Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

lieux communs (et autres fadaises)

11 novembre 2016

caravansérail

LES HABITANTS
de Raymond Depardon

Les Habitants ? Il y avait déjà ceux, remarquables, magrittesques, vaguement inquiétants, d'Alex van Warmerdam. Ceux-ci (les nouveaux) n'ont rien à voir, ou presque. Rayray (comme nous l'avions affectueusement surnommé il y a déjà un certain temps) a sorti du garage sa vieille caravane, l'a un peu rafistolée/aménagée, et est parti pour sillonner la France du nord au sud et du sud au nord, s'arrêtant ici ou là pour y planter son chapiteau (une table dans l'axe, deux sièges de part et d'autre, face à face donc, et derrière une grande fenêtre par laquelle on peut voir tout ce qui se passe derrière.)
Plutôt que de cirque, il s'agirait plutôt de théâtre. De petit théâtre ambulant. Où vont défiler une vingt-cinquaine de couples, de duos , de paires : mari et femme, père et fils, mère et fille, copain et copine, pote et pote, chacun/chacune nous offrant (par l'intermédiaire de la caméra -dissimulée- et de quelques micros) leur conversation. Nous gratifiant d'un échange, plus ou moins touchant, plus ou moins drôle, plus ou moins joué etc. Ces gens-là, des jeunes des vieux, des femmes, des hommes, des sérieux et des rigolards, des calmes et des excités, c'est comme les gens dans la vraie vie : il y en a qu'on a plus de plaisir  à écouter que d'autres (et même certain(e)s qu'on a le droit de trouver horripilant(e)s).
Le dispositif est simple, le découpage l'est tout autant : les moments de dialogues alternent avec les scènes de déplacements de la caravane à Rayray sur nos jolies routes de France (sur une alerte musique, très plaisante du très prolifique Alexandre Desplats) et des plans fixes de la même, sur son lieu d'installation.
C'est bref (même pas 1h30) c'est enlevé, et très plaisant à regarder. Ca se grigonte avec gourmandise, comme les fruits secs à l'apéro, et oui, ça en deviendrait presque addictif.
Je n'ai pas fermé l'oeil une seconde (c'est un signe qui ne trompe pas) , et ça ne m'aurait pas gêné d'en reprendre une poignée, bien au contraire.
Mais nous sommes tous différents (et le film le montre bien) et à la sortie de la salle, les avis divergeaient : un qui trouvait que "c'était pas bon", le deuxième "assez inégal", et le troisième (moi, donc) qui "avait beaucoup aimé"... Sans doute parce que ce dispositif qui se revendique en tant que tel (avec la part de sincérité et de calcul -de roublardise- que chacun voudra bien ou pas y trouver) sait rester à la hauteur des gens, simplement, de ceux qui sont filmés comme de ceux qui les regardent, mais sait ne pas rester simplement simplet, et nous accorde même le plaisir d'une mise en abîme : la  vie qui continue derrière nos interlocuteurs, dans le rectangle (très cinématographique) de la grande fenêtre devant laquelle ils sont installés, et où le Rayrayalisateur les ré-inscrit avec intelligence - avec malice ?- dans une réalité qu'on peut supposer objectivement aléatoire (aléatoirement objective ?). Les petites histoires que ces gens nous racontent (les leurs) mises en parallèles avec les petites histoires des gens (les autres) qui passent, dehors. Les parleurs, comme les personnages derrières, par la fenêtre, ne font que ça, passer. inscrire définitivement sur l'écran quelque chose qui n'était, par définition, que provisoire, éphémère. Ca en devient ainsi, forcément, encore plus intéressant.

006894

Et contrairement à ce qui avait été annoncé, le joli film de Rayray n'a été projeté que deux fois, à 18, à la sauvette dans le bôô cinéma... Shame shame shame on you!

10 novembre 2016

09/11

Il y avait eu le 11/09, on a à présent le 09/11!
Fucking journée de merde!

A 17h32 il faisait déjà nuit noire
mais il continuait de pleuvoir comme vache qui pisse
-oui, je sais, il aurait pu neiger, on l'a juste manquée de peu (la neige)-
mais bon, toute la journée, pluie, froid, lumière lugubre

ce matin, j'étais encore -un peu- agacé à cause d'hier soir
(une histoire de bôô cinéma et de nombre de séances scandaleusement -et sans explication- réduit)
mais je l'ai été encore plus en regardant la couleur de la carte de s ZétaZunis où le rouge gagnait de plus en plus sur le bleu,minute après minute, état après état
inquiet, de plus en plus à vrai dire
je faisais autre chose mais je revenais sans cesse voir comment ça progressait
et pouf! il a gagné!
(arghhhh)

ce qui caractérise l'être humain, ce qui est fascinant chez lui, c'est sa capacité à faire encore pire
à chaque fois, résolument, avec constance, avec obstination, avec acharnement
(nous avons tous en nous une certaine dose de connerie, personnelle, individuelle, "normale"
mais
multipliée par des millions de têtes de pipe, elle a tendance à augmenter exponentiellement...)
oui, fascinant

l'électeur moyen de Trump est "blanc, peu diplômé, rural et croyant"
les outrances ont payé, dirait-on
("plus c'est gros, plus ça passe")
Clintchounet doit être radieux
tout paraissait tellement joué d'avance
plié bâché les doigts dans le nez
et pouf pourtant, il a été élu

(le "vote honteux", l'amérique profonde, tout ça...)

Ca doit déjà donner des idées à certain(e)s
de par chez nous
ça pue déjà bien fort le fumier, le lisier, la merde qui monte
(c'est juste une façon de nous préparer ?)

9 novembre 2016

Dorsey ! dorsey!

Allez lire ça  puis ça, pour vous faire un peu de bien en pensant aux Etats-Unis.
Quand un blog que j'aime publie un article à propos d'un auteur que j'aime (où il renvoie sur un autre blog qui l'aime tout autant), on ne peut pas passer ça sous silence!
J'ai moi-même découvert Tim Dorsey très récemment, et tout de suite constaté qu'il était extrêmement difficile de se procurer ses bouquins d'occase (j'ai ainsi, mais je vous l'ai déjà narré, traversé Paris de long en large, et surtout en vain, avant de réussir à en dénicher un, Triggerfish Twist, chez le (dans le ? au ?) Boulinier de Bonne Nouvelle pour 1€ (mais qui me coûta tout de même un portefeuille, une carte bancaire et une trentaine d'euros... mais ça fait rien je lui pardonne) et, depuis que j'ai mis le nez dedans, j'ai envie de lire tous les autres... En ai acheté un chez Gibertuche.com, trouvé un autre à la Foire aux livres, émis des souhaits sur Priceministruche pour les autres, etc.
Je suis venu à Dorsey via Carl Hiaasen, logiquement (Hiaasen qui restera la grande découverte de cette année année 2016), tant on peut leur trouver des airs de famille (la Floride, l'humour, la déjante, la multiplicité des personnages, la construction des récits) si ce n'est que Dorsey, s'il est aussi déjanté, est encore beaucoup plus trash que Tonton Carl (et pendant que nous y sommes,  dans la famille, n'oublions pas, of course, le cousin Mark Haskell Smith, qui s'y entend bien aussi question humour et trash...)
Tim Dorsey n'est publié, en France, que chez Rivages, en principe d'abord en grand puis en poche, mais pas forcément. Les titres sont en anglais, et reprennent toujours exactement le titre original, et le héros récurrent en est Serge Storms, qu'on pourrait définir comme un serial killer plutôt secoué (avec un certain passif psychiatrique) mais extrêmement attachant... Serge n'est pas tout seul, il fait équipe avec Coleman, un grassouillet amateur d'alcool et de dope, et Sharon, encore plus amatrice de dope et de morts violentes, et on ne sait pas exactement dans quel ordre il faut lire les bouquins puisque Dorsey a déclaré que son éditeur américian ne les vait pas publiés dans le bon ordre, au moins pour les cinq premiers, et qu'il faudrait donc d'abord lire Florida Roadkill, puis Triggerfish Twist...

Et il n'est donc pas très étonnant (après avoir lu Dorsey et Hiaasen) d'apprendre que la Floride a massivement voté pour D.T (...)

http://timdorsey.com/frenchtwist.jpg  http://p4.storage.canalblog.com/41/63/838515/111038599_o.gif
http://a54.idata.over-blog.com/186x300/4/45/54/51/Americains/11093-medium.jpg https://moeursnoires.files.wordpress.com/2016/10/florida-roadkill-payot-rivages-1999.jpg

(je les ai)

 http://www.babelio.com/couv/bm_5953_1760293.jpg  http://www.payot-rivages.net/couvertures/bassedef/9782743614249.jpg 

(je ne les ai pas... petit papa noël, psssst!)

 

 

 

9 novembre 2016

Kairouan

HEDI
de Mohamed Ben Attia

Une excellente surprise, hier soir dans le bôô cinéma, où se délocalisait, pour la cinquième année consécutive, le Festival Lumières d'Afrique.
Avec un (premier) film tunisien, proposé en avant-première (le film sortira début 2017). Hedi c'est un jeune homme, assez poupin d'aspect, commercial chez Peuge*t, doté d'une mère aussi volubile que lui est peu bavard. On apprend assez vite qu'il va bientôt se marier, qu'il s'agit d'un mariage arrangé) et qu'apparemment ça ne luit fait ni chaud ni froid. Sauf que, contrairement aux apparences (ou au peu de réactions qu'il manifeste), il n'est pas si bien que ça dans ses baskets.
Il en va prendre progressivement conscience quand, envoyé par son boss prospecter dans une ville voisine,  il y rencontre Rim, qui est danseuse dans un camp de vacances (pour allemands!). Il tombe amoureux. Ils tombent amoureux (complications de la grammaire française : ils , ici, c'est elle et lui...). Sa vie dévie. Il ne répond plus au téléphone, d'abord à celui de son patron, puis celui de sa mère! Et les choses vont encore se compliquer. Ou peut-être se simplifier...

(là, c'est très énervant, j'avais écrit une quizaine de lignes  lorsqu'une micro-coupure -couic!- a arrêté l'ordinateur, et au redémarrage, bien sûr, rien n'avait été sauvegardé... et tout avait -pfuit!- disparu...)

Bon je reprends. Tentons. A partir du moment où il se retrouve seul Hedi va imperceptiblement se relâcher (se détendre ?) se laisser aller. J'aime beaucoup la partie "balnéaire", qui m'évoquait assez lointainement un genre de Conte d'été rohmérien en Tunisie. D'autant plus que le réalisateur l'accompagne avec bienveillance, le scrute, ne le lâche pas d'une semelle (comme le faisait Rohmer avec Melvil Poupaud).  On le voit sourire, on le voit jouer, on le voit désirer, on le voit flirter, et c'est comme si se fendillait soudain -enfin ?- sa carapace. Hedi, jusque là, était comme un enfant enfermé dans un corps d'adulte, un gamin déguisé, vivant presque automatiquement une vie ordinaire décidée par sa mère, son patron, etc. Un gamin poli, sérieux, propre sur lui, lisse et cadenassé de l'extérieur jusqu'à l'inexpressivité. Et voilà qu'entre dans la tête d'Hedi une petite brise guillerette, comme si on en avait enfin entr'ouvert la fenêtre. Et lui si silencieux, si intériorisé va même réussir à s'exprimer, à vider son sac, à hurler ce qu'il a sur le coeur et dans les tripes, face à sa mère venue tenter de le récupérer manu militari pour qu'il revienne se marier et dans le "droit chemin".

il pourrait être tentant de faire le parallèle entre le parcours du personnage et l'histoire de son pays : la révolution de 2011 et les espoirs qu'elle avait suscité(s) à laquelle ferait écho la révolte d'Hedi face à sa mère, sa famille, son patron, et les autres. Une prise de conscience (à laquelle le réalisateur n'a pas pu ne pas penser) , certes, mais comme chantait Bashung "Tu voudrais qu'ça débouche sur quoi ?"

Il n'y a qu'à voir la fin, que j'ai trouvée... abrupte, et pour laquelle je pourrais mettre un petit bémol à mon enthousiasme. J'ai toujours eu un peu de mal avec les fins dites "ouvertes", quand le réalisateur laisse son personnage -et nous les spectateurs avec- en plan à un moment critique : le fera-t-il ? Ou le fera-t-y pas ? Ou bien, ou bien, et c'est alors à chacun(e) de se (re)faire son film. Mais cela montre bien aussi la lourdeur des habitudes, le poids du conditionnement, et de la difficulté à se situer "entre tradition et modernité (comme l'écriraient certains conférenciers  C*nnaissance du M*nde). Hedi sois bon, a-t-on envie de lui chanter, pour l'encourager...

Bon, le film l'est assurément, et si le réalisateur rend -peut-être inconsciemment- hommage à ses producteurs (les frérots Dardenne), encore que ce ne soit visible, à mon sens, que pour un oeil spécialement scrupuleux et tatillon,  en tout cas ça ne m'a pas dérangé. Le filmage de dos et la caméra portée ne sont pas l'apanage exclusif des susdits, non ? J'y ai en tout cas passé un excellent moment de cinéma, et je vous recommande d'aller le voir à sa sortie (j'espère qu'on le reprogrammera dans le bôô cinéma!).

295672

8 novembre 2016

(verticales)

DSC07345

DSC07366

DSC07474

DSC07373

IMG_20161011_163947

(plaisirs d'automne)

7 novembre 2016

(horizontales)

DSC07305

DSC07338

DSC07340

DSC07365

DSC07381

5 novembre 2016

péché mignon

Tiens, Dani vient de sortir un disque (la nuit ne dure pas) et un bouquin (la nuit ne dure pas). Une autobio et un best of de 18 titres, repoupouné par Etienne Daho.
Dani, j'ai un faible. C'est d'abord une silhouette (androgynie, cheveux courts, longue jambes, taille de crevette bref le total look d'égérie),mais surtout  une voix (égériaque, elle aussi, abrasée par le temps et -disent certains- les excès divers, de quoi je ne veux pas le savoir...), reconnaissables toutes deux. Une nana  photogénique, qui prend bien la lumière, et pour laquelle j'éprouve une certaine tendresse.  Je parle eu présent, même si, hélas, le temps ne fait rien à l'affaire (...) Pour la façon qu'elle a de se tenir à la limite, entre  pop et rock  et variétoche, entre le plein vol et la chute, entre le passé papa vient d'épouser la bonne et le présent Je voudrais que quelqu'un me choisisse, entre dés)espoir et (dés)illusions, entre la gaudriole passée et le glamour intemporel. Pour tous les hommes qu'elle a / qu'elle a eus autour d'elle, Daho, Darc, Gainsbourg, etc.
J'adore le personnage.
J'ai même acheté ses trois derniers albums (N comme never again, Tout dépend du contexte, et Laissez-moi rire) , dans le désordre. N comme never again j'ai dû le trouver en dernier chez un soldeur pour presque rien, et j'avoue que je ne l'avais pas plus écouté que ça... Je me souviens de l'avoir mis un soir, et d'avoir zappé tous les morceaux les uns après les autres sans rien trouver alors qui me plaise... Comme quoi, hein, il y a des soirs...
Et voilà que dans ce Best of je tombe sur une chanson qui m'accroche l'oreille, un peu plus à chaque écoute  (c 'est comme, avec les gens, quand on réalise qu'on est en train de tomber amoureux de quelqu'un, et qu'on a envie de le voir, encore et encore...) "Et pourtant". J'écoute et je réécoute, j'aime vraiment de plus en plus ça. Du coup je cherche et je fouine et je farfouille et je réalise qu'elle figure -c'est même le premier morceau-  dans N comm never again. Qui a été produit par Jean-Jacques Burnel, des Stranglers (c'est d'ailleurs lui qui a écrit la musique du morceau. Et je réécoute donc tout l'album. Prudemment au début, mais jusqu'au bout, finalement. C'est plutôt rock,  et c'est daté "années 90" pour ce qui est des boîtes à rythmes (mais justement j'adore ça). Et on reconnaît parfois des jolies guitares à la Stranglers. Et je trouve vraiment beaucoup de choses qui m'y plaisent. Ce qui s'appelle redécouvrir un album (j'ai  appris en même temps que ce fut un énorme échec commercial...).
Pour en revenir au best of, les tubes "inévitables" y figurent (même si Boomerang, par exemple, ne figure pas dans mes favoris) Mes préférées y sont (Je voudrais que quelqu'un me choisisse, bien sûr). Y manque juste, pour moi,  le Générique final de Tout dépend du contexte, où elle remercie un par un(e) tous les gens qui ont participé  à l'album, sur une jolie boucle... "Studio Ferber c'était d'enfer..."

http://imados.fr/content/3/6/5/163650/Laissez-Moi-Rire_cover_s200.jpg
l'avant-dernier

http://scd.musique.rfi.fr/sites/default/files/thumbnails/image/10591.jpg
l'antépénultième

“La nuit ne dure pas” : le retour de Dani à la musique
le dernier

http://static.wixstatic.com/media/a83af2_408ea27e7e904927abf5d6a62e33d2d7~mv2.jpg
dani / daho

2 novembre 2016

décisionnaires

MOI, DANIEL BLAKE
de Ken Loach

Working class hero. En 1974, j'étais en terminale et je découvrais le cinéma, et en cours de philo ma copine Freddy m'apportait des critiques du Monde. C'est là que j'ai entendu le nom de Ken Loach pour la première fois, à propos de Family Life (avant de découvrir le film, glaçant, quelques temps après). C'est dire si on se connait depuis longtemps... J'ai vu presque tous ses films, au fil des ans. Des fois j'ai beaucoup aimé, d'autres j'ai beaucoup dormi. Loach c'est la capacité d'indignation, les petites gens, les années Thatcher, les syndicats, les services sociaux, la mouise, le pub, les tasses de thé et les fish & chips, bref une certaine idée de la Brittonitude, qui me touche toujours autant. Un genre de maître-étalon de. Et c'est vrai qu'il avait dit qu'il arrêtait après son avant-dernier film, et c'est vrai que j'avais un peu ronchonné à l'annonce de sa Palme d'Or à Cannes 2016, en me disant qu'il y avait sans doute plus jeune et plus original à Palmer...
Et bien je retire tout ça. (Y a que les imbéciles, etc.) Le film m'a bouleversé, d'un bout à l'autre. C'est du Loach pur jus, n'y manquent pas un bonnet ou un sac-poubelle (ou un formulaire de l'agence pour l'emploi). Du cinéma "social", attentif, indigné. Autour d'un homme plus tout jeune (lui, Daniel Blake) en arrêt maladie après un accident cardiaque, que son médecin n'autorise pas à reprendre son job, mais à qui, suite à un "questionnaire de santé" on décide de sucrer sa pension d'invalidité, et qu'on oblige à s'inscrire au chômage, et à prouver qu'il le mérite bien, son chômage, en rédigeant des cv et en sollicitant des emplois qu'il n'est pas autorisé (par son médecin) à prendre. Un vrai parcours du combattant, l'administration dans toute son imbécillité rigide, ses règlements abscons, ses formulaires, ses fourches caudines, sa lourdeur et ses complications ubuesques, sa paperasserie kafkaïenne...
Rien ne sera épargné à Daniel Blake, y compris la glissade inéluctable vers une précarisation parfaitement intolérable. Au début du film, il a sympathisé avec une mère de deux enfants, récemment parachutée à Newcastle par les services sociaux londoniens, dans ces mêmes locaux de l'agence pour l'emploi, en intervenant en sa faveur, justement, face  à la bureucratie tatillonne qui la menaçait de sanctions parce qu'elle était en retard de  dix minutes à ce premier rendez-vous ("Il y a des règlements...").
Dans les films de Loach, il est souvent question de pauvres. Et de gens qui s'entraident. Et Daniel va sympathiser avec la jeune femme et ses deux enfants. Et ils vont s'épauler. Les factures impayées, la faim, les restaus du coeur (ou leur équivalent anglais), la démerde, la quête de petits boulots de merde, bref, la "joyeuse vie" des petites gens en Grande-Bretagne aujourd'hui. C'est comme si Ken Loach nous retournait la caméra dans la figure, nous tapait sur l'épaule en disant "depuis 1974, vous voyez, ça n'a pas vraiment changé...".
C'est important de le dire, de le redire, de le montrer, d'enfoncer le clou... (Et si quelqu'un me parle de pathos, je lui donne une gifle. j'ai déjà été suffisamment agacé par la critique dans Libé : "jusqu'au-boutisme alarmiste fictionné en trémolos narratifs", ou le  méprisant dézinguage de Pr*mière : "il s'agit tout simplement d'un ratage, un vrai, qui s'inscrit dans la continuité de ce que produit le réalisateur anglais depuis une décennie". Pffff...)
Ken Loach n'a rien inventé. Il n'a fait que condenser dans son film un certain nombres d'éléments. C'est vrai qu'on pourrait presque le taxer d'angélisme (les  pauvres et leur sens de l'entr'aide inné) mais je préfère ça mille fois au dolorisme stigmatisé par d'autres journaux. Le constat est terrible, et l'impuissance aussi. Déshumanisation (inhumanisation serait encore plus juste) des prolétaires. Ken Loach, à quatre-vingt ans continue de les observer et de les montrer, et alors ? On reconnaît bien le droit à Woody Allen, à ce même grand âge, de continuer à se polariser sur les états d'âme des bourges blancs friqués de New-York (et là, critiques de s'extasier...), non ? Chacun son truc, hein...
Je ne vais pas cracher dans la soupe, ne me voilà pas soudain devenu une pasionaria du cinéma ouvrier militant pur et dur, le cinéma pour moi  n'est pas que ça, mais c'est aussi ça. Il y a eu par le passé des films de Ken Loach qui ne m'ont pas enthousiasmé, celui-là si. Le droit au respect, il est aussi valable pour Moi, Daniel Blake. Comme il l'écrit (Daniel) dans sa lettre finale (que je cite de mémoire) "un être humain, un citoyen, ni plus ni moins".

248495

1 novembre 2016

bakchich et mcguinn

"Le chien se payait du bon temps.
Le fait est, quand on est un labrador retriever - c'est qu'on est né pour le fun. Il est rare que votre mental loufoque et indépendant s'encombre de méditation transcendentale et jamais, au grand jamais, d'idées noires ; chaque jour c'est le pied. Que demander d'autre à la vie ? Bouffer, c'est la fête. Pisser, un délice. Chier, la joie. Et se lécher les couilles ? La félicité suprème. Et où que l'on aille, plein d'humains crédules vous caressent, vous serrent dans leurs bras, tout à vos petits soins.
Donc le chien s'éclatait un max à marauder en break avec Twilly Spree et Desirata Stoat. Son nouveau nom ? Super. Mcguinn, c'était super. Bakchich, c'était bien aussi. A vrai dire, Le chien n'en avait rien à battre de comment on l'appelait ; il aurait répondu à n'importe quel nom."Viens voir ici, Face de Cul, c'est l'heure de la bouffe!" - et il aurait été en extase, sa queue en matraque frétillant tout autant. Il ne pouvait s'en empêcher. Les labradors sont mus par la philosophie que la vie est trop brève pour la passer à autre chose que s'amuser, faire des bêtises et se livrer à leurs pulsions charnelles spontanées.
Palmer Stoat lui manquait-il ? Impossible de le savoir, la mémoire canine est plus avide de sensations que sentimentale ; plus approvisionnée en odeurs et en sons qu'en émotions. Le cerveau de Mcguinn porterait à jamais l'empreinte des cigares de Stoat, par exemple, et des cliquetis résultant de ses difficultés avec la porte d'entrée quand il rentrait tard, fin soûl. Tout comme il se rappelait ces aubes frisquettes dans l'affût aux canards, quand Stoat essayait encore d'en faire un retriever digne de ce nom - le volettement affolé des oiseaux, le pan-pan-pan des fusils, le timbre des voix d'hommes. Logés aussi dans la banque de mémoire de Mcguinn, on trouvait le moindre sentier qu'il avait parcouru, le moindre matou qu'il avait coursé jusqu'à un arbre, la moindre jambe qu'il avait essayé de tringler. Quant à savoir si la compagnie de son maître lui manquait pour de bon, qui aurait pu le dire ? Les labradors ont tendance à vivre l'instant présent, exclusivement, joyeusement, en oubliant tout le reste.
Et pour le moment Mcguinn était heureux. il avait toujours aimé Desie qui, chaleureuse, l'adorait et dont l'odeur était absolument grandiose. Quant au jeune costaud, celui qui l'avait emporté de chez Palmer Stoat sur ses épaules, il était amical, attentionné, et, sur le plan fumet, tolérable. Quant à l'épisode morbide du chien dans la malle-cabine - eh bien, pour Mcguinn, l'incident était déjà clos. Loin des yeux, loin du coeur. Tel est le credo du labrador."

(Carl Hiaasen "Mal de chien")

Je n'ai pas pû m'empêcher de vous recopier ces deux pages, juste pour vous donner une petite idée du héros noir et poilu (et à quatre pattes) de ce roman de Carl Hiaasen (le neuvième, déjà!) que je viens juste de terminer, et qui m'a tout autant réjoui que les précédents... Ce mec, vraiment, je l'adore. Enfin, plutôt, ses romans, je les adore (et encore un immense merci à Jean-Marc Laherrère et à son blog Actu du noir, sans qui je serais à jamais passé à côté de ces bonheurs de lecture!)
Il doit m'en rester encore quatre à lire (L'arme du crocodile, Strip-tease, Presse People et Fatal song), alors, savourons...

https://pictures.abebooks.com/isbn/9782266119061-fr-300.jpg

31 octobre 2016

météo

"Un jour la vie est belle une euphorie nouvelle
Pour un oui pour un non tout va bien pour de bon
Un jour je suis croyant végétalien pratiquant
Plus de sel ni de pain, plus de lait ni de vin

Un jour je m'exaspère j'ai pas les mots je les perd
Je trépigne, je m'égare
Un jour je ressemble à mon père

C'est la crise c'est la crise
Qui m'épuise rien à faire
C'est la crise c'est la crise
Qui s'éternise on va s'y faire

Un jour je donne, je donne, je donne, je donne
Le cœur sur la main, sur le cœur
Un jour je parle fort à raison et à tort
Je m'emballe, je digresse,
Je m'affale et vous délaisse
Un jour je broie du noir
Miné par mes déboires
De la veille et de l'avant veille
Et tout à coup tout m'émerveille

C'est la crise c'est la crise
Qui m'épuise rien à faire
C'est la crise c'est la crise
Qui s'éternise on va s'y faire

Un jour je n'y crois plus pas le coup pas un clou
Moitié plein moitié bu tout est flou tout est fou
Et toc un coup du ciel à nouveau la vie est belle
Pour un oui pour un non tout va bien pour de bon

C'est la crise c'est la crise
Qui m'épuise rien à faire
C'est la crise c'est la crise
Qui s'éternise on va s'y faire
C'est la crise c'est la crise
On va s'y faire..."

(Albin de la Simone)

J'aime toujours beaucoup cette chanson, les paroles que je trouve très justes, et la "petite" voix d'Albin de la S. que j'ai appris à aimer, depuis le splendide Mes épaules...

Archives
Newsletter
Visiteurs
Depuis la création 384 428