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C'était le numéro de la place que j'avais prise pour Emma avec mon abonnement, pour le spectacle de François Morel que je ne comptais pas aller voir (autant qu'elle bénéficie donc d'un tarif préférentiel).
Et les circonstances ont fait que, Emma ne pouvant finalement pas assister au spectacle en question, m'a fait re-passer la fameuse place (que j'avais achetée pour elle) par Régis pour que cette place ne soit pas totalement perdue et que quelqu'un puisse en profiter quand même. J'y suis donc allé, mais avec un enthousiasme modéré, surtout après qu'on m'ait rappelé qu'il s'agissait un spectacle de chansons, d'un récital, d'un tour de chant.
Ah... (demi-sourire un peu inquiet avant d'entrer).
Surtout que ça attaque jazzy, cabaret, rive gauche, un pianiste, une batteuse, une ventiste, un contrebassiste, après la première chanson j'étais encore plus modérément enthousiaste. Rien d'électrique ni d'électro ni rock ni. Bah, me disais-je, une heure vingt serait vite passée. Mal en patience, bienveillance, etc.
Sauf que François Morel est un sacré bonhomme. Un sacré grand bonhomme. Et que ce tour de chant est très intelligemment conçu. Avec des changements d'humeur à vue, le chanté et le parlé, le drôle et le sentimental, la dérision et l'émotion, les dialogues très écrits (le grand livre du spectacle), les jeux de lumière et de rideaux, et qu'une fois qu'il vous a pris (pour moi c'était la chanson qui commence par la date de naissance d'Adamo, et tous ces petits machins inutiles qui vous restent dans la tête, "et prennent de la place, la place de quoi ?") il ne vous lâche plus. Jusqu'au bout, du dernier rappel puis du dernier dernier, et du vraiment tout dernier dernier dernier (la salle était archi-comble et archi-conquise, est-il besoin de le préciser), accompagné de ces (ses) quatre musiciens qui sont comme les doigts de la main, larrons en foire, cul et chemise, tellement on les sent bien ensemble et heureux de nous le faire sentir.
On vogue ainsi avec lui, avec eux, pendant plus d'une heure et demie, alternant les rires de bécasse (je parle de moi) et les larmes d'émotion qui poindront (j'utilise le futur de narration, car j'ignore comment conjuguer le verbe poindre au passé simple... poignirent ?), comme ça, plusieurs fois, à l'improviste, et, comme chantait Bourvil "et c'était bien, et c'était bien...". François Morel chante du Morel -voilà une phrase idiote en appparence, mais juste (quoiqu'il faudait que je vérifie si tous les textes sont bien de lui) tant cet univers-là lui va comme un gant- (avec tout à la fin une reprise de Au suivant de Brel). Oui, on est bien avec lui, avec eux, et on en redemande.
Il régnait à la sortie, dans le hall, un genre de brouillard d'euphorie, visages réjouis, yeux qui pétillent, et le ressenti des gens semblait de la même belle unanimité souriante...