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UN COUP D'ECLAT
de José Alcala
On y allait sans attente particulière, simplement parce qu'on avait dit qu'on irait au cinéma en début d'après-midi, et que c'était la seule nouveauté. Et, dès le début, un mec qui court le long d'une palissade, comme Denis Lavant dans Mauvais sang, accompagné d'une jolie musique à la guitare électrique, on se regarde en souriant, et on dit "c'est bien...". Oui ça commençait bien, et ça continue pareil.
Je ne sais pas si on c'est parce qu'on avait bien mangé à midi, que j'avais trouvé la bière délicieuse, mais ce film, je l'ai savouré minute après minute. Jusqu'au bout.
C'est vrai, je l'avoue, j'avais vu la bande-annonce, et Catherine Frot m'y avait attiré l'oeil. Et là, c'est vrai, elle irradie dans ce coup d'éclat. Elle rayonne, mais en sourdine, astre mort, trou noir. Impériale dans un rôle de flic (commissaire) à la vie pas folichonne, (un peu alcoolo sur les bords), usée, désabusée, qui va soudain s'intéresser au destin d'une jeune prostituée tombée du haut d'un toit (et de son fils, à l'existence duquel elle semble seule à croire). Une enquête "en marge", qui la fait sortir insensiblement de ses rails d'habitude.
Un polar à l'image de son héroïne : ancré dans un quotidien pas joli joli mais genre c'est comme ça faut bien qu'on s'y fasse. Des gens qui tiennent, des gens qui résistent, qui se battent, chacun à sa manière. Une réalité désenchantée (des putes "tenues" par leur maquereaux, des lotissements de caravanes, des mecs qui vont bosser en mobylette qui tombe en panne, des usines qu'on démolit pour les délocaliser en Turquie, , des vieilles mères un peu acariâtresdes sans-papiers qu'on reconduit mécaniquement parce qu'il faut faire du chiffre) mais très adéquatement mise en image (le film est plutôt nocturne, sombre, et quand il est en plein jour il serait presque blafard (on pourrait quasiment retrouver des relents de Winter bone, mais qui, ici, sonneraient bien plus juste).
Sans misérabilisme, sans dolorisme (pourtant, je l'ai déjà dit, rien de vraiment guilleret à quoi se raccrocher...) mais avec une indiscutable force, le film persiste dans sa ligne minérale et taiseuse. Un polar, mais pas que. Une chronique sociale, mais pas que. Un univers esthétique cohérent et fort, mais pas que.
Et Catherine Frot, je le redis. (mais tous les rôles, même les dits "seconds", sont au diapason. avec toujours le minimum d'humanité requise pour leur donner l'épaisseur nécessaire.)
Une excellente découverte.
(pour mes trois lecteurs bisontins : allez-y!)