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lieux communs (et autres fadaises)

1 avril 2017

mars 2017

1er mars (à la Poste)
Une lettre postée à Vesoul, à destination de Vesoul, qui met cinq jours pour aller à Dijon, puis cinq autres pour en revenir (délivrée, donc, 10 jours plus tard)
2 mars (Saulon)
J'entends parler pour la première fois du "familistère de Guise", duquel tous les autres, autour de la table, semblent pourtant familiers
3 mars (Grattery)
Comme les enfants qui rentrent de l'école, j'ai bâclé les devoirs (langue des signes) pour pouvoir jouer
4 mars  (au Super U)
Le monsieur devant moi avait acheté une splendide orchidée fuchsia qu'il avait posée sur le tapis roulant et qu'il était obligé de maintenir de la main pour éviter qu'elle ne bascule à chaque avancée du tapis.
5 mars (TLMVPSP)
Les quatre candidats (trois filles et un garçon) ont répondu à la question, en dessous de chacun d'eux apparaît sa réponse : soit "dinde" en dessous de chacune des trois filles, et "dindon" en-dessous du seul garçon du groupe.
6 mars (avec Marie)
le fait de gagner la dernière partie de scrabble génère suffisamment de dopamine pour faire aussitôt oublier les trois tôles que je me suis prises avant.
7 mars (en rentrant des Baties)
le plaisir d'entendre soudain Will you dance par Rodolphe Burger, Philippe Poirier et Julien Parrenaud, et de trouver ces guitares caressantes (soyeuses) parfaitement en accord avec l'instant
8 mars (au téléphone et par mail)
Difficile à finaliser, elle fut, cette Semaine Latino 6 (toujours un petit détail qui coinçait)... Adios Mai Morire (heureusement Zabetta était là...)
9 mars (chez moi)
Pépin a dit "jonquilles" j'ai répondu "narcisses". Il avait peut-être raison, finalement.
10 mars (en voiture entre Frotey et Coulevon)
Soleil. Baisser la vitre côté chauffeur, pour la première fois de l'année, parce qu'il fait "trop chaud".
11 mars (à la boulangerie)
La vendeuse m'a demandé si je préférais "en grandes tranches" (latéralement) ou en petites tranches (longitudinalement), pourtant je réalise  après coup qu'elle a finalement opté pour "tranches moyennes" (obliquement).
12 mars (panneau électoral)
Depuis ma fenêtre, j'ai vu ce jeune barbu arrêter sa voiture juste devant et en sortir des affiches qu'il colle, rapidement. Je me demande de quel parti il est question. Je l'apprend un peu plus tard : il a collé pour le Forum des Migrants. Très bien, ce jeune homme...
13 mars (cuisine)
J'ai fait une soupe que j'ai trouvée pas bonne : endives, oignon, patates et betteraves (je n'avais plus de fenouil) : à la fois sucrée et amère (beurk)
14 mars (parking)
Le livreur de patates a encore changé de remorque (mais se laisse faire toujours d'aussi bonne grâce)
15 mars (à l'Espace)
A la fin du spectacle, sur scène, tout se démantibule, l'écran, la rampe de projos (mais c'est fait exprès)
16 mars (en sortant du cinéma)
Le soleil et la chaleur "en vrai" étaient raccord avec ceux du film (Corniche Kennedy)
17 mars (Grattery)
Tirer le brigand au dernier coup et proposer "chimie" parce qu'on a composé le mot méthylène (cette phrase ne peut être comprise que par assez peu de gens, je pense)
18 mars (chez moi)
Un très joli sac, offert par Emma, qui représente un ours blanc vautré sur le mot DEMAIN, en majuscules, avec au dessus de lui les mots Je le ferai (elle me connaît bien...)
19 mars (printemps du cinéma)
Le hall était plein. Vraiment plein (il y avait même des gens qui faisaient la queue dehors). A 16h05, n'ayant pas avancé d'un pouce, j'ai pensé que je ne pourrais jamais être dans la salle à l'heure de début du film, et j'ai donc, fort dignement, fait demi-tour pour sortir, la tête haute.
20 mars (dans la cave)
Le nouveau livreur de fuel (intercepté au vol chez le voisin d'en face) ne gueule pas tout le temps ni n'émet d'opinions racistes. Deux bonnes raisons de le garder!
21 mars (dans la cuisine)
Le jean troué du jeune chauffagiste venu réparer la chaudière, vu de dos pendant qu'ils se lavait les mains, attendrissant
22 mars (sur cam4)
Ces deux mecs qui retapent un appartement moscovite (papiers, peinture, plancher, éclairage) et qui finissent par bosser à poil, ce que je trouve presque hypnotisant
23 mars (dans le frigo)
Un peu d'odorat (et de goût) tout à coup réapparus me font apprécier le chou-fleur aux épices que je mangeais pourtant depuis hier sans en distinguer pourtant les saveurs
24 mars (?)
Il me semblait pourtant bien avoir écrit quelque-chose, le 24 au soir, mais le lendemain  je n'ai plus rien retrouvé, peut-être ai-je juste oublié de l'enregistrer (mais peut-être aussi de l'écrire)
25 mars (plates-bandes)
J'ai à peine désherbé une petite heure, et je me sens moulu comme si je venais de courir le marathon de New-York
26 mars (dehors)
le plaisir de voir le premier bourdon de l'année, bourdonnant avec insouciance alors qu'il n'y a encore pas grand chose à boulotter pourtant
27 mars (LSF)
Ca y est! On a appris à signer pipi et caca (passage obligé de tout apprentissage linguistique)
28 mars (parking)
Un vieil homme apparaît, et vient se superposer avec le personnage de vieil homme dans la nouvelle de Lorrie Moore qu'on est justement en train de lire
29 mars (dans le tram à Besac)
Mon jeune voisin de gauche laisse entrapercevoir par la déchirure de son jean slim noir un genou droit de sauterelle
30 mars (au bar du ThéV')
Philippe Z. m'avait dressé, à la fin du spectacle, un topo succinct sur la carrière du musicien live (que je ne connaissais pas du tout) que j'avais beaucoup apprécié sur scène, topo qui m'a été fort utile lorsque j'ai eu l'occasion, quelques instants plus tard, de féliciter ledit musicien et d'évoquer sa carrière...
31 mars (devant chez moi)
Suite de la série "observation scrupuleuse des plates-bandes" : aujourd'hui la première tulipe

30 mars 2017

bestioles

078
AMERICAN HONEY
d'Andrea Arnold

2h43, séance à 20h30... Comme a dit Romain à la caisse "Vous n'êtes pas couchés...". Et sans doute la durée a-t-elle effrayé quelques clients potentiels car on était peu dans la petite salle 1 du bôô cinéma. C'est le quatrième film d'Andrea Arnold, et le quatrième qu'on programme (après Red Road, Fishtank, et Wuthering Heights). Le film est passé à Cannes 2017, y a raflé le Prix du Jury (le troisième pour la réalisatrice!) et une critique... partagée, disons (de ***** à *, tout l'éventail de notes y est, de façon assez équilibrée).
Dans ses deux premiers longs métrages, la réalisatrice a été repertoriée "cinéma social britannique" : histoires de prolos, de familles dysfonctionnelles, de grisaille, de fins de mois difficiles et de de bières et de clopes... ici on est de l'autre côté de l'Atlantique, donc moins de crachin et de fish and chips, mais question familles dysfonctionnelles et white trash, on n'est pas vraiment dépaysé.
Une jeune fille, Star, que la scène d'ouverture nous présente fouillant dans les poubelles de supermarché pour y récupérer de la bouffe, en compagnie de deux enfants, qu'on suppose être les siens, ou (on en a discuté à la sortie) ceux de sa mère, mais qui s'avèrent être ceux de sa soeur. Qui danse la country en compagnie de son copain tatoué. A qui elle va les refiler (même si l'autre n'est pas très chaude) avant de se barrer rejoindre Jake, un type chelou qu'elle a croisé la veille, dans un minibus surpeuplé, et dont elle est tombée amoureuse. (On la comprend un peu, le Jake en question étant joué par Shia La Beouf, dont je suis toujours incapable de prononcer le nom, et dont on a du mal à distinguer les frasques dans la vraie vie et celle de ses personnages dans les films mais que je trouve assez, disons le mot... bandant).
Star se barre, et le film démarre vraiment, pour moi, à ce moment-là (le prélude family life étant légèrement indigeste pour moi) à partir du moment où on monte avec elle dans le van. On s'est déjà habitué au format inhabituel du film (celui qu'aime aussi Kelly Reichardt, presque carré), à la musique (la bande-son est très impressionnante) et on fait la connaissance des jeunes gens bruyants et rigolards qui y cohabitent (et vont de ville en ville pour faire du porte-à-porte (en vendant des magazines) sous les ordres d'une chef des ventes qui n'a pas l'air commode.)
2h43 juste pour ça ? Oui oui, et on ne les sent pas passer (ou si peu). C'est vrai que ça pourrait très vite être répétitif (le bus le matin, les clients la journée et la teuf le soir) mais c'est filmé de telle manière qu'on y reste scotché. Andrea Arnold a un certain génie pour glisser régulièrement une image, un plan, sublimes, dans ce qui pourrait n'être qu'un récit somme toute planplan de road-movie un peu déjanté dans une Amérique qui l'est tout autant. C'est un film de gens, essentiellement, et le qualificatif - bateau- d'entomologiste à propos du regard que la réalisatrice porte sur ses personnages se justifierait ici, et même à double titre, puisqu'apparaissent, tout aussi régulièrement que la bite qu'un des personnages se plaît à exhiber, des insectes, papillons et autres hyménoptères, dont la jeune fille, Star, se plait à faciliter la vie (voire la sauver).
On était peu dans la salle, je l'ai dit, mais presque tous nous sommes dit, à la sortie, combien le film nous avait plu, combien il nous avaient touchés, fascinés, émerveillés... American Honey fait partie de ces films où ce qu'on raconte est moins important que la façon dont on le raconte. De l'amour amer (à défaut de l'être à mort), des kilomètres, des rencontres (la scène dite "des texans" ou celle de l'ouvrier du pétrole) des  biffetons qui changent régulièrement de main,et même... des cris de loup (Wououououh!). Saluons donc le film comme il le mérite : en hurlant à la lune tout en regardant deux abrutis alcoolisés se flanquer une peignée (si si, à la lueur d'un bon feu de camp, je vous assure, ça a son charme...)

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29 mars 2017

rien n'est jamais parfait 3

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Grande Rue

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devant le cinéma

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panneau électoral

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au-dessus de la boulangerie

28 mars 2017

rien n'est jamais parfait 2

(au téléphone)

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avant la Grande Lessive ®

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devant chez le boulanger

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à l'entrée du village

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vieille banane un jour de pluie

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encore en longeant l'immeuble

27 mars 2017

d'accord mais de mort lente

(je voulais en extraire un quatrain pour les "événements minuscules", mais c'est trop bien d'un bout à l'autre, et je vous l'y mets donc en entier)

Mourir pour des idées
L'idée est excellente
Moi j'ai failli mourir de ne l'avoir pas eue
Car tous ceux qui l'avaient
Multitude accablante
En hurlant à la mort me sont tombés dessus

Ils ont su me convaincre
Et ma muse insolente
Abjurant ses erreurs se rallie à leur foi
Avec un soupçon de réserve toutefois
Mourons pour des idées, d'accord, mais de mort lente
D'accord, mais de mort lente

Jugeant qu'il n'y a pas
Péril en la demeure
Allons vers l'autre monde en flânant en chemin
Car, à forcer l'allure
Il arrive qu'on meure
Pour des idées n'ayant plus cours le lendemain

Or, s'il est une chose
Amère, désolante
En rendant l'âme à Dieu, c'est bien de constater
Qu'on a fait fausse route, qu'on s'est trompé d'idée
Mourons pour des idées, d'accord, mais de mort lente
D'accord, mais de mort lente

Les Saint Jean bouche d'or
Qui prêchent le martyre
Le plus souvent d'ailleurs, s'attardent ici-bas
Mourir pour des idées
C'est le cas de le dire
C'est leur raison de vivre, ils ne s'en privent pas

Dans presque tous les camps
On en voit qui supplantent
Bientôt Mathusalem dans la longévité
J'en conclus qu'ils doivent se dire
En aparté, "Mourons pour des idées, d'accord, mais de mort lente
D'accord, mais de mort lente"

Des idées réclamant
Le fameux sacrifice
Les sectes de tout poil en offrent des séquelles
Et la question se pose
Aux victimes novices
Mourir pour des idées, c'est bien beau mais lesquelles?

Et comme toutes sont entre elles ressemblantes
Quand il les voit venir
Avec leur gros drapeau
Le sage, en hésitant
Tourne autour du tombeau,
"Mourons pour des idées, d'accord, mais de mort lente
D'accord, mais de mort lente"

Encore s'il suffisait
De quelques hécatombes
Pour qu'enfin tout changeât, qu'enfin tout s'arrangeât
Depuis tant de "grands soirs" que tant de têtes tombent
Au paradis sur terre, on y serait déjà

Mais l'âge d'or sans cesse
Est remis aux calendes
Les dieux ont toujours soif, n'en ont jamais assez
Et c'est la mort, la mort
Toujours recommencée,
Mourons pour des idées, d'accord, mais de mort lente
D'accord, mais de mort lente

Ô vous, les boutefeux
Ô vous les bons apôtres
Mourez donc les premiers, nous vous cédons le pas
Mais de grâce, morbleu!
Laissez vivre les autres!
La vie est à peu près leur seul luxe ici-bas

Car, enfin, la Camarde
Est assez vigilante
Elle n'a pas besoin qu'on lui tienne la faux
Plus de danse macabre
Autour des échafauds,
Mourons pour des idées, d'accord, mais de mort lente
D'accord, mais de mort lente.

Georges Brassens

27 mars 2017

diapositives

077
SAGE FEMME
de Martin Provost

La bande-annonce faisait envie (Deneuve / Frot / Gourmet / Dolmaire). A la sortie, Emma a entendu nos voisines qui disaient "C'est bien joué, la musique est belle...". Oui, mais...
Oui, voilà...
Ce qu'on avait compris dans la bande-annonce (Une femme est recontactée par l'ancienne maîtresse de son père, qui s'est suicidé suite à son départ. Cette femme est sage-femme, elle a un fils et un ami/copain/amant qui est chauffeur routier. La "revenante" est du type fofolle (elle auraît pu être jouée par Maria Pacôme), alors que la sage-femme est plutôt du genre coincée, les relations entre les femmes sont tendues au début, mais deviennent ensuite plus complices et joyeuses...) se confirme à peu près exactement au fil du film. Un élément important n'y avait pas transparu, qui concerne Béatrice, le personnage joué par Deneuve, mais il n'est ni le plus intéressant ni le plus finement exploité.
Les voisines avaient raison, c'est très bien joué ; face à une Deneuve impériale, Frot ne démérite pas dans un personnage qui s'entrouvre doucement à la vie, et on n'aura jamais vu Gourmet aussi souriant joyeux et rassurant. Trop peut-être. Les acteurs, aussi excellents soient-ils, ne peuvent finalement en faire davantage que ce que le scénario leur permet (ou le metteur en scène). La frivole (l'épicurienne), la tristoune (la stoïque) , et le gentil (le nounours) restent assujettis à leurs rails narratifs jusqu'au bout et le propos en souffre.
Propos qui relève d'ailleurs assez souvent du style fil blanc et gros sabots (et grosses ficelles aussi). On aurait aimé qu'avec de tels stradivarius la musique en fût plus grande. On espérait Bach et on a du Paul Mauriat. On reste sagement dans la comédie dramatique, un coup je ris un coup je pleure, entre mélo (oh les pertes d'équilibre et les silences soudains) et roman-photo (aïe la séance de diapos). Le seul personnage qui évolue est celui de la sage-femme (qui devient, le générique nous le souligne dès le départ, une femme sage) mais elle le fait avec une démesure un peu simpliste, du tout au tout, au départ drapée dans un quasi mormonisme rigoriste (pas de viande, pas d'alcool, pas de clope, pas de zigzig, le travail le travail rien que le travail -on en voit naître au moins quatre ou cinq, de ces bébés-) et qui  finit, les cheveux défaits, bouteille à la main, vautrée nue avec son chéri dans sa cabane de jardin ("Tu veux des courgettes ? Elles sont excellentes...").
Rendons grâce au réalisateur d'avoir su ne ne pas nous  infliger "la" scène finale qui s'annonçait, (et aurait pu virer lourde et racoleuse), et de terminer son film, au contraire, sur une image superbe (la barque...).
Oui, voilà, c'est bien joué, la musique est belle, on ne s'ennuie pas, mais mais mais...

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26 mars 2017

on verra

076
UN LEVER DE RIDEAU
de François Ozon

(Merci Uncut!) Une forme courte (28') de François ozon, avec Mathieu Amalric, Luis Garrel, et Vahina Giocante. Un huis-clos, dans un appartement bourgeois, entre deux amis dont l'un attend sa chérie qui a déjà une demi-heure de retard. un dialogue très écrit (on pense à Beaumarchais, mais c'est une adapation de Montherlant), très bien mis en forme. Sur l'amour, ses servitudes et ses grandeurs. Quand la demoiselle arrive, elle est accueillie par l'ami du soupirant (ledit soupirant est dans la salle de bains où il se préparait à partir définitivement, la belle ayant dépassé la durée fatidique de trois-quarts d'heure qu'il avait fixée comme limite ultime, Rubycon à ne pas franchir. il partira, mais pas immédiatement, non sans une explication avec la jeune fille, avant un épilogue, toujours aussi écrit, entre les deux amis.
C'est plaisant, bien joué, bien troussé, bien costumé, bien repassé...
Voilà, que dire d'autre ?

Un lever de rideau : Affiche

 

25 mars 2017

brindille

075
LOVING
de Jeff Nichols
Printemps du Cinéma : lundi 11h, cette fois j'ai réussi à entrer dans la salle (contrairement à dimanche 16h). Un film que j'ai trouvé magnifique, et dont on se demande pourquoi il est passé inaperçu à Cannes. Joel Edgerton (qui m'avait déjà tapé dans l'oeil lors du précédent film de Nichols) et Ruth Negga (c'est elle, la Brindille du titre de ce post) s'aiment, elle est enceinte, il la demande en mariage au milieu du terrain qu'il a acheté pour y bâtir leur future maison, et ils vont se marier en douce à Washington "parce que là-bas il y a moins de paperasse". Et tout va bien, vive l'amour et tout ça.
Sauf qu'eux habitent en Virginie, et qu'en Virginie, pas question de couples mixtes. Les blancs avec les blancs et les noirs avec les noirs parce que "si dieu avait voulu que les races se mélangent, ils les aurait mises ensemble" (comme l'explique, finement, le juge qui les condamne.) Car les voilà arrêtés, mis en cellule, en pleine nuit par les flics du cru. Et comme le juge est un pote de leur avocat (car ils se sont décider à en appeler un) il ne les condamne qu'à un an de prison, suspendu à condition qu'ils acceptent de ne pas revenir ensemble dans l'état (de Virginie) pendant les... 25 prochaines années! Que les hommes sont donc cons lorsqu'il rédigent des lois, des régles, des règlements, des règlementations, des règlementationnements, etc. )
Eux qui, comme on dit dans les romans "n'aspirent qu'à un bonheur simple", les voilà en butte aux tracas administratifs, et voilà que de nouveaux avocats s'en mêlent, et les médias, et Life magazine, au fil de leur épopée judiciaire, jusqu'à l'arrivée devant la Supreme Court, où ils ne se rendront pas d'ailleurs...
Comme d'habitude, c'est magnifiquement filmé. Et on ne peut pas s'empêcher de repenser à d'autres films de Jeff Nichols. Lorsque Francis, debout devant sa maison face à l'obscurité attend farouchement "quelqu'un" (ou quelque chose), je n'ai pas pu m'empêcher de revoir Michael Shannon, à la fin de Take Shelter. (Michael Shannon, d'ailleurs, qui est à Nichols ce que Joaquin Phoenix est à James Gray, on l'attend, on se demande pendant un certain temps où il est donc passé, et si le réal' a fait sans lui, mais non... le voilà enfin, dans un petit rôle, mais un petit rôle important...
Malgré l'écueil du "d'après une histoire vraie" et des passages obligés des "histoires d'avocat(s)", Jeff Nichols réussit à adpater tout ça à sa sauce, et en fait un très touchant moment de cinéma, grâce à l'intensité de ses deux interprètes principaux (Joel Edgerton et Ruth Negga magnifiques je le répète), et grâce aussi à sa grande maîtrise (habituelle) des scènes nocturnes et/ou d'inquiétude : c'est fou ce qu'il réussit à faire avec juste une route la nuit et des feux arrière de voiture...
Une belle histoire, un beau titre, un beau film, et tout ça simplement...

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ps : et j'ai enfin réussi à retrouver où j'avais déjà vu la délicieuse Ruth Negga : dans l'explosive et déjantée série Preacher, où elle jouait la copine du héros, une composition bien plus... tonitruante !

24 mars 2017

amazoniaque

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THE LOST CITY OF Z
de James Gray

James Gray, on connaît bien. Depuis le début. Cinq films, de Little Odessa (1993) à The Immigrant (2013). Un univers familier : ambiance noire, polar, morts violentes, rapports père/fils, histoire d'amour, et avec, dans presque tous, la présence reconnaissable de Joaquin Phoenix (que j'aime vraiment beaucoup...). Déjà dans The immigrant, il nous avait surpris en nous la jouant "en costumes" (mais toujours avec Jojo), et voilà qu'il fait un nouvel écart, pour nous surprendre encore plus, puisque si c'est bien "en costumes" (les 25 premières années du siècle précédent), c'est totalement sans Joaquin Phoenix. Mais beaucoup coup dans la jungle (terrible jungle... air connu).
On sera, donc, beaucoup en Bolivie, avec ce Fawcett (Bon sang mais c'est bien sûr! Ting!  Fawcett... comme dans "Sur la piste de Fawcett"*, la troisième aventure de Bob Morane ??? Ooooh je rajeunis...), un major anglais chargé de cartographier un peu plus précisément le pays, puisqu'à ce moment la carte en est quasiment encore vierge. Et qui va partir crapahuter dans la jungle une fois, puis deux, puis etc. (vous avez compris le système). La jungle mystérieuse, l'occidental qui devient fou d'elle... On pense à Kinski et Werner Herzog, bien sûr, on pense à L'étreinte du serpent, vu l'année dernière, on pense à La forêt d'émeraude de John Boorman (pas vu mais on en avait tellement parlé à l'époque) et on en arrive même à évoquer Spielberg et Indiana Jones, voire même Coppola et Apocalypse now !
James Gray se maintient largement à la hauteur de ses illustres prédécesseurs. En encrant d'abord longuement son récit dans la société victorienne à l'étiquette aussi rigide que les baleines des corsets de ses femmes, où les codes sociaux prennent le pas (le poids) sur toute initiative personnelle, où cette expédition cartographique en Bolivie est d'abord présentée à notre héros comme un moyen d'améliorer son rang social, de s'élever en "rachetant" les erreurs de son père. En lui permettant, ensuite, de changer d'air, à pleins poumons, de respirer plus librement,  et de vivre toutes ces aventures des hardis explorateurs de notre/son enfance.
Spectateurs, nous aurons la folie verte, les bestioles, les pirogues, les piranhas, l'attaque des indigènes mystérieux dans la forêt profonde sous une pluie de flèches vindicatives, les bestioles, les mille dangers qu'il faut braver pour parvenir jusqu'au fin fond, et là trouver des fragments de poteries, et entendre mentionner par les autochtones une mystérieuse Cité d'or. Avant d'être obligé de rebrousser chemin et de rentrer.
L'aventure, c'est l'aventuuuuuuure semble chanter à pleins poumons notre Fawcett (et le réalisateur en deuxième voix, qui l'accompagne.) Un plaisir de gosse, qu'il s'est fait, qu'il nous fait. Avec un point d'orgue nocturne et mystique dans la magnifique dernière scène, la nuit, les torches (connaissez-vous la nouvelle de Julio Cortazar La nuit face au ciel ?)

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* :

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21 mars 2017

splendeur 3

073
MY WAY HOME
de Bill Douglas

Et j'ai enfin pu terminer la trilogie de Bill Douglas, avec ce dernier volet (à peine un peu moins effroyablement noir que les deux précédents, mais tout aussi sublime...) de son histoire. Sa propre enfance. Le héros, Jamie,  est désormais dans un orphelinat, toujours aussi seul, aussi triste, aussi opaque, aussi en colère, mais objet (comme les autres pensionnaires) de l'attention aimante du directeur de l'orphelinat, un gros bonhomme mélomane et touchant (une histoire magnifique d'harmonicas). Orphelinat dont viendra soudain le retirer son père, "qui pensait bien faire", pour le ramener à la maison où l'ambiance est toujours aussi instable et aigre (et sonore).
Bill Douglas enchaîne ensuite quelques épisodes de la vie de Jamie, souvent centrés sur un accessoire (un livre, des pommes dans un plat, un tas de charbon, un panneau indicateur de gare) et un lieu pour nous raconter, a minima, les nouvelles étapes de son périple. On est désormais attentif aux virages qui reviennent régulièrement dans le cinéma de Douglas. Qui dissimule ce qui s'en va (où ne laissait pas voir ce qui arrive).
Puis le film s'illumine, littéralement : Jamie est désormais militaire (de la RAF) en Egypte, il est occupé à peindre une ligne de briques posées alternativement en noir et en blanc, et il fait la connaissance de Robert, un autre soldat juste un peu plus âgé, qui lui offre son amitié, qu'il va finir par accepter.
Plus question ici de froid, de violence, de noirceur, de crasse, de hurlements. Une vie militaire faite surtout de corvées, d'inaction, et d'attente, toujours dans la même stylisation splendide qui tirerait parfois le récit quasiment vers l'abstraction (via la métaphysique du Désert des Tartares...), toujours à partir de choses simples : du sable, des traces de voiture, un insecte, un appareil-photo...
Le film se clôt (sans effusions excessives...) sur une image silencieuse mais riche de promesses.
L'acuité du regard de Bill Douglas est sidérante. Faisant du malheur un état de fait, et non pas un sujet d'attendrissement (ou un objet de compassion.) C'est comme ça, point. (Ou "c'est comme ça que je vous le montre, point.")
Ce qui me touche encore plus, bien sûr c'est que, à chacun des âges, dans chacun des trois films, c'est à chaque fois un homme qui aidera le jeune Jamie (le soldat allemand, le grand-père, le directeur de l'orphelinat, et Robert...)

Bill Douglas est mort en 1991. Il aura juste réalisé cette trilogie (3 films d'une heure ou presque) et Comrades (une film de trois heures ou presque). Son acteur principal, Stephen Archibald (son Jean-Pierre Léaud à lui) est mort  très jeune, à 37 ans.

"La force insoutenable de la mise en scène de Bill Douglas tient au fait que son désir de voir ne découle jamais d’un désir intellectuel de comprendre. “On pourrait croire que je suis opposé à la compréhension, mais avec ce film il ne s’agit pas a priori de comprendre, mais de sentir. Et la particularité de ce film est que les deux ne peuvent pas, comme dans la structure classique, aller de pair.” Cette vision du monde s’ancre dans une méthode : choix d’acteurs non professionnels à qui le cinéaste demande de revivre sa propre enfance (“Je suis content de ne pas être toi”, lui dira Stephen Archibald) ; tournage obligeant l’équipe à retraverser la dépression, la terreur, l’injustice, les failles intimes du cinéaste, mais, avant tout, celles de chacun. “Si je ne ressens rien, alors je sais que c’est faux”, disait Bill Douglas." Les Inrocks

my way home

illustration trouvée sur Filmoteca Hawkmen Blues,
le blog magnifique d'un cinéphile archiviste español, ici.

 

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