MELANCHOLIA
de Lars Von Trier
Deux titres, oui, car deux films pour le prix d'un, quasiment! Je le viens de le voir, et je dois dire que ça m'a plutôt secoué!
On commence par un préambule sublimissime, en ce qui me concerne. d'une beauté totale, absolue, et pourtant presque minimaliste : des images fixes croit-on d'abord mais qui s'animent à peine, soyeusement, péniblement : pluies d'oiseaux morts, de cendres, chutes, flammes, on sait d'ores et déjà à quoi s'en tenir... tout est dit, déjà, et il n'y a qu'à suivre le film pour y retrouver ces fragments échappés et suspendus. transfigurés.
S'ouvre alors la première moitié du diptyque, intitulée Justine, et consacrée à la première des deux soeurs (celle jouée par Kirsten Dunst) et qui, (unité de temps, unité de lieu, unité d'action) se déroulera pendant le mariage de cette dernière -enfin, juste le banquet et la fête qui suit- et, vue la quantité d'invités et les moyens mis en oeuvre, il ne s'agit pas d'un mariage lambda... mais qui dit mariage fastueux ne dit pas forcément mariage heureux. Justine n'est pas bien dans ses petites chaussures de mariée, et on dirait qu'elle s'emploie systématiquement à faire tout capoter. Malgré un emploi du temps strictement minuté, elle n'est jamais au bon endroit au bon moment ni en train de faire la bonne chose. Paradoxalement, cette partie pas forcément youp la boum est traitée avec une quasi-légèreté de comédie. pourtant, il y a de la souffrance, de la douleur, des reproches, des paroles blessantes échangées (Charlotte Rampling est assez terrifiante, dans le genre), des fuites, des règlements de comptes, des retours, des déchirements, des apaisements, mais comme si le réalisateur relativisait, en nous disant que, finalement, tout ça ne compte pas pour grand-chose. Comme si Lars Von Trier avait soigneusement collé son microscope tout près, juste au-dessus, de l'agitation d'un nid de fourmis, visible mais pas forcément compréhensible, les avait observées soigneusement, avant de tout à coup les abandonner, pour prendre de la hauteur, de l'ampleur, au-dessus d'un paysage plus global dont elles font certes toujours partie mais où on les oublie, on ne les perçoit plus.M=
Vient alors la deuxième partie, intitulée Claire (la deuxième soeur, jouée par Charlotte Gainsbourg, qui aurait, tout autant que Kirsten Dunst mérité le prix d'interprétation à Cannes, mais bon, on ne pouvait peut-être pas lui donner deux fois de suite...) où l'on rentre dans le vif du sujet, enfin, celui que la pub autour du film nous a vendu : la planète Mélancholia fonce vers la terre, et ça va bientôt être la fin du monde. Oui ? non ? Claire craint que oui, son mari (joué par l'excellent Kiefer Sutherland pour l'identication duquel il m'aura fallu tout de même attendre le générique de fin -glacial- ) pense que non, leur gamin se dit que peut-être, et Justine, arrivée en piteux état dans leur maison -genre légume inerte- mais qui s'est reconstituée à vue d'oeil, sait des choses. remise d'aplomb, remise sur pied, pendant que sa soeur Claire , justement, commence à perdre pied, à sombrer dans le désarrroi, puis le désespoir, puis la panique... cette partie là est traitée "sérieusement" mais calmement. dignement, pourrait-on dire.
Nous accompagnons ces personnages jusqu'au dernier instant, inéluctable, inimaginable, et magnifique, qui génère une émotion d'autant plus violente et durable qu'elle est coupée cut et suivie d'un générique absolument et implacablement silencieux. Larmes aux yeux, alors, forcément.
Sublime, oui, forcément sublime.
(et j'aime bien l'idée, le "message" de Von Trier qui dit que, finalement, la dépression, le pessimisme, ça aide d'autant mieux à se préparer au pire...)