chasse au snark
VANDAL
d'Hélier Cisterne
Oui, vraiment, ce fut une délicieuse soirée que ce film en avant-première que nous offrions à nos adhérents en "ouverture de saison", en présence du réalisateur et de la distributrice (mon dieu comment ces gens qui ont l'air si jeunes peuvent-ils avoir déjà fait -et réussi- tant de choses ?)
Un très joli film, qui, contrairement à ce que pourraient faire croire dans un premier temps les noms qui fleurissent l'affiche (Ramzy, Marina Foïs, Jean-Marc Barr, Brigitte Sy, excusez du peu) raconte avant tout l'histoire d'un ado, ou, mieux, d'un certain moment de la vie d'un ado (et, notamment, de sa découverte de l'univers du tag). Chérif, l'ado en question, est, lui, joué par un jeune acteur aussi non professionnel que magnifique (Zinedine Benchenine). Il se retrouve à Strasbourg chez son oncle et sa tante, suite à une entrevue avec le juge (Corinne Masiero, encore du beau linge) après une ènième nouvelle connerie, destination C.A.P de maçonnerie (ma connerie / maçonnerie? oui, facile), ("Pourquoi t'as choisi maçonnerie, si t'aimes pas les bourrins ?") et perspective de petit horizon grisâtre, jusqu'à ce que son cousin, si sage en apparence avec ses petites lunettes (Emile Berling) ne lui fasse découvrir, au cours d'escapades nocturnes en catimini, ses copains graffeurs (et non pas graphistes ou graphologues, hein -private joke pour Jacques-) et envisager ainsi de nouvelles perspectives, plus excitantes et moins étriquées.
Jour et nuit. Le film oscille donc entre ces deux pôles : la vie de famille, l'apprentissage, les premiers frémissements de l'amour, et les expéditions graffatoires (sweats noirs, capuches, bombes, courses-poursuites, vigiles...) tout ça enveloppé de la très belle musique d'Ulysse Klotz, que j'avais déjà fort apprécié -un entretien postérieur avec le réalisateur me l'a rappelé- dans L'âge atomique de sa soeur Héléna (Klotz, donc).
Chérif est un ado, il se construit, d'une façon différente -et sans doute complémentaire- des deux côtés de la journée (relations pas simples avec ses jeunes collègues bourrins, sa potentielle copine, son père,etc. d'un côté, équipées nocturnes cavalantes et giclées d'adrénaline de l'autre) dans des scènes qui s'équilibrent et se répondent, à la fois par leur justesse, leur force et leur simplicité.
Le réalisateur évite heureusement la solution de facilité qui aurait consisté à faire du graff, hop, d'un coup de baguette magique, la solution à tous ses problèmes, whizzz!, et la fin ouverte qu'il nous propose est bien plus fine que ça. Il y a le mur, il ya l'espace, il ya la trace, il ya l'espoir, sans doute.
On sort de là léger, curieux, touché, à la vue de ce jeune homme prêt à prendre son envol. Quelque chose s'est produit, oui, on suit et on rêve...
Hélier Cisterne réussit sans l'ombre d'un doute son passage au long-métrage (il a déjà à son actif des courts- et des moyens-), mais ce qui est encore mieux, c'est le brio avec lequel il a affronté la phase dite "de discussion", celle qui succède à la projection du film, vous savez, lorsque les lumières se rallument, que vous reprenez vos esprits, vous ébrouez mentalement pour revenir au monde réel, et qu'on vous montre un micro en vous posant la question "Avez-vous des questions ?"
Il a donc attaqué bille en tête, (après que Hervé nous ait fait son fameux sketch du micro qui ne fonctionne pas) et y est apparu -dans l'exercice du débat- à l'aise, presque sautillant, plaisant, disert, intarissable, répondant, par exemple, à la première question brillamment inintelligible de la vieille dame un peu échevelée assise non loin de moi d'une agréable et compréhensible façon (j'eus été, à sa place, plutôt désarçonné, mais on sent bien que non seulement il a l'habitude de l'exercice, mais qu'il le pratique avec un plaisir visible) C'est passionnant de voir quelqu'un aussi... passionné par ce qu'il fait, et la façon qu'il a de vous en parler, de vous expliquer sa démarche, ses envies, le b-a ba de son film, la genèse de son aventure, donne bien évidemment envie d'en savoir encore un peu plus. Du coup j'ai -fait rarissime, mes amis et collègues pourront en témoigner- j'ai, donc, même, osé en poser une, de question... A laquelle il a répondu avec la même détermination enthousiaste et volubile. Il est bavard, mais c'est pour la bonne cause. Et ce qui se passait, alors, résonnait vraiment comme un échange... Un signe qui ne trompe pas, d'ailleurs, personne n'a quitté la salle avant que les presque vingt-trois coups de l'horloge ne nous en chassassent... -euh peut-être que l'imparfait du subjonctif ne s'imposait pas vraiment...-
Mais ce qui est encore mieux, c'est que la soirée n'était pas encore finie, (heureusement, c'était vendredi), et nous nous sommes donc retrouvés un peu plus tard pour un genre d'after chez mon amie Zabetta, à base de saucisse-aligot, où nous avons pu, autour de la table, comme elle l'avait déjà fait pour Claire Simon après Les bureaux de Dieu, continuer le dialogue amorcé dans la salle, mais de façon beaucoup plus plaisante et informelle : il fut question de cinéma, bien sûr, de graphisme, de scénario, mais aussi de dictée de Pivot, de jeune fille assise au 3ème rang, de Quentin Tarantino, et de cancoillotte, et de couteaux Laguiole en acier feuilleté, et de briquet Vandal (même si ne fumant pas, je suis reparti avec le mien...), avec un vrai grand plaisir gourmand.
Une délicieuse soirée, vous dis-je!
Le film sort le 9 octobre, allez-y, de ma part...