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lieux communs (et autres fadaises)
15 décembre 2011

ivanhoé

CARNAGE
de Roman Polanski

Autant le dire tout de suite, j'ai vraiment passé un excellent moment... J'avais vaguement envisagé à un moment de le boycotter, à cause de la dame qui a écrit la pièce dont le film est l'adaptation -et qui a d'ailleurs co-signé le scénario- mais je me suis ravisé en disant qu'il ne fallait pas mettre de la politique dans tout, et surtout que j'avais diablement envie de voir ce quatuor d'acteurs faire craquer le vernis des conventions sociales dans ce huis-clos new-yorkais.
Jodie Foster, Kate Winslett, Christopher Waltz, et mon chouchou John C. Reilly ont été tous les quatre à la hauteur de mes espérances. Le film est sans véritable surprise, on sait d'avance ce qu'on va voir, le fissurage et l'éclatement de la mince cloison qui sépare l'homme du bestiau, et la révélation (le révèlement ?) des vraies identités de chacun. Le cahier des charges est strictement respecté (tout se passe en appartement sauf le prélude et le postlude, génériques de début et de fin filmés toutefois entre deux arbres), et chacun des quatre mousquetaires donne le meilleur de lui-même : Waltz dans l'odieux, Reilly dans le bonhomme, Foster dans la petite-bourgeoise et Winslett dans l'executive woman, dans un premier temps, car, passées les politesses (les préliminaires) et les minauderies fort civiles de circonstance (d'usage), les affontements vont se faire de plus en plus intenses (surtout après quelques rasades de whisky, même si c'est du 18 ans d'âge!)
Tout ça filmé assez astucieusement (quitte à être enfermé dans un appartement, Polanski sait en exploiter au mieux les ressources (et les espaces afférents), et fignole ses cadrages et re (cadrages), et rajoutant donc au plaisir un brin sadique du spectateur moyen à voir ses semblables s'entredéchirer et s'en foutre plein la gueule pour pas un rond, sans souci du qu'en-dira-t-on. agréablement jouissif (aimablement régressif ?).
Encore plus savoureux si vous aimez (dans le désordre) le clafoutis pomme-poire, les catalogues épuisés de Kokoshka, les gros cigares, les tulipes, les jets de vomi à l'horizontale, les sèche-cheveux, les portables dans la flotte, j'en passe et des meilleures...

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10 décembre 2011

pulsions

SHAME
de Steve Mc Queen

Vu en cet après-midi froid et brouillasseux. Une dizaine de personnes dans la grande salle pour cette première séance.
(un peu plus tard)
Fin du film. Générique, on reste assis, un peu groggy. Un film malcommode, malaisé, dérangeant,  mais sans aller jusqu'à l'insoutenable comme pouvait l'être Hunger, film précédent du réalisateur (vu dans l'épouvantable salle 6 du MK2 Beaubourg, et fini complètement en larmes -Marie-Hélène aussi d'ailleurs-).
Malcommode pour moi, perso, à plus d'un titre, puisque le héros souffre d'une dépendance au sexe, virtuel ou tarifé de préférence (aïe), qu'il a une soeur avec qui la communication n'est pas facile (aïe aïe), et du mal à s'engager dans une "vraie" relation (aïe aïe aïe) affective ou dans un rapport sexuel "normal" (aïe aïe aïe aïe).
Ca démarre fort avec, notamment,  une scène de drague dans le métro à mi-chemin entre Brian de Palma et David Lynch (si, si!) mettant en scène l'impressionnant Michael Fassbender (déjà époustouflant dans Hunger) qu'on ne quittera d'ailleurs pratiquement pas  de tout le film. Un personnage fermé, parlant peu, dont on sait au début (et dont on se saura à la fin que) finalement peu de choses. Genre beau bloc de granit. De l'appartement au travail, et du travail à l'appartement. Et retour. Vie new-yorkaise "normale" de mec sans problèmes financiers, sans véritable vie privée (sans âme ?). Au début, on pense avoir pigé le truc, on se dit "tiens, il nous filme un sex addict, mais on ne verra pas de scène de sexe, tout sera en off", puis, je ne sais pas vraiment pourquoi, on pense soudain au Crash de Cronenberg, mais peut-être en version "soft" (ou désintellectualisée ? ou plutôt réactualisée ?), puis non, finalement, on est transbahuté encore ailleurs, autrement, on zigzague, on dérive  au fil des manipulations adroites et des virages attendus / inattendus effectués par le metteur en scène.
Qui fait de ce personnage pas vraiment aimable (pas vraiment vivant ?) un objet de fascination, de séduction, de manipulation, de répulsion, de révulsion, de... On pourrait en rajouter ainsi toute une litanie. Avec, pour parler de l'emballage cinématographique, un sens toujours aussi incontestablede la composition et du cadrage (peut-être un peu moins étudiés / millimétriques / tape-à-l'oeil que dans Hunger), et une utilisation de la musique systématiquement assez bluffante, à contre-sens à contretemps (à contre-rythme, a contrario ?)
Elle n'accompagne ni n'illustre, elle serait plutôt contre (je pense notamment à cette version glamour minimaliste presque "dernier soupir" de New-York New-York chantée par la soeurette) assez souvent étonnamment calme/triste/simple par exemple à des moments où on aurait pensé habituellement à quelque chose de plus martial/violent/enlevé.
Un film glaçant, peut-être un poil trop sûr de ses effets. A l'image de la séduction "professionnelle" que pratiquent, justement, les... professionnelles. Quelque chose de joli, d'appétissant, de super bien carossé en apparence, de stimulant intellectuellement a priori mais qui n'est peut-être finalement que ça, une apparence, un faux-semblant.(C'était pas le titre français d'un film de Cronenberg, justement ?) Qui finalement vous trompe (dans les multiples sens du mot). Professionnellement. Il y a tout de même là-dedans, et tout au long du film, une froideur terrible, anxiogène. Et c'est dur de s'en protéger, de se blinder comme le sont la plupart des personnages (mâles) de cette histoire.
A la sortie, oui, j'étais soudain de retour dans la "vraie vie", mais j'étais encore profondément dans le film, et ça ne faisait pas un contraste si violent après tout. Bruinasse, froid, grisaille, gens qui trognent, trottoirs luisants mouillés glissants. (Il y a dans le film deux très belles scènes de courses, en sens inverse d'ailleurs, qui m'ont beaucoup plu, comme m'avait plu celle de Denis Lavant dans Mauvais sang...) Avec dans la bouche comme un sale arrière-goût.
Un film qui marque, oui.
A digérer.

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7 décembre 2011

tout le monde sait ramer

LES GEANTS
de Bouli Lanners

Depuis juillet qu'on nous faisait languir, avec la sortie de ce film, mystérieusement repoussée puis ajournée. On avait tellement aimé son Eldorado qu'on se languissait en attendant le troisième film en tant que réalisateur de "notre" Bouli L.
Et le voilà enfin, oh, juste pour deux soirs, sur les écrans de nôtre bôô cinéma. une séance de 18h, à la suavette (je voulais écrire sauvette, mais finalement suavette n'est pas mal non plus!), attrapée de justesse grâce à Marie (merci à elle).
Premiers plans (juste de l'herbe qui bouge, pourtant), j'avais déjà les larmes aux yeux : cet homme a un sens de l'espace inné, un sentiment géographique de la composition ahurissant. Dans un scope qui laisse respirer les paysages, verts, bleus, humides, aériens, il narre les aventures de trois gamins, mi-petits cochons mi-pieds nickelés, aux prises avec des adultes plus épouvantables les uns que les autres, dans un récit aussi goguenard qu'attendri, entre le conte et la fable. La Belgique, le "petit peuple", les tronches, le road-movie, on est en terrain de connaissance, le terreau fertilisant à histoires de "notre" Bouli (c'est qu'on l'aime, cet homme).
Là il n'a pas placé la barre "plus haut", il l'a juste mise ailleurs. En suivant ces trois enfants, il nous raconte encore une fois un peu la même histoire (défection parentale, force de l'amitié, chronique d'apprentissage) en opposant viscéralement pourrait-on dire le monde de l'enfance (ou du début de l'adolescence) à celui, sans espoir semble-t-il de l'état d'adulte. Ce sont trois versions masculines d'Alice au pays des pas merveilles du tout, sommés de grandir peut-être un peu trop vite, et contre leur gré aussi. Et nos trois Aliçons sont forcés d'aller sans cesse de l'avant, de fuir à chaque fois un peu plus loin.
Au sein de paysages amoureusement scénographiés (n'y aurait-il eu que ceux-ci que le film aurait déjà été magnifique), c'est un peu une cavale sans espoir qui se met en place (et on en veut presqu'un peu au réalisateur de les abandonner, ainsi, dans une fin ouverte et aquatique qui sous des apparences de calme idyllique n'est rien moins qu'inquiétante, tout de même. Oui, c'est le mot qui m'est venu : dommage qu'il les abandonne ...) en même temps qu'une chronique lumineuse (une comptine ?) oscillant perpétuellement entre la rigolade et le serrement de coeur.

Les trois gamins sont parfaits, avec une mention spéciale pour le petit, avec ses yeux de chien battu et ses bonnes joues, qui doit ressembler à Bouli quand il était petit, tellement il m'y a fait penser... Les adultes sont soit étranges (le personnage joué par marthe keller), soit absents (la mère, qu'on ne verra jamais), soit affreux (tous les autres). Grandir, ça veut forcément dire ressembler à ca ? On comprend que les gamins aient les boules et préfèrent prendre la poudre d'escampette...

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Je viens de voir sur allociné (c'est maintenant aussi une chaîne de canals*t) une interview promo de Bouli himself, barbu hirsute, casquette, lunettes de soleil frime, bref total look fondant pour moi... Quest-ce qu'il est bien cet homme!

28 novembre 2011

le plaisir de chanter (en noir et blanc)

NE CHANGE RIEN
de Pedro Costa

Celui-là, je peux dire que je désespérais de pouvoir le voir un jour. Un an, que je l'attendais. Et puis, tout arrive, le mois du Doc, on fait la programmation, je propose, et miracle ça passe ! Bonheur, bonheur. Et appréhension, aussi : et si tant d'attente et de ferveur ne débouchaient que sur du rien ?
Dès la première seconde, je sais que non. Un noir et blanc charbonneux, très dense, intense, sublime, très très noir (et un peu blanc). Jeanne Balibar (et Rodolphe Burger) en concert, puis en studio, pour l'enregistrement du premier album  Paramour (et aussi du deuxième  Slalom dame.)
Et me voilà plongé dans un genre de liquide amniotique musical et cinématographique, bienheureux, dont je ne sortirai qu'à regret(s). Je dois préciser que le son de guitare de Rodolphe Burger, saturé et réverbéré, me procure, au départ, un véritable plaisir physique.
Puis la même Jeanne, en répétitions pour La périchole (et là je me surprends à me dire "Tu es en train de jubiler devant un plan fixe d'une porte, avec des voix hors-champ, juste ça, et tu trouves ça merveilleux..." et c'était exactement ça. Par moments, j'étais tellement béat que j'en aurais presque oublié de respirer. Le film alterne studio et scène, musique et théâtre, enregistrement et répétitions, dans cette pénombre à gros grains de grotte, de sanctuaire, de refuge.
Un film interne, intime, intense.

(je viens d'y retourner, d'ailleurs samedi à 18h, et j'étais tout seul dans la salle : une séance privée , avec juste Rodolphe, Jeanne et moi. Et le film m' a paru passer extrêmement trop vite...)

On pourrait appeler ça un état de grâce, un hasard qui fait converger fortuitement des tas d'éléments au départ disparates pour faire en sorte qu'à l'arrivée tout soit... parfait. Le travail de création (le studio, la leçon de chant, les répétitions), puis de re-création (la scène, qu'elle soit de concert ou de théâtre, à la seule différence que celle de théâtre sera toujours off) .
Beaucoup d'ombre et un peu de lumière (beaucoup de sueur pour un peu de génie disait Einstein, non ?), des choses qu'on répète, encore et encore, qu'on module, qu'on s'approprie, qu'on commente, qu'on re-tente. Avec la caméra de Pedro Costa proche et amicale comme un animal de compagnie. J'avais vu déjà ce noir et blanc attentionné dans le superbe Où gît votre sourire enfoui ? -beau titre, non ?- (sur le travail de montage des Straub-Huillet) c'est pourquoi je fondais beaucoup d'espoirs sur celui-ci.
Avec raison.
Le film, à la deuxième vision (c'était peut-être de la gourmandise, mais ça me semblait nécessaire) est encore plus riche, encore plus élaboré sous ses apparences débraillées. Méthodique et construit, mais aussi aventureux et désinvolte. Autant qu'il est paradoxalement possible de l'être. Rigoureusement beau. Avec un très beau travail sur le son (c'est aussi -au départ- un film d'ingénieur du son, ne l'oublions pas) : ce qui est audible et ce qui ne l'est pas, ce qui est généré et ce qui est spontané, ce qui est enregistré et ce qui n'est que dit...
Avec ces notes de guitare qui vous restent longtemps, longtemps après encore, imprimées sur les neurones. Et ces mots chantonnés "je me mutile, c'est bien utile pour attirer ton attention..." répétés, polis, roulés.
Du plaisir pur, avec un grand P, comme Pedro.

Top 10, même si c'est un film de 2009!


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27 novembre 2011

"tiens, dit-elle en ouvrant les rideaux, les voilà."

LES NEIGES DU KILIMANDJARO
de Robert Guédiguian

Bien content de le retrouver, l'ami Robert (...) de retour dans son élément : Marseille, après quelques tours et détours ici et là,ailleurs, plus loin, pas forcément plus intéressants... De retrouver les membres de l'"équipe" originelle (Ascaride, Darroussin, Meylan) en compagnie de quelques nouveaux (Canto, Leprince-Ringuet, Stévenin Jr...) dans une histoire en forme de "retour" donc, à tous les niveaux : retour à Marseille, retour sur soi, retour d'âge, retour de bâton, retour d'affection...

Affectif, c'est peut-être le maître-mot, entre l'amour de Jean-Pierre et d'Ariane, et l'amitié (d'enfance) entre Gérard et Jean-Pierre, deux axes qui sous-tendent une existence pas plus youp-la-boum que la moyenne, juste quand on est  parvenu à un certain âge, avec un certain niveau de vie, une vie, justement, avec juste des hauts et des bas  (le film commence avec un licenciement "à bulletins secrets", se continue avec une scène d'anniversaire, bifurque avec une scène de braquage, rebondit sur une accusation, re-vire sec avec une tempête sous des crânes, etc. ), où ce qui compte avant tout c'est la relation avec les autres, le lien, qu'il soit familial, affectif ou professionnel.
"Petites" gens : pas la misère, non, mais on rame un peu, on s'accroche (le film est d'ailleurs "inspiré" par le poème de Hugo intitulé Les pauvres gens, que, coïncidence, j'avais appris quand j'étais au collège, que j'aimais d'ailleurs tout particulièrement, puisque je peux encore le réciter "l'homme prit un air grave, et jetant dans un coin son bonnet de forçat mouillé par la tempête...", jusqu'à ce dernier vers qui donne son titre à ce post), on avance, jusqu'à se retrouver dans un certain état,  et dans certaines circonstances, où on peut en quelque sorte faire le point, revoir ce qu'on a vécu, ce qu'on est devenu,  à l'aune des paramètres qu'on avait posés lorsqu'on était plus jeune(s), des espoirs, de la lutte, des révoltes... Oui on peut se dire alors "qu'est-ce que j'ai fait de ma vie ?", en prenant son pastis et en mangeant des cacahuètes, assis sur son balcon.
Cet état, plus ou moins placide de semi-retraite, va subir de plein fouet le choc d'un braquage à domicile (lors d'une soirée entre les deux potes et leurs épouses respectives), qui va soudain bouleverser les existences de ces deux couples d'amis, chacun réagissant à sa façon non seulement par rapport à lui-même, mais "lien" oblige, par rapport à chacun des autres.
La grande force de Guédiguian, c'est cet ancrage indiscutable dans le terreau du quotidien, de la "vraie" vie, et le fait qu'il soit servi par des comédiens au mieux de leur forme (au plus près d'eux-mêmes ?), aussi stupéfiants de justesse que pétris, justement, d'humanité. Tous au diapason, dans un jeu intense, mais comme apaisé, souriant, émouvant comme ce sourire "solaire" d'Ariane Ascaride presqu'à la fin, sur la plage, juste avant le, justement "les voilà...".
Un film populaire (comme "front populaire" plutôt que "chanson populaire"), fort touchant (oui, j'ai pleuré quelques hectolitres), et juste (aïe rouvrirons-nous le débat fumeux : sensiblerie ? démagogie ? irréalisme ? racolage? putasserie ? NON NON NON PAS DU TOUT!)
Un film où pourront se reconnaître pas mal de quarante- et cinquantenaires me semble-t-il... Un film plein d'espoir et de foi en l'autre (et en l'avenir, peut-être en celà serait-il irréaliste ?) qui ne prône pas en tonitruant des lendemains qui chantent, non, juste qui chantonnent, et c'est déjà pas mal...
Welcome back, Robert!
Un très beau moment.

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19 novembre 2011

l'armistice est signé

50/50
de Jonathan Levine

Celui-là, j'aurais pu le voir en proj' de presse aux vacances de la Toussaint, si l'attaché de presse de la boîte en question avait daigné répondre à mon mail. J'avais envie de le voir pour une seule et unique raison (oui oui j'assume) : Seth Rogen, gros nounours découvert dans les films de Judd Apatow, et dont c'est rien de dire qu'il me fait de l'effet...
Un jeune homme apprend qu'il a le cancer (ah, ça rigole déjà moins, hein ? s'il y en a un qui dit "encore ?", je lui colle une gifle) et doit donc suivre le parcours obligé : l'annonce aux proches, la chimio, les effets indésirables, la thérapie, l'opération, mais comme c'est d'après une histoire vraie, on sait déjà que ça finira bien.
Le jeune homme, c'est Joseph Gordon-Levitt, déjà (agréablement) vu dans maints films indépendants et/ou sundancesques. Il a une copine mais leur relation vacille, et voilà-t-y pas que sa nouvelle thérapeute s'avère être tout aussi mimi qu'inexpérimentée (professionnellement), et qu'entre les deux son coeur aussi vacille. sans oublier que sa maman est Anjelica Huston, et que c'est rien de le dire... et que son meilleur pote, c'est donc Seth Rogen.
Le film se laisse voir, plan-plan, ne force pas trop sur les lacrymales mais ne sollicite pas outrageusement non plus les zygomatiques. Seth Rogen fait  -heureusement ?- son Seth Rogen à donf (le genre "adorable bourrin" comme j'aime) il est là pour dire bite couille pipe et branlette, et il remplit  son office, un peu sans surprise quand même.
Le film est sympathique mais aussi maladroit (et je pensais, en le regardant, que si Intouchables est racoleur, celui-ci pourrait tout aussi bien quasiment être qualifié de putassier, non ? ou bien je n'ai rien compris ?) en déséquilibre, quoi, des fois agaçant et des fois mou-mou d'ailleurs je me suis un peu endormouillé au milieu (smiley confus).
Alors, Seth Rogen ? Autant revoir Funny People, Zack et Miri tournent un porno ou 40 ans et toujours puceau! (non, c'est vrai, il n'est pas gâté par les titres de ses films)

 

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14 novembre 2011

plus une goutte

BEAUTY
d'Oliver Hermanus

Celui-là, j'avais souhaité qu'on le programme, mais finalement je ne savais plus jusqu'à quel point j'en avais envie, l'avis de Zvezdo m'ayant encore un peu refroidi, car, glacial, le film l'est, et même aussi glaçant parfois (pourtant on est en Afrique du Sud et tout le monde transpire).
C'est le portrait d'un beauf 100% pure beef (comme dirait Libé "tout en poils et en muscles"), le bourrin moyen : moyen beauf, moyen raciste, moyen père de famille... normal quoi, en apparence. Sauf que. Il a un léger problème dont il ne peut parler à personne : il aime  coucher avec des messieurs ; il le fait d'ailleurs régulièrement (et assez lugubrement, d'ailleurs). Le reste du temps, il ment. A sa femme, à ses employés, et à lui-même surtout.
Deon Lotz, l'acteur qui l'incarne, est vraiment saisissant dans ce rôle -on penserait presque parfois à James Gandolfini, des Sopranos- une montagne virile comme avec une petite souris qui la rongerait de l'intérieur. Un mastard soudain pris de vertige lorsqu'apparaît dans son champ de vision un jeune et joli bellâtre, le fils d'un ami de la famille, d'ailleurs, pour qui il va illico nourrir des sentiments, inavouables bien évidemment pour ce parangon de virilité hétéromorphe qu'il est censé (réduit à) incarner.Invivables.  Il va se mettre à mentir un petit peu plus, pour tenter de se rapprocher du jeune homme, pour vérifier si leurs comportements sont compatibles.
Le côté "je le désire, je ne sais pas ce qui m'arrive, qu'est-ce que je peux faire, je sais pas quoi faire" est assez fidèlement et finement rendu (en plus, c'est un mode de fonctionnement que je connais bien puisque je le pratique -pratiquais- régulièrement). Les regards, l'attente, les gestes, les frémissements. l'équivoque. La suite est plus éprouvante (notamment lors d'une scène de climax quasi insupportable.)
C'est peut-être le traitement qui pose problème. Le montage un peu languissant, les plans de coupe paysagers (c'est saisissant, juste après avoir vu Il était une fois en Anatolie, où les images de paysages, justement,  étaient partie intégrante du récit, ici elles ne sont qu'illustrations plates et un peu vides, extérieures, en tout cas), des choix de montage et de mise en scène discutables. Une tristesse profonde et irrémédiable. Et les ambiguités et les ellipses, plutôt brutales, du récit.
Un beau portrait d'un homme dévasté (de deux, en fait) mais des promesses hélas non complètement tenues. Frustrant  (c'est le cas de le dire).

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13 novembre 2011

"celui qui tient le pot de miel...

IL ETAIT UNE FOIS EN ANATOLIE
de Nuri Bilge Ceylan

... il se lèche les doigts..." C'est un proverbe local, entendu dans le film (et recopié à tâtons dans le noir pour ne pas l'oublier), et c'est ce que j'ai fait pendant deux heures trente, tellement j'ai aimé ce film. Bon, certes, je ne suis peut-être pas tout à fait impartial, et, si ce film se fût passé, au hasard, en Nouvelle-Zélande ou au Burkina-faso,  je l'aurais peut-être reçu avec moins d'enthousiasme gourmand (ou de gourmandise enthousiaste) à propos de ses autochtones. Que voulez-vous, j'ai pour ces beautés moyen-orientales un appétit certain, (je devrais mettre "beautés" au masculin, pour être plus exact), et c'est vrai que, pendant toute la première partie du film (il y en a, grosso-modo, deux, qu'on pourrait nommer "la nuit" et "le jour"), pendant la nuit, donc, on va voyager sur des routes cahotantes et anatoliennes en compagnies de divers spécimens de la faune virile locale standard : des rondouillards, pileux et mal rasés, bref, juste comme je les aime (sauf le "héros", qui, s'il est aussi moustachu et mal rasé, est juste beau).
Beau, le film l'est aussi, incontestablement, considérations pileuses mises à part, et j'avais tellement envie de ne pas en perdre une miette que j'ai résisté à l'envie d'aller aux toilettes pendant la projection. Oui, déjà, plastiquement, c'est une merveille. Les scènes d'ouverture (un gros plan à travers une vitre sale, puis un extérieur crépuscule devant un garage) m'avaient déjà "harponné", et les suivants ne font que confirmer. Le cinéma de Nuri Bilge Ceylan me fascine et me comble. Les paysages anatoliens y sont pour quelque chose, certes, mais pas que.
Toute la première partie  est une forme de road-movie turc nocturne et minimal (3 voitures, dans lesquelles sont entassés : des sommités  (un procureur, un commissaire, un médecin -c'est lui le "héros"-), des flics, des hommes à tout faire, et un meurtrier) à la recherche d'un cadavre enterré par le susdit meurtrier qui ne se rappelle plus où. Lumière des phares, pénombres, visages fatigués, conversations fractionnées, arrêts répétitifs, interrogations, exaspérations... C'est plus que la recherche d'un cadavre qui se joue, ici, quelque chose de plus profond, de plus ample, et à la fois de plus simple. Juste des hommes ensemble, et, comme écrivait Léo Ferré "avec des problèmes d'hommes, des problèmes de mélancolie"...
Dans la nuit les voitures tournent un peu en rond (ils n'auront fait au matin qu'une trentaine de kilomètres) et ainsi font dans les bagnoles les petites ritournelles existencielles de chacun. Le procureur bonhomme, le commissaire sanguin, le docteur tristounet, chacun s'entr'ouvre un peu à l'autre, les histoires se frottent, les demi-mots flottent, c'est mystérieusement et continuellement passionnant (comme dirait Dominique, "avec un sujet pareil, on aurait pu/dû s'ennuyer, mais pas du tout...") On allume des cigarettes, qu'on fumera ou pas, on s'arrête pour pisser, on rigole... Choses simples, c'est la vie. Le réalisateur à partir d'un matériau de base plutôt brut, presque trivial, façonne on ne sait comment une étoffe narrative lyrique dans sa simplcité. Fascinante.
Les hommes vont alors faire une pause et s'arrêter dans un village pour casser la croûte. Belle scène de repas, conversations croisées, leur hôte est aussi une sommité, c'est le Maire du village, dont la fille venant servir le thé à la fin du repas va fournir au film une scène sublime (c'est le premier personnage féminin qui apparaît dans le film, et c'est vraiment, au sens strict, d'une apparition qu'il s'agit.)
Le jour s'est levé, mais le film n'est pas terminé, et entame sa deuxième partie, d'abord autour du corps du défunt (qu'on a enfin retrouvé) lors d'une scène curieusement en équilibre entre le cocasse et le flippant, puis retour en ville où il sera surtout question du médecin. (C'est lui le héros). Tout seul, puis avec le commissaire, puis en salle d'autopsie. Là encore, à partir de pas grand chose, la narration de Nuri Bilge Ceylan fait des merveilles...
J'ai presque tout raconté, mais ça n'a pas vraiment d'importance, le récit est presque un prétexte, c'est à un autre niveau que les choses se jouent. Les scènes se suivent et s'agencent fluidement, superbement, (j'avais envie d'écrire "s'enchâssent", pour le sentiment admiratif, presque religieux qu'elles provoquent, comme des objets précieux qu'on manipulerait avec précaution, alors que non, justement, il n'y a là-dedans rien que de très simple, de profondément humain.), on écoute, on regarde, on perçoit, on reçoit (on tente de reconstituer ce qui manque, ce qui n'a pas été dit, on se fait sa propre histoire, on cherche son pourquoi). Ce qui compte, peut-être, c'est ce rapport très particulier au temps qu'induit le réalisateur : sans vraiment dilater la durée, il prend le temps, il prend à chaque fois le temps spécifiquement nécessaire à chaque plan. C'est difficile à expliquer, mais le plaisir qu'on éprouve tient à cette qualité, à cette justesse-là.
On les a accompagnés, on a du mal à les quitter... On a envie de les revoir, oui. (Ca sera dans le bôô cinéma, mais pas avant décembre, hélas.)

Oui, ce film m'a fait forte impression.
Top 10

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(le titre est trompeur, mais l'affiche aussi, je trouve...)

 

12 novembre 2011

"je suis toxique"

MON PIRE CAUCHEMAR
d'Anne Fontaine

Celui-là aussi, je suis allé le voir le premier jour (presque) à la première séance, parce que j'avais envie de le voir, et en même temps la bande-annonce me faisait un peu peur... Eh bien je peux vous dire que, pour une fois, la bande-annonce en question est très futée pour harponner le pékin et ne déflore pas pas le film qu'elle fait mine de vous raconter en deux minutes chrono. Plutôt que de vous dévoiler  l'histoire et les trente-cinq répliques qui font mouche, elles ne va vous en conter que les prémisses, et ça c'est plutôt malin (et ça change, par les temps qui courent...).
C'est une bonne idée de mettre face à face la puissance réfrigérante d'Isabelle Huppert et celle, destroy, de Benoit Poelvoorde (avec, entre les deux celle, bonhomme, d'André Dussolier, qui fait un sacré retour ces derniers temps en vieux beau démondemidisé...). C'est vrai que, une semaine après Intouchables (qui s'achemine, dixit libé vers une carrière à 8 millions d'entrées.. L'aimerais-je moins ???) le canevas  fait un peu déja-vu : la bourgeoise et le zonard, la morgue et la démerde, la condescendance et les grosses vannes (plutôt que "et", je devrais plutôt écrire "contre"), bref les deux univers que tout oppose mais dont, au vu de l'histoire le spectateur moyen sait bien qu'ils vont terminer dans le même lit ou devant le maire (ou les deux). Mais là où Intouchables joue toujours sur le même registre, Mon pire cauchemar la joue plus fin.  D'une situation de comédie pure, que la bande-annonce fait présentir pouêt-pouêt, le film vire vers quelque chose de bien plus personnel, qui peut être défini comme "un film d'Anne Fontaine"... De Nettoyage à sec à Entre ses mains (avec déjà un excellent Poelvoorde mais cette fois-là quasiment à contre-emploi) on connait le talent de la dame pour instiller un certain malaise, une perversion douce (?) mais indéniable dans une trame narrative en apparence lisse et immaculée.
Il y a beaucoup de dialogues aiguisés et de réparties assassines dans Mon pire cauchemar (une de mes préférées étant "dès que je suis devant une femme de plus de 80 de Q.I, mon charme n'opère plus..."), surtout dans la première partie, qui serait un peu le match aller entre Isabelle et Benoit, où chacun y va franco pour balancer qui les pires vacheries qui les vannes les plus douteuses, sans pitié pour l'adversaire. Dans la deuxième mi-temps, quand les équipes changent de côté, on passe un peu à autre chose, heureusement un peu plus apaisé, et c'est là qu'on apprécie vraiment l'étendue de la palette de jeu des deux tourtereaux/adversaires (La Huppert, est, à ce jeu, sublimissime, pouvant exprimer précisément quelque chose d'un simplement battement de cils ou mouvement de chevelure, mais Poelvoorde ne laisse pas sa part au chat, et se défend bien aussi, cf la scène du "je suis toxique" qui donne son titre à ce post.)
Petit plaisir pervers pour la scène belge et le numéro de jean-luc couchard en demi-frérot, et retour à la case parisienne, pour un dénouement en deux (voire trois) temps, qui vous laisse ému, déboussolé, attendri, énervé, re-ému, re-agacé, et j'en passe.
On sort de là avec le sourire (on est midinet ou on ne l'est pas), en se disant tout de même que, décidément, l'art moderne comme transcendance  du pékin moyen, ça fait deux fois en deux films, coup sur coup...

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7 novembre 2011

jab, jab!

BOXING GYM
de Fred Wiseman

Le premier film de notre programmation du Mois du Doc, dans le bôô cinéma, qui ne passera hélas que deux fois (et on était 3 dans la salle, autant dire une franche réussite !) Ahlala! Dommage pour les ceusses qui ne sont pas déplacés, ou qui sont allés voir autre chose. C'est du beau cinéma, du très beau cinéma. Wiseman a une réputation de grand documentariste, mais d'austérité aussi, voire d'ascèse. Là, pas du tout. Une caméra curieuse, attentive, amicale, attentionnée, aux aguets, à l'affût, se promène (virevolte) dans une salle de boxe, ou de gym, ou les deux, le Boxing Gym du titre. Des gens de tous horizons, hommes femmes, jeunes, vieux, blancs, noir, latinos,  qui viennent là pour s'entraîner (s'entr'aider un peu, aussi) "pour 50$ par mois, payables en liquide, ils peuvent y venir autant qu'ils veulent..." (c'est le patron qui nous l'apprend).
C'est un film sonore, musical, percussif, qui joue sur les répétitions, les enchaînements de coups, les respirations, c'est un film, aussi, éminemment chorégraphique, lorsque un, deux, voire trois corps viennent s'y inscrire dans l'espace de l'écran, qu'ils soient sur le même plan (sur le ring, par exemple) ou pas (dans le lointain, dans un miroir, ou au contraire très près, en amorce).
Une journée au Boxing gym, une journée average, qu'on suppose comme les autres, avec son quota de coups, d'échanges, de confidences, de gestes parfois aussi simples que touchants (le monsieur qui va toucher les pieds de son bébé du bout de ses gants de boxe), bref, son quota d'humanité, et rien que ça, c'est énorme.
On applaudit des deux gants.

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