238
ARIAFERMA
de Leonardo di Costanzo
Le revoilà (après sa découverte en avant-première dans notre SETTIMANA ITALIANA) en programmation "normale" (traduisez "six séances", d'autant plus complquées à voir que sur le tableau récapitulatif des séances à l'entrée du bôô cinéma, il n'y a pas d'ARIAFERMA, mais, à la place, un DALL'INTERNO...)
Je ne sais pas ce qui passe avec ce film, mais c'est comme si j'en étais amoureux... Déjà à la SETTIMANA, je suis venu aux trois séances, et là, simplement de revoir la bande-annonce j'avais déjà les yeux qui me picotaient. Alors j'y suis retourné.
J'aime ARIAFERMA (qui tombe à point, après SAINT OMER) parce que c'est "un film d'hommes", soit l'exact contraire du précité. Des hommes dans une prison, une vieille prison moche, des hommes en petit comité, ensemble, face à face, des détenus et des gardiens. A la tête des gardiens Toni Servillo, et à la tête des détenus, Silvio Orlando, deux superstars du cinéma italien, dont l'affrontement va se passer à fleurets mouchetés, simplement, en douce. Le gardien-chef reste de marbre, rigoureusment dans ses fonctions, tandis que "Don" (le parrain de la petite troupe des prisonniers) la joue mezzo voce, avec un apparent respect (et la même humilité) envers celui qui représente la loi et l'autorité dans ce microcosme mâle où d'ordinaire ça monte vite en pression.
Il y a entre, les deux, (c'est peut-être aussi pour ça que j'aime tant ce film) un jeune détenu, Fantaccini, qui a (re)fait une grosse connerie malgré son visage d'angelot, et revient donc à la prison (où les gardiens semblent le (re)connaître, et notamment le gardien-chef, Gargiulo (Servillo) dans l'attente de son jugement, et qui, étant le plus jeune, devient un genre de mascotte au sein de cette troupe virile et bur(i)née.
J'aime ARIAFERMA pour sa scénographie (tous les détenus ont été ramenés dans une aire circulaire (celle des nouveaux détenus), où vont, "théâtralement", se passer beaucoup de scènes importantes (notamment celle, extraordinaire, du repas, qui incarne, pour moi, ce qui pourrait se rapprocher le plus, au cinéma, du mot "fraternité"), il y a cette aire centrale, "l'agora", avec les cellules distribuées tout autour, et des portes verrouillées, derrière lesquelles des couloirs conduisent on ne sait pas toujours où (dans le film on passe beaucoup de temps à ouvrir, puis refermer, les portes à clé.
J'aime ARIAFERMA pour son sens du détail, concernant la majorité des personnages, leur donnant un peu d'épaisseur supplémentaire par un petit truc qui les caractérise (beaucoup d'acteurs sont non-professionnels, parmi les prisonniers et parmi les détenus), qui l'humanise (cette brute de Bertoni, par exemple, quand il fait semblant d'avaler son cacheton, ou qu'on le voit coudre à la main une genre de poupée de chiffon).
J'aime ARIAFERMA pour le personnage de Fantaccini, qui illustre de façon peut-être la plus forte la dualité de ces personnges, qui sont là parce qu'ils ont commis des crimes (dont, dans la majorité, on ne connaîtra pas la teneur), mais qui ont l'air, comme ça, en majorité "gentils", comme Fantaccini, qui apparaît comme une crème d'homme, alors qu'il a pratiquement tué un vieillard pour lui voler son portefeuille.
J'aime ARIAFERMA pour sa musique, aussi (les chants du début et de la fin, les séquences de percussions, et le magnifique Clapping Music de Steve Reich sur la scène de rangement après le repas, de "retour à la normale", qui culmmine avec cette montée en puissance sur un espace vide et désormais silencieux (et éclairé).
J'aime ARIAFERMA pour toute ses scènes en extérieur, que ce soient les plans sur la prison où les paysages environnants, resituant ainsi ses (petits) personnages dans un contexte géographique précis et démesuré.
J'aime ARIAFERMA parce que j'ai avec ce film un rapport secret (et inexpliqué) qui fait qu'à la quatrième vision j'ai toujours autant les larmes aux yeux (mais des "bonnes larmes", des larmes de joie, pas des larmes de tristesse, au contraire) et qu'il prend sa place sur l'étagère de mes "films de chevet", à côté de FIRST COW, entré l'année dernière (et qui était aussi, tiens, une histoire d'hommes...)