barbelés
022
GREEN BORDER
d'Agniezka Holland
J'appréhendais un peu, c'est vrai, et c'est le message d'Isa qui, paradoxalement, m'a décidé ("J'en ai encore les jambes qui flageolent, les larmes aux yeux et le curseur du colèromètre poussé à fond! ")
J'ai retrouvé Catherine quasiment à tâtons dans le noir de la salle 5... (le temps de deux bandes-annonces de deux de nos films à venir : SANS JAMAIS NOUS CONNAÎTRE et MAY DECEMBER)
On est happés "plastiquement" dès la scène de début de générique, avec un plan de forêt très verte avec le titre en blanc, qui s'inverse assez rapidement : la même forêt perd ses couleurs, tandis que le titre passe du blanc au vert... La même chose, exactement, vue de deux manières différentes.
On va passer la plus grande partie du film dans cette forêt, au milieu de laquelle sinue une ligne de rouleaux de barbelés : la frontière entre la Biélorussie et la Pologne.
La famille syrienne, dont on a fait la connaissance dans une scène d'ouverture (d'avion) où tout semble aller pour le mieux dans le meilleur des mondes, va découvrir l'épouvantable réalité de la région : les polices des frontières des deux pays vont se les renvoyer à perpétuité, de part et d'autre de cette fameuse frontière, où les Russkoffs et les Polacks vont se les renvoyer sans états d'âmes, et sans fin non plus, dans une partie d'un obscène ping-pong humain. On va faire la connaissance d'un certain nombre de personnages : un garde-frontière polonais, un groupe de bénévoles activistes qui œuvrent pour aider les clandestiins, et Julia, une femme qui va rejoindre les activistes pour essayer d'aider, elle aussi...
On suivra donc un certain nombre de personnages, de nationalités (et de langues) multiples, la réalisatrice, justement, insistant (faisant le point) sur cette multiplicité d'actes, de décisions, d'agressions, de pertes, de sauvetages (et de morts aussi, une noyade nocturne dans un marécage étant pour moi la plus insoutenable).
Je savais que le film serait dur, mais j'étais en-deça de la réalité... La caméra accompagne ces scènes qui vont du révoltant à l'abject (les biélo-russes gagnent le pompon, mais les polonais ne sont pas mal non plus...).
J'étais quasiment dans le même état qu'Isa en sortant, au terme de l'épilogue, en 2022, où, actualité géo-politique oblige (Poutine déclare la guerre à l'Ukraine) , voilà que la Pologne est soudain devenue terre d'asile, et les rescapés de notre famille initiale vont -enfin- pouvoir espérer atteindre leur but... (comme un tout petit happy end)
Un film fort, un film choc, et j'ai été étonné de la façon condescendante (parfois même méprisante) dont il a été critiqué... Plusieurs machines à gifles auraient bien dû se mettre en action illico : distribution ex-aequo pour Les Cahiers : "Dramaturgie du calvaire, écorchures sanguinolentes, défilé de pietàs : cette imagerie catholique n’offre au spectateur que la place du témoin impuissant, les paupières comme épinglées pour garder les yeux grands ouverts sur un naufrage démocratique." et pour Libé : "Holland cherche d’évidence à montrer que la crise des valeurs se propage comme un acide détruisant l’ensemble du tissu social. Mais le dolorisme de la mise en scène, sa fringale de malheurs dont elle semble n’être jamais rassasiée, de même qu’on ne sait trop à force si notre révolte intérieure est suscitée par le sentiment du trop-plein ou par la gravité des calamités décrites.".
Pffff....