DES HOMMES ET DES DIEUX
de Xavier Beauvois
Il est vraiment très fort, Xavier Beauvois... J'allais voir son film dans un état d'esprit un peu méfiant : louages unanimes, bondieuseries, etc. Ma copine Dominique m'avait dit "tu verras, il y a une très belle scène..." Je l'ai donc cherchée. Puis trouvée, assez rapidement. Et c'est alors que, la suivante... "Non, ça doit être celle-là" me suis-je dit... puis la suivante : "non, non, plutôt celle-là..." Et ainsi de suite. Jusqu'au bout.
J'avançais dans le film de Xavier Beauvois comme dans un escalier du beau, du touchant, ou plutôt comme on traverserait une suite de pièces (il n'y a pas, de notion d'augmentation, pas de hiérarchie -un peu comme chez les moines, chacun a une (sa) place à tenir-, on reste ici sur un niveau constant). C'est vraiment très fort. En dépeignant le quotidien de ce groupe d'hommes, entre le mystique et le prosaïque, la foi et le labeur, le religieux et le politique, le dehors et le dedans, Xavier Beauvois met en place une chronique infiniment juste, simple et touchante. Oui, ce ne sont que des hommes, avant tout, avec leurs doutes, leurs faiblesses. Et c'est bien cette condition humaine qui fait toute la force du film. quand elle est comme prise en étau entre, d'un côté, l'ascèse et la spiritualité, et de l'autre, et les contingences terrestres (la colonisation, la violence, la guerre...).
UN film hybride, entre l'icône et le tract ronéotypé.
Ce monde a priori clos qui s'entr'ouvre sur l'extérieur (les soins
médicaux, la participation à la vie du village) va devoir se positionner
, prendre parti, face à la politique, l'absurdité des conflits,
l'aveuglement des parties en présence. et faire des choix. Partir ou rester. Mais pourquoi (et pour quoi) ?
Des hommes qui chantent, des hommes qui travaillent, des hommes qui écoutent de la musique sur un radio-cassette en buvant du vin rouge, des hommes qui jardinent, des hommes qui regardent passer les hélicoptères, des hommes qui marchent dans la neige...
Des hommes qui parlent aussi. Les scènes de discussions et d'échanges entre les moines, où chacun est amené à exprimer ses opinions, ses choix, sont très fortes, et toutes celles avec ce zigoto sourcilleusement débordant de Michael Lonsdale sont parfaites, qu'il parle d'amour avec une jouvencelle ou qu'il coupe court à une discussion par un "laissez passer l'homme libre..."
Il y a dans chacune des scènes, tour à tour, quelque chose d'émouvant, de poignant, que ce soit dans la douceur (Lambert Wilson s'occupant de Lonsdale endormi avec la sollicitude d'une mère, le plat de frites, le dernier repas), la violence (l'irruption des rebelles le soir de Noël) ou les deux à la fois (les hommes qui chantent et l'hélicoptère).
C'est -paradoxalement ?- encore un film doux (Apitchounet, quand tu nous tiens...), qui parle aussi d'hommes, de foi, de choix et de mort... (même si pas du tout dans le même registre), et incontestablement efficace (il suffisait d'écouter le silence -religieux...- dans la salle, quand les lumières se sont rallumées à la fin du générique) sans effets, sans artifices (le seul petit bémol que j'y mettrais serait peut-être l'interprétation un peu excessivement habitée de Lambert Wilson : bien sûr c'est lui le moine-en-chef, l'intello, celui qui étudie les textes sacrés (qu'ils soient catholiques ou musulmans), mais le personnage frôle souvent la pose messianique, tandis que les autres, justement sont avant tout des hommes...), avec un travail sur la lumière absolument superbe.
Un beau moment de cinéma.
Simplement, justement....