texas forever
COMANCHERIA
de David Mackenzie
Celui-là, il ya avait de fortes chances que je passasse (coucou marie!) à côté, si nous ne l'avions pas programmé dans le bôô cinéma. Et il y a comme ça de beaux hasards, comme ce film-là, dont je n'attendais rien et qui m'a tourneboulé. Mi-western mi-polar disait la rumeur, mouais allons-y donc, à cette unique séance en vo quotidienne (où nous étions quatre, coucou Marie, coucou Zabetta !).
Comancheria est un film très large, très horizontal, qui remplit complètement tout le (très grand) écran de la salle 9 du bôô cinéma. Un film de paysages, de grands espaces, un film connoté et revendiqué hyper ricain, texanissime, bien plus riche que l'hybride entre deux films de genre (deux genres de film) qu'on a bien voulu nous vendre -le western et le polar, oui oui-.
D'un côté, au départ, il ya deux frérots qui braquent des banques, "artisanalement", et, de l'autre côté deux texas rangers qui les recherchent. Les deux premiers sont plutôt jeunes, et les seconds un peu plus âgés, notamment l'un d'eux, sur le point de partir en retraite (Jeff Bridges, d'anthologie). On suit en alternance l'un et l'autre couple (paire serait plus juste, virilement parlant) au fur et à mesure de leurs parcours respectifs qui vont, c'est inéluctable, les amener à se croiser. Fatalement, comme on dit. mais David Mackenzie connait son affaire. D'une part il nous dévoile progressivement les pourquois et les comments des braquages des frangins, tandis qu'en face l'enquête menée est plutôt débonnaire et plan-plan, soutenue par les dialogues et les vannes échangées par les deux rangers (dont c'est la dernière mission en commun) sorte de vieux couple d'anthologie (dont on ne saura d'ailleurs strictement rien d'autre que ce qu'ils vivent pendant le temps du film).
Et Comancheria est réjouissant à tous les niveaux.
Plastiquement d'abord (ce qui saute aux yeux) : photogénie des paysages américains, tout en longueur ou en profondeur, routes, vues aériennes, crépuscules, patelins, tout y est de l'imagerie US (d'aujourd'hui et de presque hier) qu'on aime (et à laquelle on est attaché), rien n'y manque. Avec la musique qui va juste bien avec : country-rock, folk, surtout, à guitare et à banjo, qui s'intègre parfaitement dans le décor ambiant.
Humainement, ensuite, parce que, par la qualité de son scénario, David Mackenzie parvient à remplir à ras bord d'humanité ce qui, sans cela, n'aurait pu être qu'une enfilade de beaux décors vides. Chacun des quatre personnages principaux est assez finement caractérisé, chacun à sa manière et pour ses propres raisons. Jeff Bridges a été mis en avant, et ce n'est pas sans raison. Pour moi, le personnage est aussi fort et attachant que, disons... tiens, celui joué par Frances Mc Dormand dans Fargo, c'est dire! Mais son collègue, métis, mi-indien mi chicano, est au diapason. Et pareil pour les frères (un concentré de pure virilité cool, mélange qui m'émeut toujours beaucoup en pareil cas) : si Chris Pine assure en beau gosse mal rasé (et en cerveau du gang), c'est bien pourtant son frangin qui m'a presque tout de suite décroché la mâchoire d'admiration bavatoire : ce mec, comme par hasard cumule un tas de détails parmi ceux que je trouve les plus troublants chez un mec -correction "chez un personnage de film".- On pourrait dire qu'il en possède, pour moi, toute la panoplie. Voilà, c'est dit, le personnage de Tanner (et son interprète Ben Foster) ne sont pas étrangers au surplus d'engouement généré par Comancheria.
Plus le film avance et plus le réalisateur nous fait comprendre qu'il veut nous en dire un peu plus que ce qu'il nous montre, qu'il ne s'agit pas simplement d'une histoire de flics qui poursuivent des braqueurs, que ce ne sont pas eux les (vrais) salauds, mais bien ces enfoirés de mecs en costard derrière leurs ordinateurs, et leurs mots doux : hypothèque, créance, mensualité, intérêts... C'est d'ailleurs lors de ces longs travellings paysagers ricanissimes, qu'apparaît régulièrement, au bord d'une route, un panneau publicitaire ou un autre qui vient nous parler d'argent, de dette ou de crédit...
L'argent, on n'en finit pas de le voir passer, de mains en mains, de caisse en sac, de poche à table, billets usagés, liasses compactes, biffetons qui volent... mais le plus attachant (le plus drôle) est le parcours que lui font effectuer nos doux frérots (et que je vous laisse le soin de découvrir.)
Contrairement à ce qui a été écrit, si Comancheria est bien "un film d'hommes", il n'est pas "un film sans femmes" : Y existent, épisodiquement, pas mal de personnages "du beau sexe", moins mis en évidence que les mâles c'est vrai : l'ex-femme du frangin n°1, une serveuse de restaurant, une autre, beaucoup plus acariâtre, quelques caissières effarouchées, une dragueuse de casino, une réceptionniste douce en apparence mais tornadesque au lit, la rangère qui a succédé à Jeff Bridges... Contrepoints (contrepoids), pas forcément de finesse d'ailleurs, à ce monde de brutes.
Pour finir, des remarques marketing : Quelle est l'utilité de traduire le titre original ("Hell or high water", certes difficilement traduisible et compréhensible*) par celui-ci, ni français ni américain (ni quoi que ce soit d'autre? ° et ne veut rien dire du tout hein ?
et pourquoi avoir remplacé la première affiche (délicieusement épurée)
par celle-ci (beaucoup moins facilement lisible) ?
et, pour finir, here comes mon chéri-chéri Ben Foster :
Mimi, non ?
Comancheria restera l'excellente surprise de ce mois de septembre, pourtant déjà riche en bonheurs cinématographiques, et pourrait même bien figurer dans mon classement de fin d'année...
* après recherche, il apparaîtrait qu'existe une expression : "come hell or high water" qui signifie "Quand bien même le diable y serait...", ou, plus simplement "quoi qu'il arrive", et une seconde "through hell and high water", qui signifie, elle, "contre vents et marées"...