'explique pas tout), ambiance five o'clock tea, où le flegme et la retenue créent une imperceptible distance.
Les conditions ne sont pas aussi affreuses que celles de la captivité ultérieure telle qu'elle sera décrite dans  les Lettres de Poméranie, ou "romancée" dans La peau et les os (un bouquin essentiel, je le répète) : Hyvernaud souffre du froid, de l'éloignement avec se femme et sa fille, de l'obéissance dûe à des supérieurs imbéciles, de la dégradation des conditions de vie, mais il est, pour l'instant, encore libre. Ses soucis majeurs concernent les dates des prochaines permissions, les souhaits pour le contenu des prochains colis, il s'agit quand même d'une situation très favorisée, par rapport au quotidien des poilus dans la gadoue (ce qui n'enlève aucune valeur à l'ouvrage, je dois le préciser). C'est très émouvant de percevoir , sur et entre les lignes, autant d'amour, au quotidien, répété jour après jour au fil de ces lettres qui étaient devenues pour l'un comme l'autre quelque chose de primordial, d'essentiel, de vital.

hyvernaud

29 septembre 2015

le renard qui dort sous la branche

L'ANNEE DU SOULEVEMENT
de Hubert Mingarelli

Lu après La promesse, et celui-ci a un peu souffert de la comparaison.
Deux hommes (un plus âgé, Cletus, et un plus jeune, Daniel), des "insurgés", qui se sont révoltés contre l'armée, dans un pays indéterminé, ont la charge d'un prisonnier (un militaire) nommé San-Vitto. Ils l'escortent jusqu'à un endroit, dans la montagne, où d'autres viendront le chercher pour l'interroger, et, probablement, l'exécuter.
Les voilà tous les trois dans la montagne, à côté d'une maison abandonnée à moitié écroulée, à attendre que "les autres" arrivent. La nuit tombe. En attendant, ils parlent...
Aucun personnage féminin (sauf une, dans un souvenir -ou dans un rêve ?-) ici pour venir distraire les relations et les tensions (et parfois aussi les apaisements) entre ces trois hommes. (Et beaucoup moins de sentiments "positifs" entre eux aussi que, par exemple, dans La promesse). Il y a les deux qui sont du "bon côté du fusil" qui s'asticotent (c'est surtout Daniel, le jeunot, qui revient régulièrement à la charge.) et, en face San-Vitto, dont on ne saura finalement pas grand-chose.
Cletus est celui des trois que l'auteur détaillera le plus précisément (des mots, des souvenirs, un rêve), il est le centre de gravité du livre, et on peut regretter que les deux autres restent assez flous, quasiment à l'état d'esquisses.
La maison au toit cassé évoque celle du Voyage d'Eladio (et, finalement, les "insurgés" recomposent, avec San-Vitto, le même genre de trio que celui du poignant Un repas en hiver). Mais se jouent entre eux des choses moins fortes, moins vitales.
Un fusil, un fauteuil, un paquet de cigarettes. voilà pour les accessoires. et pour ce qui est des animaux, une jument dans la nuit et un renard (dans un souvenir). Et des sapins, dans le même souvenir
Le petit théâtre de Mingarelli est prêt à fonctionner (il y aura, comme d'habitudes, des moments magnifiques qui font résonner à l'intérieur de vous on ne sait trop quelle corde sensible, et on aime le son que ça produit et la façon dont ça se répercute.) Ce qu'on demande, ce qu'on a fait, ce qu'on ne dit pas, ce qu'on ne comprend pas, ce qu'on refuse... les mots vont et viennent entre les trois. je crois que le souvenir de La promesse était encore trop frais, son ombre portée encore trop présente pour que je puisse complètement me laisser aller à celui-là.
Il y a le présent, entre les trois hommes, qu'on suit linéairement, et parfois, accidentellement, des bribes de passé. Des fragments ciselés, , magnifiques, mais comme posés là. Le sentiment diffus que les différents morceaux ne "s'emboîtaient pas" vraiment.
Et la fin de l'histoire (enfin, l'avant-fin, puisque le tout dernier chapitre ne relève pas de la même chronologie) est à la fois très touchante et très frustrante, à la façon dont elle escamote subrepticement deux personnages sur trois.
On reste sur sa faim légèrement, peut-être, mais, ce Cletus, on aurait envie de le connaître mieux, de l'accompagner (comme beaucoup de personnages de Mingarelli.) De regarder les sapins, de penser à la neige, d'allumer une cigarette avec lui sous la pluie, même si on a depuis bien longtemps arrêté de fumer...

images

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