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lieux communs (et autres fadaises)

6 juin 2015

correc'

TU DORS NICOLE
de Stéphane Lafleur

J'avoue que quand quelqu'un l'a mentionné à la dernière réunion de programmation, (Hervé, je crois), c'était la première fois que j'en entendais parler. Oui, toute première fois. Et les critiques que j'en ai lues ensuite m'ont vraiment donné envie d'y aller. Ce que j'ai fait, ce jeudi soir, à 18h30 dans le bôô cinéma (on était deux dans la salle). En ce jour de pré-canicule (ou d'ailleurs, la direction du bôô cinéma n'avait pas jugé utile de mettre la clim') c'était tout à fait... rafraîchissant (comme dans les pubs pour des chewing-gums hyper mentholés) de voir un film québécois en version originale, en joual sous-titré qui étincelle et qui crépite à chaque ligne (dans la différence entre ce qui est dit et ce qu'on lit, c'est un peu comme le portugais hihi), à la fois si proche et si exotique.
C'est bon de se laisser porter, dériver, au fil de l'été que vit cette adolescente (la Nicole du titre et de l'affiche), avec sa copine, son frère, les potes musicos de son frère, son collègue trisomique... dans un beau noir et blanc dense, le film avance, balance, découpé en séquences (en vignettes, musicalement on pourrait dire en morceaux ou en plages) scandé, par des noirs musiqués (ou pas). De la musique, il y en a beaucoup, dans ce film réalisé par un monsieur que je connaissais au préalable (encore merci à Gigis et Emma) comme chanteur et musicien (du groupe Avec pas de casque), de la musique, certes, celle, live, d'un groupe en répétition(s), (la formule de base : guitare / basse /batterie) mais aussi dans le tempo, l'écriture du film (j'ai pensé aux takes de Julio Cortazar, en n'étant toutefois pas sûr que c'était la bonne comparaison), la restitution d'une certaine nonchalance estivale, un je-ne-sais-quoi de nouveau, de frais et de désinvolte dans la conduite (l'apparente inconduite, plutôt) du récit, et la façon d'appréhender les personnages. D'inattendu. D'extrêmement agréable, pour les oreilles et pour les yeux.

J'ai vraiment beaucoup aimé ça. Ce personnage féminin en apparence lisse, comme flottant à la surface de la piscine des événements de cet été presque rohmérien (Conte d'été québecois), où les mots comptent (content) plus que les actes, et les objets (simples : un vélo, un antivol, une carte de crédit, une machine à coudre, une batterie) conditionnent, d'une certaine façon, les péripéties. Oh rien de bien dramatique ni trop violent : les liens familiaux, souvent pesants, les liens amicaux, parfois agaçants, les liens amoureux, flottants, émouvants, fluctuants, composent un maelstrom de courants parfois contradictoires qui s'enroulent et se déroulent, au milieu desquels Nicole se laisse vivre. Il y a des espoirs et des déceptions, des enthousiasmes et des contrariétés, des projets et des hypothèses, mais tout ça est délicatement léger, et crée un univers très particulier. Il est question d'amour, beaucoup (même si souvent les choses ne sont pas -ou mal- dites) mais il est aussi question d'argent, d'emploi, de remboursement, des détails terre-à-terre qui ancrent le film dans une indéniable réalité contemporaine (et diurne), mais heureusement qu'il y a la nuit (comme le chantait il y a fort longtemps le groupe Beau Dommage, tiens, des québecois aussi)... C'est encore plus  beau, tout ce qui se passe la nuit, quand, justement Nicole dort (ou pas). Des petites bulles oniriques et nocturnes éclatent plop! à intervalles réguliers et viennent iriser la trame du récit. Qui pourraient être oniriques. On reste le cul entre les deux chaises du vécu et du rêvé, et c'est très bien comme ça... Ce qui est réel pourrait fort bien ne l'être pas (ou le contraire).

Tous les personnages qui gravitent autour de Nicole sont attachants, parce que traités à la fois de manière très prosaïque (réaliste) mais avec pourtant toujours ce petit supplément d'âme, (un détail, une attitude, un certain éclairage) qui les colorie un peu différemment, qui les poétise, qui nous les rend plus proches. On ne sait pas vraiment quel âge a Nicole, un peu plus de la vingtaine, sans doute, mais cet étrange été pourrait bien être la métaphore de cet étrange moment où on cesse d'être adolescent pour devenir "autre chose", un passage (à gué) dans un vaste flux qui vous désoriente, une traversée qu'il est bon de ne pas faire seul(e) et où il faut bien s'aider, au cas où, avec les moyens du bord.

J'ai plusieurs fois repensé à It follows (sans doute à cause de la piscine, mais aussi de l'ambiance : des jeunes gens, dont pas mal de jeunes filles, un certain flottement, des parents presqu'absents, des rêves, des désirs et des passages à l'acte ou non), mais un It follows sans le background anxiogène et/ou horrifique. Juste en commun le sentiment d'étrangeté, de regard novateur. Tu dors Nicole en serait comme une cousine éloignée, n&b et québecoise. Avec le point commun incontestable, aussi, que ces deux films se côtoieront dans mon top 10 (ou 20, ou 17, ou 33 qu'en sais-je encore) 2015.

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(et du coup, je suis allé fouiller sur le ouaibe, j'ai découvert que Stéphane Lafleur avait réalisé deux films avant celui-là, Continental, un film sans fusil et En terrains connus, et je les ai achetés. Oui, oui, achetés!)

4 juin 2015

hamac

oh le mois de juin, déjà... ("c'est vrai que le temps passe m'a dit mon ami Michel etc.") les mois d'avril et mai ont passé scandaleusement vite, je souhaiterais m'en plaindre et déposer une réclamation, quelque part... et pour juin je crois bien que ça va être pareil, mais pourtant nulle angoisse, nulle inquiétude, nul stress, non non aucun nuage à l'horizon de mon temps qui passe... aucun réveille-matin, surtout
les neufs mois qui viennent de passer m'ont confirmé une chose (que je savais déjà, mais c'est mieux d'être sûr) : je suis phénoménalement doué pour l'inertie, la bienheureuse inaction, la délicieuse indolence, l'exquis nerienfairage (bon je ne le crie pas trop fort, le fait d'exprimer ma sérénité actuelle se teinte toujours d'une certaine quantité de culpabilité par rapport à ceux (celles surtout, à vrai dire) qui ne sont pas encore dans le même état - mais elles y seront aussi, à leur tour, c'est certain, je ne fais que leur tendre un miroir anticipatoire, de les rassurer, au fond, n'est-ce pas -)
parfois je me sens comme un gamin qui a fait l'école buissonnière et qui attend que ses copains copines sortent enfin à leur tour du scolaire bâtiment pour pouvoir aller jouer ensemble, mais parfois aussi (souvent) je m'accommode parfaitement du fait de m'amuser tout seul (crénom de nom comme disait Brassens) il y a tellement de choses à faire (ou à ne pas faire, justement)
là il est 8h54, j'écoute Grandaddy au casque,  par la fenêtre pointe un rayon de soleil qui vient me chatouiller la nuque et je me dis que je vais bientôt aller petit-déjeuner...

 

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3 juin 2015

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et voilà, la saison 5 de Louie, c'est (déjà) fini...
8 épisodes seulement (les raisons de cette saison plus courte sont assez drôles, enfin celles que je viens de lire, si elles sont vraies, où il est question de décision hâtive après avoir fumé trop de marijuana...) mais 8 fois ce qu'on aime chez Louie (et c'est ce qu'on aime chez lui)

On l'avait quitté là...

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Et on le retrouve là :

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(huit images pour huit épisodes, mais je ne vous les ai pas mises dans l'ordre...)

C'est vraiment une série que je continue d'adorer, parce que, allez savoir comment, il réussit chaque fois à nous surprendre. Comme ça ne raconte rien de précis, on ne sait pas à quoi s'attendre. Parce qu'il nous fait -délibérément- peut-être un peu moins rire, mais qu'il est capable au contraire d'encore mieux nous émouvoir. Nous toucher. Mais toujours l'air de rien, sans en faire des tonnes. Au début, ce que j'adorais, c'était le côté stand up comedy, les vannes rentre-dedans, le politiquement incorrect, les blagues de cul, le pipi-caca, bref la provocation bon enfant mais toujours efficace. et le fait que tout ça venait de l'observation de sa vie, de la réalité, des détails du quotidien. Louie se regarde vivre, il se regarde vieillir, il se regarde ne pas être à la hauteur, il se regarde avoir l'air con parfois, et il nous le montre, simplement (en apparence). Clown triste ? il y a peut-être de ça, mais il est vraiment très très fort pour faire naître l'émotion, comme ça, au débotté, de passer sans prévenir d'un état à un autre, sans qu'on n'ait rien vu venir, pourtant... C'est le genre de série qu'on peut voir et revoir presque indéfiniment, sans se lasser, et pas obligatoirement dans l'ordre, (c'est d'ailleurs la seule, quasiment, que j'ai conservée dans mes documents) puisque, contrairement à la saison 4, chaque épisode est indépendant (sauf les deux derniers). Il y en a, bien sûr, qu'on aime plus que d'autres (et à l'intérieur même d'un épisode, des morceaux qu'on préfère aussi, c'est comme dans la vie, les "bons moments" et les moins bons).
Il y a vraiment des morceaux de bravoure dans chacun des épisodes (Untitled en est un à lui tout seul) et ils concernent en général un homme (pas forcément Louie) dans une situation inhabituelle... On pourrait successivement qualifier la série de féministe,  de lucide, de désenchantée, d'acide, de réconfortante, (le seul reproche que je pourrais faire est qu'elle est aussi très très hétéro, mais pas tout à fait dépourvue de sous-sous-texte-gay, -je suis très fort pour explorer, avec ma frontale et mon pic,  les galeries de mine du script à la recherche de filons enfouis de gayitude - mais disons que ça fait partie du charme... Louie est sans conteste mon rouquin / hétéro / new-yorkais / blanc préféré)

Les huit épisodes sont :
1) Pot Luck (Louie va à un repas de parents d'élèves)
2) A la carte (Louie et les femmes)
3) Cop story (Louie retrouve un ancien pote)
4) Bobby's house (Louie va à un enterrement)
5) Untitled (Louie fait des cauchemars)
6) Sleepover (Louie reçoit les amies de sa fille)
7) The road 1 (Louie et son chauffeur)
8) The road 2 (Louie à Minneapolis)

En plus, ce n'est pas vraiment la peine de commencer à attendre la suite, puisque'on ne sait même pas encore s'il y aura une 6ème saison ou pas...

2 juin 2015

matterhorn

DEPT OF DISAPPEARANCE
de Jason Lytle

Quand Gigis m'a mentionné hier le nom de ce monsieur, dimanche, ça ne m'a fait ni chaud ni froid et j'ai demandé qui c'était. "l'ex leader de Grandaddy" m'a-t-il répondu, et que," oui, ça sonnait comme du Grandaddy", en réponse à ma seconde question. Je me souvenais d'avoir plusieurs "vrais" disques de Grandaddy, de les avoir écoutés et aimés il y a quelques années déjà...
J'ai donc mis le disque de ce Jason Lytle, branché le casque sur l'ordi, et hop c'était parti. Au début, je dois le reconnaître, j'écoutais ça poliment, en faisant autre chose, j'ai reconnu la voix du monsieur, et les guitares jolies, et les ambiances planantes, et les harmonies vocales, et les synthés vintage qui font parfois coincoin et d'autres fois glouglou, et je me suis progressivement laissé envahir par cette écoute. Hmmmm mais c'est vachement bien, me suis-je dit à la fin, et j'ai réécouté le disque une seconde fois, et là, hop, j'étais en plein dedans, avec stupeur et ravissement. Les poils dressés et les larmes aux yeux, oui oui ça ne trompe pas. Incontestablement, un signe de reconnaissance, ce monsieur-là fait partie de ma famille. Bienvenue Jason!
Un disque qui parle à la fois de montagne (Matterhorn, Alpes) et de disparitions + les fignolages vocaux sublimes, ça m'a rappelé un autre disque du même tonneau (sylvestre et neigeux), l'Everest de Girls in Hawaii, une autre magnifique et bouleversante découverte idem, from Gy encore une fois (était-ce Régis ou Emma ?). Oooh c'est bien d'avoir des amis qui aiment la musique (sourire jusque derrière les oreilles, avec les joues roses de reconnaissance)...
J'ai donc été rechercher mes albums de Grandaddy, (j'en avais 3), pour les réécouter dès que possible (c'est dur de faire les choses l'une après l'autre, j'aimerais tout écouter en même temps) et vérifié aussitôt sur le ouaibe ce qu'il me manquait de ce monsieur (c'est son deuxième album solo, j'ai donc commandé le premier illico).

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l'album

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j'ai appris par la même occasion qu'il y a juste un mois, il avait fait un concert à Clermont...

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...et voilà le monsieur (j'aime assez le look bûcheron, en plus...)

 

1 juin 2015

c'est ça la pub...

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ce qu'on voudrait nous faire croire que les choses vont être, et ce qu'elles sont réellement...

31 mai 2015

toi et tes peut-être

L'OMBRE DES FEMMES
de Philippe Garrel

J'y allais... prudemment. Les deux derniers films vus de Philippe Garrel - Les amants réguliers et La frontière de l'aube - ne m'avaient pas -euphémisme- convaincu, et j'ai comme qui dirait un contentieux avec Stanislas Mehrar (il n'y est pour rien le pauvre, mais je n'ai aimé ni La captive ni Adolphe- mais en fouillant sur le ouaibe, je vois qu'il était aussi dans La lettre, et Un monde presque paisible, ce qui compense en quelque sorte.-) et j'y allais donc, je l'avoue, surtout pour Clothilde Courau.
Bonne nouvelle : Stanislas, on est réconciliés (et Philippe, aussi!), et Clothilde, je confirme! (et quand je pense que je n'ai découvert qu'au générique de fin à qui appartenait la voix du narrateur...) Oui, le film, en noir et blanc comme les deux suscités, est très beau. Très simple et très beau. Très beau parce que très simple, et vice-versa. Un mari, sa femme. La maîtresse du mari, l'amant de la femme, et c'est à peu près tout. Et de l'amour, bien sûr. Il la trompe, et c'est par sa maîtresse qu'il apprend que sa femme aussi a un amant. Ni Labiche ni Feydeau ni portes qui claquent ni amants en caleçon et fixe-chaussettes. L'heure est moins à la rigolade. Interrogations, hésitations, flottements. Stanislas Merhar incarne un personnage tout à fait conforme à l'image qu'on a de lui : un visage plutôt fermé, des cheveux un peu en pétard, évoquant une sorte de Dutronc jeune et blond mais sans le sourire (ni les lunettes noires, que voilà donc une comparaison idiote). Il y a dans ce visage opacifié une part de chagrin silencieux (mutique) assez impressionnante, à tel point que lorsqu'on le voit sourire (vers la fin du film) ça fait presque l'effet d'une déflagration.
Clothilde Courau joue à nu (et sans filet) et elle est, une fois de plus, parfaite. Sans maquilleur, sans coiffeur, elle joue, à la fois si simple et si précise qu'on en est tout retourné. Au début, ils sont pauvres, ils vivent et travaillent ensemble (il est cinéaste, elle lui sert d'assistante) et on peut supposer qu'il y a là de la part de Garrel une part de vérité, d'autobiographie, sans que cela devienne jamais pesant. A la fin, les revoilà qui parlent à nouveau cinéma et projets. Le film se structure et s'enracine peu à peu, l'ascèse un peu froide du début laissant progressivement la place à une certaine chaleur, comme un poulet tout maigrichon qu'on verrait au fil des jours grossir et se remplumer.
Et il a cette spécificité garrelienne d'être intemporel (atemporel ?) : à part quelques menus détails (il faut être attentif), il est presque impossible de le situer précisément dans le temps. comme si Garrel évoquait sa jeunesse en la transposant aujourd'hui. Un intermonde où, en 1970 on paierait en euros. Ou un univers plus contemporain où personne n'aurait de téléphone portable (quelle merveilleuse et reposante idée). Et il a l'intelligence de faire court, de parer au plus pressé. Couple, famille, adultère, sentiments, mais aussi cinéma, documentaire, résistance... il file droit, sans s'apesantir, ni s'apitoyer, d'ailleurs.
Sans conteste, mon Garrel préféré depuis pfhhhhhh... longtemps!

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30 mai 2015

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(clichés parisiens que je n'ai pas pris, sauf un)

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(dans le train) cette faculté de tomber instantanément, totalement, et inconditionnellement amoureux de ce jeune homme barbu à verres-miroir et t-shirt ANTIGANG

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les fesses de ce peintre, de dos, occupé à dérouler de la moquette derrière une porte vitrée (rue des Sacs à main)

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ce jeune vendeur barbu et songeur, assis sur un cube, dans la vitrine du magasin de sports pas encore ouvert

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ce robuste barbu , casque de chantier, armé d'une visseuse sans fil , le bras tendu derrière une vitre (dans une entrée) du Chantier de la Canopée

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ce jeune black assis en bas des escaliers de l'UGC Les Halles, à l'étiquette du caleçon parfaitement centrée

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ce barbu moyen-oriental qui consultait son téléphone à la sortie du métro Hôtel de ville, puis qui a marché longtemps en parallèle avec moi, mais sur l'autre trottoir

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ce jeune gandin qui remet sa capuche sur sa tête parce qu'il pleut, mais vérifie l'ordonnancement de sa tenue dans la vitre arrière d'une camionnette, quai St Michel

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(direction Porte de Bagnolet) ce dadais en t-shirt vert à manches courtes, très occupé à essayer de déchiffer les sms que compose sa jeune voisine de gauche, par-dessus l'épaule de celle-ci

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ce papa oriental, en grande discussion au fond de la voiture, qui tourne fréquemment la tête dans ma direction, mais qui, descendant à République, passe à quelques centimètres de moi sans me prêter la moindre attention

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30 mai 2015

juste une affiche...

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30 mai 2015

de la semaine

EVERY THING WILL BE FINE
de Wim Wenders

LE DOS ROUGE
d'Antoine Barraud

Les deux films qu'on programmait cette semaine dans le bôô cinéma. Deux films diamétralement opposés, l'un d'un réalisateur chevronné (comme on pourrait le dire d'une maison, avec des poutres et des chevrons), d'un réalisateur qu'on connait depuis quarante ans, qu'on a beaucoup adoré au début, et dont on s'est progressivement éloigné au fil des années, et l'autre d'un réalisateur parfaitement inconnu au bataillon, et à propos duquel on ne pouvait donc avoir le moindre avis.
Un film qui raconte l'histoire d'un écrivain, et l'autre celle d'un cinéaste. Le premier ne l'est pas vraiment -écrivain- (il est incarné par James Franco, dont je ne suis pas persuadé qu'il soit un immense acteur, et que je préfère lorsqu'il fait l'idiot cul nu dans les champs avec son pote Seth Rogen) le second l'est vraiment -cinéaste- puisqu'il s'agit de Bertrand Bonello, dans son propre rôle, ou presque, et qui ne l'est pas "vraiment", acteur. (Au jeu des comparaisons, si on met côte à côte James Franco et son jeu minimaliste (mais bien peigné) et de l'autre Bertrand Bonnello, avec sa petite tête de poussin  dépeigné, il n'y a pas photo, c'est vers B.B que penche notre coeur).
Dans le premier film il y a aussi Charlotte Gainsbourg qui toujours me touche, (mais que je trouve ici plutôt singulièrement sous-employée) et dans le second Jeanne Balibar que j'adore tout autant (mais qui disparaît beaucoup trop vite à mon goût, dans un genre de clin d'oeil à Cet oscur objet du désir, si je ne m'abuse). Si Charlotte chuchote, Jeanne, elle, vocalise et roucoule et se la joue, nous la joue, d'assez grandiose façon. Balibarissime, comme dirait Hervé.
Le film de Wenders fait un peu moins de deux heures, celui de Barraud un peu plus (de deux heures), et pourtant le premier, en "temps subjectif" semble durer beaucoup plus longtemps que l'autre. Je l'ai trouvé (le film de WW) très mou, académique et sententieux, tandis que celui de Barraud semble toujours sur la brèche, fureteur, inventif (furetif, inventeur), alerte (même s'il semble de temps en temps un peu trop approximatif, mais c'est toujours mieux de tenter, d'expérimenter, que de rester assis sur ses certitudes, non ?).
Dans les deux films la musique a une grande importance. Celle de Wenders est signée Alexandre Desplats (j'ai envie d'écrire "comme un film sur deux désormais"), et, s'il lui arrive parfois d'être sublime (cf celle du générique de fin), on est en droit de la trouver un peu trop omniprésente, asphyxiante, même, parfois. Un beau cadrage, une ample louchée de musique là-dessus, et hop, on se regarde filmer... (tandis que, spectateur, un peu on s'assoupit, zzz...) Chez Barraud, elle est... différente, intriguante, énervante parfois, chatoyante, sautillante (ça dépend des fois) et on s'aperçoit au générique de fin qu'elle est quasi-intégralement signée par... Bertrand Bonnello. et, en parlant de musique, on a en prime celle de la voix-off, follement classe, de Charlotte Rampling.
Un autre signe qui ne trompe pas : je suis à peu près sûr que j'achèterai le dvd du Dos rouge (si un jour il existe!) et que je reverrai le film si je peux, tandis que Every thing... mouais, bof. Ce qui est dommage, dans le film de Wenders c'est qu'il est désespérément lisse : poli, astiqué, sans rien qui dépasse. Rien qui accroche, rien à quoi se raccrocher. C'est magnifiquement filmé (soyons honnête, quand même) mais c'est hélas un peu sans âme, et il faut attendre les dernières scènes (avec le fils de Charlotte) pour que surgisse enfin une belle émotion véritable.
On pourra arguer que Wenders est sérieux (que son sujet est sérieux) et que Barraud pas (forcément), et que ce n'est pas malin de vouloir comparer des choses si différentes : sérieux / pas sérieux. Mais j'ai démarré ce post sur les deux, et je suis bien obligé de le continuer ainsi, à cloche-pied.
Tandis que Barraud crapahute sur des chemins de traverse, nous promène dans divers musées parisiens, nous syndrôme de Stendhalise, cherchant l'objet nodal de son propre film avec le même entêtement que met Bertrand B. à trouver le sujet du sien. (la notion de monstre) Wenders nous déplie les jolis paysages du Canada (le début, dans la neige, est splendide) à différentes saisons, en étiqutant bien ses sauts temporels (deux ans plus tard, quatre ans plus tard...). Le dos rouge, ça part un peu dans tous les sens, mais c'est ça qui fait du bien, les strates temporelles comme les sautes d'humeur, ou les baisses d'énergie, les chansons qui fleurissent tout à coup, le sentiment de work in progress, bref l'énergie étrange (et l'étrangeté énergique, parfois) qui nous fait tendre la main pour nous accrocher au cul du véhicule qui taille la route et courir derrière malgré les cahots.
Avec Barraud, on se sent sollicité, titillé, chatouillé, en tant que spectateur, avec Wenders, hélas, on reste juste en position de. (Wim, Wim, nous nous sommes tant aimés, pourtant...)

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29 mai 2015

grande distribution

LA LOI DU MARCHE
de Stéphane Brizé

La bande-annonce m'avait agacé, "Je ne peux pas croire que Vincent Lindon va vivre avec 500€" m'étais-je dit. Je suis très premier degré, je sais, et il s'agit alors de son personnage (mais bon, n'empêche c'est lui qu'on voit, hein), et j'en étais là de ma (!) réflexion, lorsque je me suis laissé influencer par la lecture d'interviews du même Vincent Lindon (l'acteur, donc), et de Stéphane Brizé (le réalisateur), et de certains échos critiques cannois (peut-être était-ce pour compenser le fait que contrairement à l'ensemble du monde du cinéma, je n'étais pas à Cannes, mais à Paris). J'y suis donc allé (le dernier matin, quand même, le temps de me décider!) et j'en suis sorti plutôt admiratif. Carrément. Lindon est de tous les plans, c'est le seul "vrai" acteur (professionnel) du film, et il est vraiment impressionnant. Autant des fois il ne me convainc pas (récemment dans Journal d'une femme de chambre) autant là il est d'une force et d'une plausibilité qui laissent baba.
C'est l'histoire d'un mec qui galère, une histoire simple, chronologique, rectiligne, que le réalisateur raconte en plans-séquences, en blocs pas toujours consécutifs, laissant des espaces dans la narration comme l'eau entre les pierres posées en travers d'une rivière qu'on devrait traverser. Le réalisateur prend d'autant plus de temps à l'intérieur de chaque plan-séquence qu'il peut ensuite ne pas en accorder du tout à une scène "à faire", une scène qu'on attendait et qui, finalement, s'est déroulée en off, hors du temps du film (et c'est très bien comme ça). Pôle emploi, banquière, entretien d'embauche via skype, session de commentaire de vidéo de demande d'emploi, tout y est. (Le parcours du chômeur est aussi balisé ici que l'était celui du jeune délinquant dans La tête haute, mais l'esprit -et le résultat- sont complètement différents, et le fait d'utiliser des acteurs non-professionnels qui jouent leur propre rôle y est pour beaucoup.)
Après un de ces "sauts de pierre" dont je parlais plus haut, on retrouve notre héros en fonction (et en costard-cravate) : vigile dans un grande surface. Ce sera toute la seconde moitié du film : l'observation au plus près de ce microcosme, de la façon dont les "petites gens" sont pressurées (pas seulement les voleurs de marchandises, mais le personnel même du magasin, fliqué lui aussi par les caméras de surveillance.) Encore une histoire de pouvoir, de politique, et de gros sous. L'exigence du rendement, de la rentabilité. Le même jeu, toujours, du mépris et de la manipulation. De l'asservissement. Une observation clinique d'une situation tristement banale, de la capacité d'encaisser tout ça sans broncher, de faire monter doucement le curseur sur l'échelle de l'indignité jusqu'au point de rupture.
Du cinéma "social", donc, mais avec une approche moins roublarde, moins "glamour" que La tête haute, juste plus sec, plus frontal (et, paradoxalement, plus violent), dans cette volonté d'insérer un unique personnage de "fiction" dans un environnement documentaire (et j'adore toute le partie en caméras de vidéo-surveillance).
Vincent Lindon incarne vraiment ce personnage-là, il est extraordinaire dans cette proximité (familiale et professionnelle), dans cette densité, dans cette justesse (à défaut de justice).
Et la scène finale est à la hauteur du film...

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