au-dessus de l'armoire
RICKY
de François Ozon
Certains diront que ça ne vole pas haut, d'autres que ça ne casse pas trois pattes à un canard, d'autres encore que ça manque d'envergure... Laissez-les donc jacasser. Le dernier film de François Ozon (après le superbe Le temps qui reste et l'insupportable Angel) est -littéralement- un OVNI.
C'est un exercice périlleux que d'en parler sans en déflorer le sujet, sans dévoiler ce qui, au bout d'une demi-heure, fait soudain bifurquer l'histoire suivant une direction qu'on n'aurait pas forcément attendue. (mais je me rends compte que maints critiques n'ont pas eu ce genre de scrupule, et je trouve que c'est dommage de ne plus avoir la surprise...)
Une mère célibataire (Alexandra Lamy) élève seule sa fille, vit ric-rac, à l'étroit dans son appart, avec des loyers de retard, bosse dans une usine de produits chimiques. Elle rencontre Paco (Sergi Lopez, large et confortable comme une armoire normande... J'attends avec impatience le jour, où, dans un film, Sergi Lopez se prénommera Georges ou raymond ou Otto), ils font rapidement connaissance dans les toilettes de l'usine se mettent en ménage, et les voilà à trois, jusqu'à ce qu'arrive un joli bébé, rigolard (et vraiment très expressif), Ricky, portant la petite famille à 4. Et c'est là que tout commence...
Une vie très banale et morne et prosaïque, comme vous, comme moi,qui va soudain se transformer, à cause (ou grâce à) ce bébé. Ozon filme des prolos, avec des vies de prolos et des problèmes de prolos, dans des décors de prolos (finalement, huhu, on ne serait pas si loin de Louise-Michel...) comme il filmerait des spécimens ornithologiques dans un zoo. Tout ça est un peu grisâtre, un peu froid, un peu aigre, jusqu'à ce qu'un élément fantastique vienne, non pas transfigurer (on n'est pas, yop la boum, chez Disney) mais juste un peu la dévier de son ornière. Cette vie lugubre (HLM, loto, poulet du dimanche, clic-clac, engueulades) avec des problèmes strictement terre-à-terre va être amenée à prendre un certain essor, et voir soudain s'élever un peu son propos...
Je suis sorti de là avec un sentiment assez mitigé (le film a cassé deux fois, dont, la première juste avant la "révélation", on aurait dit un coup de pub...) Tout ça ne m'a pas vraiment fait rêver, ni sourire, ni vraiment énervé. Juste bof. Ozon nous tend un miroir, au reflet assez pathétique, sur lequel il aurait gribouillé un genre de sourire, un peu crispé parfois... Il est beaucoup question d'amour et d'affection, de manifestations d'amour, de celles qu'on attend, qui manquent souvent, dont on est frustré, ou sur lesquelles on se méprend, et tout ça finit par vous coller à la longue un peu le moral dans les chaussettes.