(j'ai vu les huit films en trois jours)
mercredi :
168
LA TERRASSE
d'Ettore Scola
Vu à sa sortie (1980), mais je ne me souvenais que de la structure ("répétitive") et du suicide de Serge Reggiani (sous la neige artificielle). Ca fait très plaisir, cet empilement de stars (Mastroianni, Tognazzi, Gassman, Trintignant, Reggiani, oui oui c'est plutôt un film "de couilles", on verra quand même, Stefania Sandrelli ("Venite, é pronto...") et la toute jeune alors Marie Trintignant), les maschi, donc, qui chantent autour du piano pendant que la caméra recule, tout à la fin... Un état des lieux du cinéma italien de l'époque, par ceux qui le font, une certaine mauvaise conscience, la tristesse qui point derrière le sourire forcé, et, oui, une certaine mélancolie... J'aime beaucoup l'idée de revenir à chaque fois à cette même soirée, mais de ne jamais nous la faire revivre tout à fait de la même façon, ni d'y entendre les mêmes choses (ce sera à chaque fois très-théâtralement- fragmentaire...) J'ai trouvé que ça avait plutôt bien vieilli (ils/elles sont tous très bien...)
169
LES AVENTURES DE GIGI LA LOI
de Alessandro Comodin
On l'avait choisi pour la soirée d'ouverture, parce que c'était le seul où c'était marqué comédie (même si, juste à côté, documentaire). une comédie documentaire primée à Locarno. on devait se douter qu'il ne s'agirait pas du tout-venant de la comédie. Gigi la legge (titre original) c'est un flic (original lui aussi), déjà avec une si bonne bouille que je l'ai mis sur l'affiche et sur la plaquette. Flic dans un petite patelin, filmé dans son quotidien (souvent dans sa voiture de fonction, le jour, et dans son invraisemblable jardin la nuit -l'occasion d'une des plus belles scènes du film pour moi, où on ne serait pas si loin du Apichatpong Weerasethakul de Tropical malady). Un personnage très attachant dont le portrait se construit au fil du film, avec un drôle de rythme, et une façon de couper les plans abruptement. D a failli partir, moi j'ai un peu dormi vers la fin et qualifié le film de "ténu", Hervé était quant à lui enchanté. le film a été "diversement apprécié" par la quarantaine de spectateurs présents à la soirée d'ouverture. mais plus j'y pense, et plus il m'a touché ce Gigi...
jeudi :
170
ENNIO
de Giuseppe Tornatore
Magistral, c'est le premier mot qui vient, devant ce film qui donne la parole au principal intéressé, qui nous raconte sa vie et sa carrière, avec tout un tas d'extraits de films (des western-spaghetti, mais pas que...). plus de deux heures trente, mais on ne voit pas le temps passer, et on se sent comme le petit gamin face à l'écran dans le CINEMA PARADISO, les yeux écarquillés et la mâchoire tombante, ébahi face à l'écran.Beaucoup de ces films, je ne les ai pas vus, mais, d'entendre le maestro les évoquer avec tant de, justement, maestria (de précision, d'intelligence, d'humour), ça donne envie de les (re)voir tous. illico presto. Un grand plaisir de cinéma. (c'est rare de voir quelqu'un nous expliquer en détail comment est né telle ou telle musique de film, et lui en a composé tellement...)
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BANDITS A ORGOSOLO
de Vittorio de Seta
Celui-là on peut dire que c'était le bébé d'Hervé, qui a "beaucoup insisté" pour qu'il figure dans la programmation. Un cinéaste que je ne connaissais pas (mais dont Carlotta a réédité, le même jour que ce film-ci, LE MONDE PERDU, un programme de dix courts-métrages documentaires, du même réalisateur), un "poète du réalisme" (dixit la pub sur l'affiche). Un film à cheval (à mouton plutôt) entre la fiction et le documentaire, comme on les aime, dans un noir et blanc splendide, qui évoque la traque par les carabinieri d'un berger qu'ils ont pris à tort pour un brigand (à cause d'un demi-cochon trouvé dans son sac,) alors qu'il n'y est pour rien. Le berger fuit avec son jeune frère et tout son troupeau (ce qui ne facilitera pas les choses, on s'en doute...). Bref, une très belle découverte (si le film marche bien, on pourrait même envisager de projeter les courts l'année prochaine, non ?)
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ARIAFERMA
de Leonardo di Costanzo
Bon, je ne vais pas mégoter : j'ai ADORÉ. Les films "de prison" c'est comme les films "de sous-marin" : j'ai un gros faible pour ça (promiscuité virile, etc.) mais celui-là n'est pas tout à fait comme les autres. Le seul personnage feminin (la directrice) disparaît assez vite après avoir laissé les clés de la vieille prison où va se dérouler le film à un groupe de gardiens, qui doivent surveiller l'ultime douzaine de prisonniers qui n'ont pas été transférés, dans l'attente, justement de l'arrivée de l'arrêté qui devrait les fixer sur leur sort. Il s'agit donc de la gestion du "vivre ensemble" entre matons et détenus, dans des circonstances un peu exceptionnelles... Parmi tous ces hommes, figurent deux ténors (cadors) du ciné transalpin : Toni Servillo et Silvio Orlando, chacun à la tête de son clan, le premier des gendarmes et l'autre des voleurs. Et le réalisateur de mettre minutieusement en place l'observation de ce nouveau modus vivendi, toujours à la limite du déséquilibre, et de la fragile -mais de plus en plus prégnante- fraternité qui se met progressivement en place et culmine dans les quatre dernières scènes (une séquence sublime de repas, suivie d'une autre qui l'est tout autant, sur le Clapping Music de Steve Reich, puis celle de Fantaccini, et enfin celle du jardin). Ce qui s'est passé est pour moi assez rare : à la fin des presque deux heures du film, lorsque, après un dernier gros plan sur un des deux visages (mais le compère a eu le sien juste avant), lorsque le générique a commencé, je me suis senti frustré, parce que je ne m'y attendais pas, là, et que j'en aurais voulu PLUS.
(Top 10).
(Et pourtant, malgré l'avant-première, on n'était que six dans la salle! Quelle misère!)
Revu quelques jours plus tard, cette fois on était presque une vingtaine!
Et le film m'a tout autant bouleversé (et donné à nouveau ce sentiment de "C'est trop court!")
Et comme Emma venait mardi après-midi, eh bien je l'y ai accompagnée (oui, je l'ai vu trois fois!!)
vendredi :
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MAMMA ROMA
de Pier Paolo Pasolini
Troisième "Patrimoine" de la semaine, ce film de Pasolini, qui vient de bénéficier d'une re-sortie en copie neuve restaurée (Merci Carlotta!) à propos duqel on aun peu hésité : on voulait un Pasolini, oui, mais lequel ? On a cogité, et celui-ci a parfaitement fait l'affaire. Ah, la Magnani dans ses grandes oeuvres (je ne la connais finalement pas tant que ça : la dernière fois c'était dans ROME VILLE OUVERTE), l'histoire de Mamma Roma, une pute au grand coeur, qui n'a pas sa langue dans sa poche, et qui s'affranchit -en chansons- de son souteneur lors de la première scène (un mariage).
Et qui, comme aurait dit quelqu'un que je connais, "va boire le calice jusqu'à la lie, y compris les crachats..." (il est très fort en métaphores christiques). Sa liberté reprise, elle va récupérer son fils, Ettore, un ragazzo qui ignore tout du passé de sa mère, avec qui elle va s'installer dans un nouvel appartement, avec des rêves de "normalité" et d'avenir radieux pour son fils et elle. Evidemment la réalité va la rattraper au galop (et même la percuter assez violemment). On pourrait dire qu'on restera dans la métaphore christique jusqu'au bout ... Pasolini n'aimait pas beaucoup ce film, qu'il considérait comme une copie de Accatone, son premier. mais nous on trouve ça plutôt très bien...
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A CHIARA
de Jonas Carpignano
On revient à la couleur et à notre époque pour l'histoire de cette adolescente (elle donne son titre au film) dont le père disparaît soudain, après une longue exposition familiale et plutôt joyeuse (c'est d'ailleurs une vraie famille qui joue celle qui est dans le film) où l'on fait connaissance avec toute la famille. Une ado qui a du caractère, et qui cherche absolument à savoir le fin mot de l'histoire. Elle apprend, en même temps que sa disparition, qu'il fait partie de la mafia locale. D'habitude ce simple mot suffit à me faire rentrer dans ma coquille comme le plus effarouché des escargots, mais bon là ça n'est pas tout à fait comme d'habitude. Une très jolie scène de retrouvailles sous le vent et la pluie (qui commence avec des gouttes sur la vitre, comment voulez-vous que je résiste...)
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NOSTALGIA
de Mario Martone
... Et c'était déjà le huitième et dernier film de cette Settimana (de grand cru), avec cet acteur que Zabetta avait trouvé magnifique dans Le Traître, qui interprète un personnage qui revient dans sa ville (Napoli) des années après l'avoir quittée, retrouve sa vieille mère, et cherche absolument à rentrer en contact avec un certain Oreste, qui fut son meilleur ami avant qu'il ne quitte la ville, (et avec qui il partage un secret) mais qui, il va l'apprendre grâce à un curé sympathique (en soutane!) qui l'aide, est devenu un sale bonhomme, un caïd de la mafia locale... infréquentable, inapprochable, à fuir. Ils vont finir par se rencontrer, et le film, très noir, va hélas finir comme on se doutait bien qu'il allait finir... Une scène finale curieusement déshumanisée, en silence, traitée comme l'aurait été un fait-divers au journal télévisé.