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LE BAL DES ACTRICES
de Maiwenn
Oh la bonne, l'excellente, la délicieuse, la divine surprise! (surtout que je l'ai vue juste après -zzzzzzz- le Chabrol!). J'avais raté son premier (que je n'avais à vrai dire pas trop envie de voir, mais dont les échos plus qu'enthousiastes de ceux qui l'ont vu me l'ont presque fait regretter...) mais celui-là, depuis que j'en ai vu la bande-annonce, j'ai su que je ne le raterais sous aucun prétexte.
Et bien m'en a pris. Je l'ai vu avec mes copines Marie et Véro, et en sortant on a croisé un autre copain (qui venait de voir -zzzzzzz- le Chabrol) et, s'étant étonné de nos mines unanimement réjouies, s'est enquis du film que nous venions de voir et qui provoquait cette douce et béate hilarité. On n'avait rien fumé de psychotrope, non, on avait juste vu Le bal des actrices.
A vrai dire, c'est quand même un drôle de machin. Où l'histoire d'une jeune réalisatrice (Maiwenn herself) qui se fait filmer en train de filmer soi-disant un documentaire sur les actrices (enfin sur des actrices, le panorama n'en étant pas exhaustif, manquent quelques pointures, la plupart de celles qui sont ici semblent être ses copines, et on comprend très tôt qu'on ne verra ni Cécile De F., ni Marion C., ni Audrey T., qui ne semblent pas du tout faire partie des copines en question...), pour en faire un "film", work in progress qu'on est justement en train de voir (on la voit filmer, et on voit ce qu'elle est en train de filmer, il y a un caméraman qui la filme en train de), qui est donc en train de se faire, et dont un producteur affirme pourtant, à la fin, qu'il ne sortira jamais. (après L'homme à la caméra, de Dziga vertov, voici La femme à la caméra, par Maiwenn ? L'un filmait une ville russe faite de plusieurs villes russes, l'autre filme une actrice faite de beaucoup d'actrices... mais bon la seconde est plus rigolote que le premier!)
On est à nouveau -tiens donc- dans la fameuse problématique "entre documentaire et fiction" qui nous fit tant gloser l'année dernière : qu'est-ce qui est vrai/réel et qu'est-ce qui ne l'est pas ? le mélange des genres est assez étourdissant. Chaque actrice joue un personnage qui porte son vrai nom, mais dont on n'est pas trop sûr que ce qu'on lui fait jouer soit véritablement elle.Ou peut-être un peu si quand même ?
Et finalement, on s'en fout, et on se laisse emporter par ce joyeux bordel, gentiment iconoclaste, où on prêche le faux pour savoir le vrai, à moins que ce ne soit le contraire. Où la réalité (du filmage) deviendrait fictionnelle et la fiction (des personnages) presque réelle. un genre d'univers parallèle.
Un peu comme des sales gamines qui joueraient à "on dirait que je serais..." et où, à partir d'un certain point, tous les repères seraient abolis, du sacro-saint réalisme, de la comédie, de l'auto-portrait, de la comédie musicale (pas forcément ce que je préfère mais bon c'est fait avec tellement de conviction que ça passe, alors qu'on serait parfois à un fil du ça casse), de la chronique de couple (ouah la vie de famille de Maïwenn! on aimerait bien avoir le Jojoey Starr à la maison plus souvent, ça met vraiment de l'ambiance, ça mâche pas ses mots, ça ronchonne au pieu, ça éructe joyeusement à l'anniversaire du gamin...), du film de femmes (ohlala elles ont fumé quoi les copines ?), de la sincérité du bidouillage, du reportage animalier sur Nos amis les bêtes du monde merveilleux du cinéma...
Tout y passe, du cours d'art dramatique (Karole Rocher, la maman dans Stella, y est grandiose face à Christine Boisson, dans une scène où se disent des choses sur le fait d'être une has-been qu'il faut avoir suffisamment de force et de recul pour être capable de les accepter) au casting (là aussi, Romane Bohrinher est tout de même sur le fil...), des cours de langue à la retraite mystique, de la chirurgie esthétique au saphisme, de l'angoisse de vieillir aux metteurs en scène chiants, enfin, tout tout est joyeusement dynamité concassé pilé mixé dans un gloubi-boulga qui a l'air d'autant plus bordélique qu'il a été je pense écrit au cordeau. Au rasoir.
Elles sont toutes nickel, parfaites, attachantes touchantes troublantes énervantes aussi parfois dans cette bulle légère qui réussit le prodige d'être à la fois branchouille et popote, sincère et roublarde, profonde et toc, individuelle et universelle, inconséquente et philosophique, inoubliable et vite oubliée, en nous faisant perdre je le disais plus haut tous nos repères habituels de spectateurs formatés.
Oui vraiment j'ai adoré ça...